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Recyclage : pourquoi le tri de nos déchets est-il de moins en moins efficace ?
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Atlantico Green

Edouard Philipe a évoqué, lors de son discours de politique général de juin dernier, le retour de la consigne des bouteilles plastiques. Mais l'urgence est ailleurs. La bouteille en plastique est une mesure essentiellement symbolique qui fait le jeu des logiques commerciales de producteurs de bouteille.

Nicolas Garnier

Nicolas Garnier

Nicolas Garnier, directeur général de l'association Amorce, spécialisée dans l'économie circulaire et la transition énergétique.

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Atlantico : Edouard Philipe évoquait, lors de son discours de politique général de juin dernier, la consigne des bouteilles plastiques. De leur côté, les entreprises de recyclage préféraient trier les déchets secs d'un côté, et humides d'autres part. Le tri sélectif général est-t-il efficace à l'heure actuelle ?

Nicolas Garnier : Effectivement, le verre est soi à moitié vide, soit à moitié plein. Pour faire simple, on a toujours tendance à se focaliser sur les poubelles de français. Or, il faut savoir que les déchets ménagers ne représentent que 36 millions de tonnes sur les 325 que la France produits. Ce que nous recommandons, c'est de regarder surtout les déchets des entreprises qui sont souvent mal collectés, voire pas du tout et encore moins recyclés plutôt que de poser la question des ménages. Aujourd'hui, on est dans la moyenne haute au niveau de l'Union européenne avec un taux de recyclage de 50%. La moitié de nos 585 kilos de déchets ménagers (produits chaque année par un français) –ce qui est tout à fait honorable. En revanche, on connaît des marges  de manœuvres pour améliorer ce score mais pas forcément sur les déchets dont on peut parler actuellement, à savoir sur les plastiques. En effet, l'effort est, selon nous, à faire sur d'autres gisements que celui des bouteilles plastiques qui constitue le gisement le mieux collecté et le mieux recyclé en France (à un taux de 50%) alors qu'on est à moins de 50% sur les piles, sur les déchets électroniques de petites tailles..etc. Pour nous, il y a une focalisation sur un produit ici, certes très symbolique du point de vue de l'image –ce qui explique probablement la poussée très forte du gouvernement mais aussi des vendeurs de boisson qui voit une mise en péril de leur modèle économiques.

Concernant le système de tri actuel, quels sont les freins l'empêchant d'être pleinement efficient ?

Pour vous répondre, je dois vous ouvrir une bouteille virtuelle. Un Français produit chaque année 580 kilos de déchets. On peut couper la partie en trois parts. La première -200 kilos- bénéficie d'une solution de collecte sélective de tri en France. On y retrouve les emballages, les déchets électroniques de petite taille, le papier, les  vêtements. Deuxième partie de la poubelle, la matière organique, c’est-à-dire des restes de cuisine mais aussi des produits qui n'ont pas été ouverts et de déchets verts (branches, pelouse…etc). C'est un gisement assez peu collecté sélectivement et peu recyclés. Enfin, le troisième constitue un gisement sur lequel rien n'a été créé pour assurer leur collecte ou leur recyclage et où les producteurs n'ont jamais rien proposé : un briquet, un jouet, une raquette de tennis, une assiette, de la litière…etc. Pleins d'objets sur lequel rien n'existe.

Paradoxe : quand on demande aux personnes dans la rue s'ils sont pour ou contre la consigne, tout le monde est pour, sauf que personne ne leur a expliqué de quoi il s'agissait. Cette consigne -qui semble nous focaliser sur le fait que nous sommes mauvais dans ce domaine- va s'appliquer dans un domaine liés aux vendeur de soda pour leur donner une image verte. Mais il faut bien savoir que cette bouteille n'aura pas du tout le même destin que vous la rameniez en magasin ou dans votre bac de recyclage. Elle sera broyée, recyclée et envoyée des plasturgies. Ce n'est pas du tout une consigne pour réutilisation comme l'Allemagne le fait. D'une part, ce n'est pas une consigne telle qu'elle est comprise par les gens. De l'autre, il n'y a pas de cadeau financier ; en réalité, on va devoir augmenter le prix de la bouteille pour vous en rendre une partie au lieu de vous dire de la garder dans le bac du recyclage.

Je reviens sur mes trois gisements. Plutôt que de se focaliser sur la bouteille en plastiques pour larecycler à 80-90%, nous préférons donc demander comment passer de 0% sur ces milliers de produits de grande de consommation qui n'ont aucune solution de recyclage alors que, pour la plupart, ils sont en plastiques avec un certain nombre d'éléments. Notre première proposition serait donc de mettre un vrai malus sur les objets qui ne se recyclent pas en leur disant qu'on veut donne trois, quatre, cinq ans pour mettre en place une filière de recyclage. Si cela n'est pas fait d'ici la date impartie, vous avez un malus et devrez augmenter le prix de vos produits.

Deuxième mesure. Collecter sélectivement la matière organique coûte relativement chère. Il se trouve que l'Etat Français lève près de 500 millions d'euros sur la taxe de la décharge. Or, pour être crédible, nous disons que quand on lève une taxe environnementale pour réduire le stockage, il faut que l'argent de cette taxe serve la cause du recyclage. Nous souhaitons donc que l'Etat s'engage qu'une très grande recette de la TGAP serve au déploiement du tri à la source et à la valorisation de tiers de la poubelle qu'on gère mal.

Troisième élément, là où il existe des collectes sélectives, il nous faut essayer de comprendre où sont les marges de manœuvres. En effet, près de 15% des emballages –la plupart plastiques- n'ont aucune solution de recyclage (pot de yaourt, barquette, emballage multicouche pour café..etc.). Plutôt que d'aller chercher les quelques points supplémentaires sur un produit déjà bien recyclé, nous disons qu'il est temps que les industriels fassent les efforts de nécessaires pour que ces produits soient recyclés. L'élément de performance est en réalité déjà là où il y a des collectes sélectives qui existent où tout se recyclent –or, c'est loin d'être le cas aujourd'hui. D'autre part, un problème demeure avec l'éco-organisme: il n'y a jamais eu de sanctions en cas de non réalisations des objets de recyclages. Si vous demandez à une structure si elle intérêt à avoir plus de recyclage, elle vous répondra que plus elle a de recyclage plus elle paiera de tonnes- puisque le principe est de financer les tonnes recyclées. C'est le paradoxe qui fait qu'une entreprise n'a pas forcément intérêt à atteindre ses objectifs intérêts. Nous pensons qu'il est temps que l'objectif soit contraignant et soit traduit par une sanction.

Par ailleurs, nous soulignons qu'il est inutile de collecter sélectivement les emballages  si nous n'avons pas un taux de réincorporation dans les emballages neufs –autrement vous n'allez pas créer de marché. Il faut donc boucler la boucle de cette manière.

Pour résumer. Ne nous trompons de combat. Ne nous satisfaisons pas  d'un  symbole qui est ici le recyclage de la bouteille plastique.

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