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Anthropocène : l’usage intensif des sols remonte à bien plus longtemps qu’on ne le croit (et voilà les leçons que l’on peut en tirer)
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

D'après une étude publiée vendredi dans la célèbre revue américaine Science et réalisée par plus de 250 archéologues, l'usage intensif des sols par les hommes a commencé à -1000 ans av. J-C, c'est-à-dire il y a 3000 ans.

Thierry  Gauquelin

Thierry Gauquelin

Thierry Gauquelin est professeur à Aix Marseille Université et chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE)

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Atlantico : La thèse selon laquelle l'homme a eu très tôt un impact sur l'écosystème est-elle une nouveauté ? Que peut-on tirer des résultats de cette étude publiée cette semaine dans Science (lire ici, en anglais), que nous ne connaissions pas avant ?

Thierry Gauquelin : C’est surtout une confirmation ou une mise en lumière des résultats obtenus depuis une cinquantaine d’années par les chercheurs en paléo-environnement et notamment par les palynologues qui étudient l’évolution de la végétation au cours des 10 derniers millénaires (voire bien plus tôt) grâce aux grains de pollen fossilisés dans les sédiments tels que les tourbières qui permettent de reconstituer très finement les environnements passés. Même si l’anthropisation (la mainmise de l’homme sur le milieu par l’agriculture et l’élevage) a pris un essor considérable il y a 3000 ans, comme le souligne cette étude, il est aujourd’hui admis que les premiers signes d’anthropisation importante, par exemple dans le bassin méditerranéen particulièrement bien étudié, datent du néolithique ancien (vers -7000 ans) et que les premières communautés agricoles se sont installées il y a 6000 ans.

Pour prendre deux autres exemples, les palynologues nous disent que, dans le Bassin parisien,il y a déjà 6000 ans, les premières traces de cultures, attestées par la présence de pollen de céréales dans les sédiments étudiés, sont détectées.

Dans les Pyrénées, l’anthropisation est certaine il y a plus de 6000 ans, avec même la mise en évidence de premières anomalies géochimiques qui tendraient à prouver que l’on a eu des activités minières ou métallurgiques dès cette époque et pas seulement une mise en culture ou de l’élevage.

L'Anthropocène, ère dans laquelle l'espèce humaine est la première source de changements environnementaux et climatiques, serait repoussée dans le temps par cette étude. Êtes-vous d'accord avec cette conclusion ?

Cette anthropisation, ces mises en culture et cet élevage se sont évidemment réalisés au dépend des espaces forestiers, qui couvraient la très grande majorité du territoire, si on prend l’exemple de la France, et aux dépend des sols que cette forêt avait pu constituer. Même si la reconstitution des forêts a pu, dans certains cas, se faire entre ces épisodes d’anthropisation intensive, il s’agit bien là de ruptures importantes dans les équilibres écologiques affectant à la fois végétation et sols, ruptures qui se sont faites en plusieurs étapes, s’étalant sur plusieurs millénaires

Cependant l’Anthropocène sous-entend que les activités humaines ont affecté et affectent l’ensemble de la planète et des cycles biogéochimiques dont elle est le siège alors qu’il y a 3000 ans l’anthropisation restait plus localisée.

La rupture est concentrée sur moins de 200 ans contrairement à l’anthropisation ancienne, échelonnée sur plusieurs millénaires. Mais l’Anthropocène est surtout caractérisé par l’apparition des pollutions radioactives, organiques, accumulation de plastiques et encore plus par l’utilisation des énergies fossiles qui modifient profondément et durablement le climat, ce qui n’a peut-être pas été le cas (des études restent à conduire !)  des déforestations anciennes, même s'il ne faut pas négliger leur importance localement, notamment sur les sols et leur biodiversité.

Dès lors, que nous apprend la comparaison entre l'usage des sols il y a trois millénaires et celle qui a lieu aujourd'hui ? Si les causes et les effets sont différents, dans la mesure où l'on ne pouvait pas encore parler de pollution, quelles leçons peut-on tirer de cette période historique où les activités humaines étaient déjà source de changement climatique ?

Simplement considérer que l’homme a marqué de son empreinte les milieux pas seulement depuis 200 ans mais depuis plusieurs millénaires, et ce, pas uniquement dans les milieux tels que le bassin méditerranéen, mais aussi, par exemple, on le sait aujourd’hui, dans les forêts tropicales. Et on ne peut donc évidemment comprendre les paysages actuels sans avoir à l’esprit la manière dont ceux-ci ont évolué depuis plusieurs millénaires.

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