Extinction de masse : les causes de l’apocalypse des insectes beaucoup plus complexes qu’on croyait<!-- --> | Atlantico.fr
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©ARMEND NIMANI / AFP

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Selon une nouvelle étude, dévoilée par la BBC, la chute de la population des insectes est plus disparate que prévu. La santé mondiale des populations d'insectes est beaucoup plus complexe qu'on ne le pensait. Les insectes terrestres sont en net recul, selon les auteurs, tandis que les insectes vivant en eau douce sont en augmentation.

François Lasserre

François Lasserre

François Lasserre est auteur d'un ouvrage de vulgarisation sur les insectes, J'observe les insectesédité chez La Salamandre, et vice-président de l'Office pour les insectes et leur environnement. Il est également co-président de Graine Ile-de-France, un reseau de structures qui font de l'éducation à l'environnement.

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Atlantico.fr : Alors que les insectes terriens voient leur population diminuer, ceux vivant dans l’eau douce connaissent une augmentation démographique, selon de nouvelles études et des informations de la BBC ? À quoi est-ce dû ?

François Lasserre : L’explication est multifactorielle. L’étude parle de certaines conditions aquatiques qui seraient meilleures qu’avant. Les politiques de protection et d’assainissement des eaux usées, de toutes nos activités sont plus propres quand elles retournent à l’eau. Cela peut en faire partie. Il faudrait savoir de quels insectes il s’agit car sous l’eau par exemple en France, il y a plus de 4.000 espèces d’insectes d’eau douce, dans les rivières, les lacs, les étangs, les fossés, les mares, il y a une diversité incroyable d’insectes.

Dans toute cette diversité, il y a forcément des populations d’insectes, des groupes d’insectes qui peuvent bénéficier soit d’un assainissement de l’eau, soit parfois d’une pollution. Parfois une pollution peut en faire disparaître certains, voir certains prédateurs et cela peut ne pas incommoder certains insectes. Il y a tellement de facteurs possibles. Toute la complexité et la difficulté du monde des insectes est là. Il n’est pas possible de généraliser et de dire « voilà les insectes font ceci, les insectes font cela ». En France, il y a 50.000 espèces d’insectes. Il y en a 4.200 sous l’eau. Il y a très peu d’entomologistes qui travaillent dessus. Il y a très peu d’études sur les insectes. Même sur le sujet des abeilles, on ne sait pas encore trop pourquoi certaines disparaissent à certains endroits.

La tendance globale est néanmoins la suivante, plus on avance, plus le vivant diminue, plus on le gère, plus on le pollue, plus on le salit, plus on l’entretient, moins il y a de place pour les autres animaux.

Ces dernières études montrent, c’est que c’est le même mécanisme qui s’opère aussi pour une partie des insectes. On avait considéré les insectes comme indestructibles. C’est l’image qu’ils donnaient. Il y en a toujours dehors, dans votre jardin. Une partie des espèces est quasiment indestructible ou presque. En revanche, si on fait un pilotage plus qualitatif, il y a des espèces qui n’existent plus ou qui se sont raréfiées car elles ont des conditions écologiques très fines. Elles sont très exigeantes et celles-là ne peuvent pas exister.

Bien sûr qu’il y aura toujours des insectes. Pour un entomologiste amateur d’insecte, il sait que notre utilisation de l’espace fait qu’il ne pourra plus y avoir certaines espèces et une très grande diversité.  

Pourquoi nous avions toujours pensé que la totalité de la population des insectes diminuait ? Il semblerait qu’il y ait une lueur d’espoir. Dans certains milieux, la population augmente. Qu’est-ce que cette étude nous apprend de nouveau sur la démographie des insectes ?

Les entomologistes professionnels savent bien que tous les insectes ne vont pas disparaître d’ici 100 ans. Il y a plein d’espèces qui ne vont pas disparaître. Toutes n’ont pas la même exigence. Parmi ces 50.000 espèces, il y a 50.000 façons de vivre, 50.000 exigences écologiques. Il est difficile de généraliser.

L’immense majorité des insectes diminue plus ou moins mais en réalité nos environnements et nos aménagements profitent à certaines espèces ou n’affectent pas trop certaines espèces.

