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Des casseurs aux LBD, radioscopie de l’opinion des Français face à la violence dans les conflits sociaux
©Aurore MESENGE / AFP

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Les manifestations des Gilets jaunes samedi dernier ont été marquées par des scène de violence, notamment place d'Italie à Paris. Cette réflexion sur la violence pourrait-elle avoir des conséquences pour les organisateurs de la grève du 5 décembre ?

Emile Leclerc

Emile Leclerc

Emile Leclerc est directeur d'études chez Odoxa. 

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Atlantico.fr : Les manifestations pour le premier anniversaire des Gilets jaunes de ce week-end ont vu des phénomènes de violence revenir dans certaines villes comme à Paris, à Lyon ou à Nantes. Quel est le regard porté par les Français sur les violences lors des manifestations, surtout sur celles des Gilets jaunes depuis le début du mouvement ?

Emile Leclerc : Les Français ne comprennent pas les violences, quelles qu'elles soient, lors de manifestations. Dans notre sondage réalisé janvier dernier, ils étaient 71% à dire que ce n'était pas compréhensible. Et encore, la question était "est-ce que vous pouvez comprendre les violences", donc encore moins les légitimer. En d’autres termes, nous demandions aux Français s’il existait en quelque sorte des « circonstances atténuantes ». Les Français pensent massivement que non. On voit quand même des clivages partisans qui sont assez marqués. Elle sont nettement plus admises par les extrêmes : les Insoumis étaient 62% à dire oui et 46% au Rassemblement national. Chez les sympathisants socialistes, d’En Marche et des Républicains, le rejet des violences est unanime.

Pour autant, le Gouvernement peut-il capitaliser sur les aspirations à l'ordre public si les Français ne comprennent pas ces violences-là ?

Non ce n'est pas aussi simple que ça. En janvier 2019, et les Français renvoient un peu dos à dos tous les acteurs de ce conflit sur la question des violences. Nous leur avions demandé si oui un non chacun d’entre eux portaient une responsabilité. 70% des Français affirmaient que le Gouvernement portait une certaine responsabilité, davantage encore que les Gilets jaunes (63%). Le Gouvernement ne peut donc pas uniquement se poser en garant de l’ordre public, d'autant qu' à l'époque, les Français considéraient que l'action des forces de l'ordre n'était ni efficace, ni adaptée. Les deux tiers d’entre eux le pensaient. Ils affirmaient par ailleurs que l'utilisation de la force était excessive à 42%. Ils n'étaient que 35% à dire que c'était proportionné et seulement 23% à penser que c'était insuffisant.

Un acte a été particulièrement partagé sur les réseaux sociaux et dans les médias, c'est les dégradations sur le monument en hommage au maréchal Juin. Y a-t-il des violences davantage condamnées que d'autres ?

Pas à ma connaissance. La casse n'est pas comprise, quelle qu'elle soit. Le fait de casser des vitrines, des monuments, de s'attaquer à tout bien public ou privé, c'est inaudible pour la majorité des Français. Les violences sont devenues si récurrentes que désormais, les Français s'attendent à une systématisation de la violence dans les manifestations à 83%. Cela signifie que le gouvernement doit adapter la doctrine en trouvant le juste équilibre entre respect du droit de manifester et maintien de l’ordre public, sans que le recours à la force soit considéré comme excessif, sans qu'il y ait de blessés ou de morts, c'est donc une situation délicate à gérer pour le gouvernement.

Dans une étude de l'IFOP sur "Comment les Français se positionnent aujourd'hui envers le mouvement des Gilets jaunes", ils sont approuvés en majorité, tout en ne souhaitant pas qu'ils renaissent. Est-ce que cela peut être lié à ce type de questions-là ?

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, le soutien est très massif, parce que les Français ont le sentiment que les revendications des Gilets jaunes sont légitimes, qu'ils ont raison de se faire entendre. Dans le même temps, les répétitions de manifestations chaque week-end agacent un certain nombre de Français. Certains ont été bloqués, les commerces des centres-villes deviennent inaccessibles et les manifestations se terminent  régulièrement par des violences. Voilà la raison de cette impression de contradiction qui n'en est pas une en réalité.

Cela peut-il aboutir à de nouveaux mouvements politiques ?

Lors des Européennes, les Gilets jaunes avaient essayé de se structurer et ça n'avait pas abouti, notamment parce que le mouvement n'était pas destiné à être un mouvement politique; c'est un mouvement de revendications avant tout. Les Français ont du mal voir de la cohérence de l'ensemble des mesures souhaitées. C'est-à-dire qu'on ne peut pas à la fois baisser les taxes et les impôts et faire plus de service public.

Qu'est-ce que cette réflexion sur la violence indique sur ce que devrait faire les organisateurs de la grève du 5 décembre ?

La violence discrédite toujours un mouvement social aux yeux de la majorité des Français. S’ils font la part des choses entre manifestants et casseurs, les images de violences marquent nos concitoyens. Les manifestations du 5 décembre seront d’un tout autre ordre. Ce sont les syndicats qui vont les gérer et les manifestants seront composés de Français qui ont l'habitude de se mobiliser lors des grandes manifestations : les agents du public, les sympathisants de gauche, toutes ces tranches de la population qui ont toujours manifesté sans que cela n'aboutisse à des violences. Cela dit, une frange de contestataires, et notamment les black blocs, ont pris l’habitude d’infiltrer les mouvements sociaux. Les syndicats doivent donc être vigilants, dans leur propre intérêt, pour éviter que l’opinion publique soit marquée par des manifestations qui dégénèrent.  

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