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 Pourquoi la pollution automobile aurait quand même baissé (et peut-être même plus) sans la politique anti-voitures d’Anne Hidalgo
©Lionel BONAVENTURE / AF

Atlantico Green

Le trafic automobile a fortement reculé de 19 % sous le mandat d’Anne Hidalgo, mais les embouteillages ont augmenté, avec un impact sur la polllution.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Selon un document de la direction de la voirie et des déplacements de la Ville, révélé par Les Échos ce vendredi, le trafic automobile a reculé de 19 % sous le mandat d’Anne Hidalgo. "La pollution a baissé de la même façon »,  a assuré la maire de Paris le 7 février dans l'émission « Les 4 vérités ». « La pollution a baissé parce qu'il y a moins de véhicules », a-t-elle insisté. L'an dernier dans le Parisien, Anne Hidalgo affirmait déjà que la pollution aux particules fines a baissé de 10,5 % entre 2010 et 2016 grâce, dit-elle, "à son action".

Atlantico : Selon l'organisme Airparif, les concentrations de trois des quatre polluants examinés ont effectivement globalement baissé à Paris depuis 2002, et aussi depuis le début de mandat d'Anne Hidalgo en 2014. Peut-on vraiment dire que c'est grâce à la politique d'Anne Hidalgo ? N'est-ce pas tout simplement parce que les normes environnementales sont de plus en plus contraignantes sur les véhicules (particuliers mais aussi poids lourds, qui doivent désormais appliquer les normes Euro 5) ?

Rémy Prud'homme : Certainement. On a trois raisons de le croire. La première est que, pour plusieurs des polluants (les oxydes d’azote, le SO3, les particules) les niveaux enregistrés dans Paris dépendent bien davantage des rejets dans l’ensemble de l’Ile de France (parfois même de bien plus loin) que des rejets dans Paris intra-muros. La deuxième est que, pour pratiquement tous les polluants, la baisse des concentrations a commencé bien avant 2002, à un rythme généralement plus soutenu avant qu’après cette date. La troisième est la circulation est loin d’être la principale cause de pollution; la baisse considérable des concentrations de polluants - la pollution - doit beaucoup à la désindustrialisation de la région, et aux modifications des moyens de chauffage (glissement du charbon, du fioul et du gaz au profit de l’électricité et du chauffage urbain), mouvements de fond qui n’ont rien à voir avec l'évolution de la circulation. 

Si la circulation automobile a baissé, les embouteillages ont, eux, augmenté de 8% : le taux de bouchons moyens a gagné 3 points, passant à 39%. L'augmentation des embouteillages engendrée par la politique d'Anne Hidalgo n'a-t-elle pas réduit la baisse de pollution que l'on aurait connue sans eux ?

La politique parisienne a en effet entraîné une augmentation des embouteillages, pas seulement à cause des grands travaux, mais aussi et surtout à cause de la diminution de l’espace réservé au trafic automobile. Moins de voies égale évidemment encombrements, et donc vitesses plus faibles. La courbe qui relie rejets polluants à la vitesse a la forme d’un U. A une vitesse faible, les rejets, et les polluants au km parcouru qui vont avec, sont très élevé (si l’on n’avance pas, ils sont infinis). Lorsque la vitesse diminue, jusque vers 40 ou 50 km/h, les rejets diminuent (on est sur la jambe gauche du U). Pour des vitesses de 50 à 80 km/h, ils sont sur un plateau bas (la base du U). Au delà de 80 km/h, ils augmentent avec la vitesse (sur la jambe droite du U). Cette courbe est bien connue, le ministère des Transports en donne même l’équation. En d’autres termes, faire diminuer la vitesse de 40 km/h à 20 km/h entraîne une augmentation de la consommation de carburant, et donc des rejets pollution, et même une forte augmentation: en l’occurrence un doublement. Tous ceux qui payent leur carburant savent cela. Mais les hommes politiques ne discutent sans doute pas assez avec leurs chauffeurs.

Serait-il possible de réduire la pollution liée à l'industrie automobile sans grand travaux d'aménagement, simplement grâce au renouvellement du parc avec des véhicules plus propres ?

Certainement. C’est bien ce qui s’est produit entre 1960 et 2000. La pollution par le plomb, et par dioxyde de souffre, ont complètement disparu: on même cessé de lesmesurer. La concentration de particules fines a été dans cette période divisée par 5. Le bilan est un peu moins brillant pour le dioxyde d’azote ses concentrations ont seulement diminué de 30 ou 40%. Ces résultats ont principalement été obtenus par les constructeurs automobiles, eux-mêmes contraints par les normes de plus en plus sévères imposées par l’Union Européenne. Dans les années à venir, le renouvellement du parc, qui entraîne  le remplacement de véhicules plus polluants par des véhicules moins polluants, va – automatiquement – réduire encore la pollution. Cependant, comme le dit bien le titre d’un livre récent de Christian Gerondeau “L’air est pur à Paris”.  Les niveaux de pollution sont devenus si faibles, contrairement à ce que l’on fait croire aux Français, qu’il n’y a, heureusement, plus  grand chose à attendre de ce côté-là. La vraie frontière concerne le métro: à Paris, les concentrations de particules fines sont dix fois plus élevées dans l’air du métro que dans l’air des rues.

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