Les insectes sont très nombreux. Il y a peu d’entomologistes et ils se spécialisent. Il y a de très nombreux entomologistes qui connaissent les papillons mais il y en a très peu qui connaissent les mouches. Il est très difficile dans ces conditions de savoir ce qu’il se passe vraiment au sein de toutes les espèces d’espèces comme la mouche noire par exemple.  

Quelles parties du monde sont les moins favorables à l’apparition d’insectes et quels types d’insectes sont les plus touchés par un fort taux de mortalité ? L’Allemagne aurait connu le plus fort taux de mortalité des insectes en Europe par exemple.

Les études montrent que les pays industrialisés sont principalement concernés par ce phénomène. La question se pose pour les pays occidentaux industrialisés comme en France ou en Allemagne notamment avec encore un fort urbanisme et une agriculture intensive. En Ile-de-France, il y a par exemple environ 20.000  espèces d’insectes. Il y en a beaucoup. Mais en revanche, ce ne sont pas de grosses populations. Mais il y a une telle mosaïque de paysages en Ile-de-France que pas mal d’espèces peuvent exister mais pas forcément en grande quantité. Malgré ces chiffres, l’Ile-de-France n’est pas non plus un havre de paix pour toutes les espèces d’insectes.

Parfois, de la biodiversité est créée artificiellement. C’est un peu ce qui est arrivé par exemple avec l’ouverture des forêts après le Moyen Age, les prairies, l’agriculture, quand elle n’était pas intensive, on a créé des espaces ouverts avec plein de fleurs, plein d’herbes folles. Cela a créé une diversité qui est liée à l’homme.

Nos espaces avantagent parfois certaines espèces, pas toutes, mais certaines.

Dans les pays moins industrialisés on constate un meilleur cadre de vie pour les insectes car l’environnement est moins impacté. Les insectes au milieu du Gabon sont encore assez tranquilles. Le Gabon dispose de près de 80-85% de forêt tropicale. Elle est exploitée mais de façon sélective. Les insectes peuvent donc évoluer paisiblement encore aujourd’hui. Les études n’ont pas été faites au milieu de la forêt tropicale du Gabon.

En revanche s’il y a un énorme réchauffement climatique global. Le monde va changer et être modifié. Des espèces vont disparaître, d’autres vont apparaître. Cela va profiter à certaines, pas à d’autres.  

Quand on mesure la diversité des insectes qu’il y a autour de nous, il est logique que plus on exploite notre environnement, moins il y a de place pour celle-ci.

Ces changements créent parfois les conditions idéales pour les espèces qui arrivent d’ailleurs (exotiques), dont certaines sont ennuyeuses pour nous. En général si elles s’installent si bien, c’est que l’on a créé les conditions, il y a eu tellement de perturbations que cela a créé les conditions pour que elles qui sont plus adaptables, plus souples, plus opportunistes puissent être plus présentes.

Les frelons asiatiques attaquent les insectes groupés par exemple comme les guêpes, les mouches ou une ruche. Quand il arrive en ville, il n’y a pas beaucoup d’insectes, donc s’il tombe sur des ruches, c’est une manne et en plus les abeilles qu’on leur propose aujourd’hui après des siècles de sélections sont faiblardes dans l’ensemble. On a créé les conditions pour qu’ils tombent sur une manne. Tomber sur une ruche pour les frelons asiatiques dans un environnement où il y a moins d’insectes, c’est favorable pour les frelons. Les abeilles ont été sélectionnées par l’homme, qui a pu leur transmettre des maladies. On favorise donc le frelon asiatique de cette façon.

Les insectes sont moins nombreux qu’avant. Nous sommes allés jusqu’à faire reculer les insectes qui pourtant semblaient indestructibles. Notre occupation de l’espace nous concerne tous.

L’insecte a été rejeté en Occident par les agriculteurs, par les particuliers dans leurs jardins ou par les industriels sur leurs sites. C’est en train de changer. Continuons à essayer de les voir différemment.

L’insecte est toujours vu comme un ennemi dans notre espace. L’exemple de généralisation et de diabolisation des frelons asiatiques est une erreur de raisonnement total mais qui est intuitive. C’est un mécanisme et un équilibre assez délicat. Il est difficile de lutter contre ces raisonnements. On continue à stigmatiser toute une population d’insectes à partir d’individus ou de populations ayant posé problème à un moment donné et à un endroit particulier. 

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