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Transition énergétique : ces antiques forêts chinoises aménagées façon Feng Shui pourraient être la clé de l’avenir carbone du pays
©FRED DUFOUR / AFP

Atlantico Green

Des dizaines de milliers de petites forêts feng shui sont encore préservées en Chine. Alors que le pays vise la neutralité carbone en 2060, elles pourraient servir d'inspiration aux efforts de reforestation.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Des dizaines de milliers de petites forêts feng shui sont encore préservées en Chine, représentant un lointain passé où les habitants vivaient en adéquation avec la nature. Pourquoi ces forêts pourraient-elles jouer un rôle dans les futurs efforts écologiques du pays ?

Emmanuel Lincot : Rappelons que la traduction de cette appellation "Feng" (le vent), "Shui" (l'eau) nous renvoie à une représentation du monde qui tend à vouloir associer les grands éléments et l'homme en une compréhension harmonieuse. C'est un principe qui est à la base du taoïsme et avant lui, du chamanisme. L'ensemble des peuples sinisés, à commencer par les Japonais, s'en sont inspirés. Et ce sont les Japonais qui, récemment, ont démontré que d’un point de vue cognitif voire thérapeutique, l’immersion d’une personne ou sa fréquentation régulière dans un espace forestier lui était hautement profitable. Il diminue le stress, et concourt à écarter les pathologies qui peuvent en découler: mal-être, boulimie voire cancers. Plus simplement dit, et à travers cette expression qui paraît à la fois exotique et sophistiquée, se redécouvrent les vertus de ce que peut signifier, en langue française, « se mettre au vert ». L’esprit « Feng Shui » est même devenu, dans la culture et les spiritualités new-waves, un signe de distinction sociale. A la fois ecolo-bobo dans le style de vie qui s’en réclame, il est devenu pour les DRH japonaises l’antidote à à la routinisation des entreprises. Bref, la Chine cherche sans doute à renouer avec une tradition passée qui est propice en retour à davantage d’efficacité mais aussi à une amélioration de l’hygiène à la fois physique et mentale. Maintenant, il s’agit aussi - et comme toujours en Chine - de promouvoir, des régions, devenues rares, pour un tourisme de luxe. Le label « Feng Shui » - comme il existe une hôtellerie et une forme de restauration inspirées du « zen » - n’est naturellement pas dénué d’arrières-pensées mercantiles. Partant, il s’agit aussi pour les autorités chinoises de mettre en avant leur engagement écologique, lequel ne prête pas moins à sourire quand on sait leur schizophrénie en la matière. C’est le Parti Communiste qui est à l’origine des déforestations de régions entières depuis la politique du grand bond en avant (1958). C’est ce même Parti Communiste qui, au nom de l’Etat chinois, a adhéré à la Cop-21 alors que ses entreprises d’Etat déboisent en Indonésie, en Afrique ou au Cambodge.

Qu’est ce qui différencie une forêt feng shui d’une forêt normale ?

La forêt « Feng Shui » est fondamentalement un lieu d’ostracisme où, pour les populations méridionales de la Chine, sont enterrés les morts. Selon les légendes taoïstes, s’y exilent les ascètes taoïstes aussi. Bref, c’est un lieu sacré. Les arbres y sont séculaires. Ce qui ne signifie pas qu’on ne les exploite pas mais leur coupe n’est pas destinée à des usages industriels. Autant dire que ces forêts sont très rares. On les trouve dans le sud du pays, soit chez les Hakkas dans la province du Fujian, soit au Sichuan chez les Yi. Leur biodiversité s’avère également très précieuse comme le révèle la pharmacopée traditionnelle ou pour l’usage de certaines espèces qui intéressent aujourd’hui les industries pharmaceutiques. C’est évidemment un patrimoine important qui montre bien que le régime communiste essaye par tous les moyens de l’exploiter pour les éléments de langage notamment dont il peut bénéficier  vis-à-vis de l’opinion chinoise mais aussi dans ses négociations à l’international, dans tout ce qui a trait à l’environnement.

La Chine est-elle en bonne voie vers la reforestation de son territoire ?

La destruction du patrimoine forestier est essentiellement liée à la révolution industrielle et à l’extraordinaire gabegie dont s’est rendu coupable le Parti Communiste Chinois depuis ces dernières décennies. Les petits hauts-fourneaux construits - comme Mao Zedong l’appelait de ses vœux - a été une catastrophe car ils fonctionnaient au bois pour la production par ailleurs d’un acier de très piètre qualité. Le nord-ouest du pays tout particulièrement a été durablement et irréversiblement touché. Aujourd’hui, quatre cents millions de Chinois sont directement concernés par le problème de la sécheresse et la désertification. Ainsi, le désert de Gobi n’est plus aujourd’hui qu’à moins de 300 km de la capitale, Pékin. Dans les années 90, le régime a tiré la sonnette d’alarme en décidant d’installer une barrière verte. La propagande rappelle chaque année les efforts que chaque citoyen est amené à déployer pour planter des arbres. Autant espérer arrêter la progression d’un océan en construisant des châteaux de sable…

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