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Ces 5 tendances planétaires qui définissent notre futur climatique
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Atlantico Green

Croissance spectaculaire de la production d’électricité renouvelable, poussée des ventes de véhicules électriques, efficacité énergétique des industries... L'Agence internationale de l'énergie montre, dans son dernier rapport, comment notre consommation d'énergie évolue.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico : Mardi dernier, 3 décembre, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a publié son rapport annuel sur l'énergie. Cinq enjeux majeurs ressortent du document. Le rapport met l'accent sur le fait que les énergies renouvelables vont bientôt produire davantage d'électricité que le charbon. Qu'en est-il ?

Philippe Charlez : La production d’électricité renouvelable (hors hydro électricité qui est certes renouvelable mais qui existe depuis des dizaines d’années) croit à un rythme spectaculaire (14% de croissance entre 2017 et 2018). Mais, d’une part elle se cantonne à trois régions du monde (Chine, US & Europe) qui représentent près de 90% de la puissance installée et d’autre part même au sein de ces trois leaders, il y a de fortes disparités. Ainsi, au Royaume-Uni la production charbonnière d’électricité a été largement supplantée par la production de renouvelables. Mais pour ce faire, les britanniques se sont appuyés sur le gaz et le nucléaire. En Allemagne, le « croisement des courbes » ne s’est pas encore fait car les allemands veulent en même temps sortir du nucléaire.  Par contre, aux Etats-Unis et surtout en Chine on est encore loin du compte. Ainsi, pour réduire leur consommation de charbon, les Etats-Unis se sont davantage appuyés sur le gaz que sur les renouvelables tandis qu’en Chine la production d’électricité charbonnière continue de croître. Elle était en 2018 égale à dix fois la production d’électricité renouvelable. La production mondiale d’électricité charbonnière est aujourd’hui égale à 5 fois la production d’électricité renouvelable. La réduction de la production charbonnière ne pourra pas reposer que sur la croissance des renouvelable. Elle devra comme on l’observe aux Etats-Unis et au Royaume-Uni s’appuyer sur le gaz et le nucléaire.

Est évoqué aussi la croissance de l'éolien offshore. Est-ce que ce type d'énergie est en train de devenir de plus en plus commun ?

La croissance de l’éolien off-shore est effectivement très significative. Elle est de l’ordre de 20% par an. Son avantage majeur est son taux de charge élevé : il fournit de l’électricité 50% à 60% du temps contre seulement 20% pour l’éolien on-shore et 10% pour le solaire. Par ailleurs il n’empiète pas sur des terrains agricoles et n’induit aucune nuisance pour les riverains. Par contre, il requiert des structures surdimensionnées nécessitant des quantités énormes de béton et d’acier. Ainsi une éolienne flottante demandera 2500 tonnes de matériau pour une puissance de l’ordre de 10 MW. 10 MW ne représente finalement qu’un centième de réacteur nucléaire qui de surcroit fournira de l’électricité 90% du temps. L’éolien off-shore comme toute énergie renouvelable se trouve donc confrontée à un effet de taille. Enfin, pour amener l’électricité au consommateur, il faut relier les éoliennes à l’aide d’un réseau complexe de câbles sous-marin. Il s’agit donc de mises en œuvre lourdes et coûteuses. Sans aller jusqu’à dire que l’éolien off-shore est en train de devenir de plus en plus commun, je pense qu’il prendra une place significative dans le mix électrique de certains pays disposant de gisement éoliens importants.

Une des évolutions mondiales serait aussi le remplacement des SUVs par les voitures électriques. Où en est le marché de l'automobile de ce point de vue-là ? 

De par son long temps de charge (plusieurs heures sur des prises de 3kW) et sa faible autonomie (moins de 300km), la voiture électrique est avant tout une urbaine et non une routière. On charge sa voiture la nuit pour aller au travail on roule moins de 50 km puis on la recharge la journée dans le parking de son entreprise. Bien entendu une telle application n’est pas crédible sur de longues distances pour lesquelles le temps de recharge doit être réduit à quelques dizaines de minutes. Charger 500 km dans sa voiture électrique en 15 minutes, ne pose pas de problème technique. Il suffit d’une prise de plusieurs dizaines voire même de plusieurs centaines de kW comme le propose Tesla. Ça peut marcher pour quelques milliers voitures mais imaginez un premier juillet quand plusieurs millions de personnes se retrouvent sur les routes. Le réseau ne pourrait pas supporter la surcharge et à coup sûr vous passeriez une partie de vos vacances…sur le parking de l’autoroute. Aucun intérêt donc d’électrifier les SUVs qui sont avant tout des routières et non des urbaines. Parallèlement au développement des voitures électriques en ville, il faut donc réduire la consommation des voitures thermiques sur longue distance. Réduction de la vitesse sur autoroute à 100km/h, du poids en substituant à l’acier des matériaux plus légers et des frottements (carrosseries profilées, routes et pneumatiques de qualité) mis aussi boite de vitesse digitale sont autant de pistes permettant d’atteindre une consommation de 3l/100km dans 20 ans.

Pour l'AIE, l'efficacité énergétique des industries serait un des enjeux climatiques les plus importants. Or elle serait de moins en moins bonne. Pourquoi ? 

La transition énergétique dans les secteurs « énergétivores » de l’industrie comme la sidérurgie, le ciment, le verre ou la chaux est complexe à mettre en œuvre pour deux raisons. La première est que l’industrie n’a pas attendu la transition écologique pour améliorer l’efficacité de ses procédés. Ces derniers ont progressé de façon spectaculaire au cours des 30 dernières années à la fois grâce au bouleversement apporté par le digital  mais aussi suite à des améliorations significatives d’organisation. Aussi ne faut-il pas attendre au cours des prochaines années de percée majeure; les améliorations d’efficacité énergétique resteront incrémentales. Mais surtout, les procédés industriels sont basés sur des processus physico-chimiques imposant leurs règles. Ainsi, la production du ciment se réalise dans un four à 1500°C, une température facilement atteinte par la flamme du gaz ou du charbon mais difficile à obtenir avec de l’électricité. Un autre exemple est la réduction du minerai de fer par le coke (c'est-à-dire le carbone) en sidérurgie. Il ne s’agit donc plus d’améliorer les procédés mais de les changer radicalement. Ainsi existe-t-il aujourd’hui un projet en Suède visant à remplacer le coke par de l’hydrogène pour réduire le minerai de fer.

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