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La PPE face à l’urgence climatique : l’ambition sera-t-elle à la hauteur des Accords de Paris ?
©John MACDOUGALL / AFP

Environnement

A peine moins d’un mois après la publication, largement relayée par les médias, le 8 Octobre dernier, du dernier rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat), le jour du changement d’heure (peut être le dernier...) inventé pour réduire les consommations d’énergie notamment liés à l’éclairage, on ressent une mobilisation particulière de tous les acteurs de la transition énergétique plus inquiets que jamais des impacts du réchauffement climatique dont la fréquence et l’intensité s’amplifient partout dans le monde.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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D’autant que l’on est dans l’attente de la publication imminente de la révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), déjà attendue depuis la fin de l’été. Celle-ci orientera la politique énergétique française dans les 5 ans à venir (2019-2023). La sensibilité est d’autant plus accrue que notre pays - largement au fait de la question du changement climatique, suite à la COP21 qui donna lieu aux Accords de Paris- n’échappe pas à ces manifestations de plus en plus répétitives et dramatiques, comme nous le rappellent bien tristement les inondations qui touchaient le département de l’Aude il y a quelques jours, laissant un bilan de 14 victimes et des dégâts considérables estimés à 200 millions d’euros avec plus de 16.000 sinistres déclarés.

Pour mieux comprendre la portée de la PPE, un des outils privilégiés de mise en œuvre et de pilotage de la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte publiée en août 2015 (LTECV) - juste avant la COP 21- il est important de rappeler que cette loi fixait une série d’objectifs de nature à faciliter la construction d’un nouveau paradigme éco-énergétique, permettant de répondre aux grands enjeux environnementaux tout en relançant une dynamique de croissance vertueuse. Le premier de ces objectifs consistait à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), et notamment de CO2, principal incriminé dans le changement climatique de 40% à l’horizon de 2030 par rapport au niveau de 1990, et évoquait le désormais bien connu « facteur 4 », illustration d’une volonté de diviser par 4 ces émissions d’ici à 2050. Il s’agissait également de diviser par deux les consommations d’énergie finale par rapport au niveau de 2012 et de réduire drastiquement les consommations primaires d’énergies fossiles (30% d’ici à 2030). Bien entendu, ces ambitions passaient par le fait d’atteindre un niveau de performance énergétique correspondant aux normes des « bâtiments basse consommation » pour l’ensemble du parc de logements à 2050, de lutter contre la précarité énergétique (déclarée lorsqu’on alloue plus de 10% de ses revenus à son budget énergie) en affirmant le droit à l’accès de tous à l’énergie, et encore de réduire la quantité de déchets mis en décharge de 50% à l’horizon 2020....  Il s’agissait aussi, « last but not least », de ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% à l’horizon 2025, tant ce sujet est devenu un point focal des discussions sur la transition énergétique dans notre pays en hyper-dépendance de l’atome dans son mix électrique : 
La première PPE approuvée en 2016 pour deux ans (2016-2018) est, depuis le début de l’année, en cours de révision. Malgré les turbulences politiques qui semblent s’enchaîner depuis le départ de Nicolas Hulot, qui avait jeté l’éponge fin Août dernier, en démissionnant de son poste de Ministre de la Transition Énergétique et Solidaire, elle devrait être publiée dans les prochains jours pour caler les ambitions des cinq années à venir (2019-2023) puis enclencher les bases futures de la politique énergétique qui devra amener nos sociétés vers un monde post-carbone.
Ces ambitions sont d’autant plus délicates à dimensionner qu’elles visent à répondre à de multiples enjeux : 
-planifier les investissements nécessaires aux grandes échelles nationales et territoriales, pour couvrir l’ensemble des enjeux liés à la transition énergétique, qu’il s’agisse du gaz - qui inclut bien sûr le passage au biogaz renouvelable - de l’électricité et des réseaux de chaleur
- faciliter la montée en puissance des énergies renouvelables. Ce sujet est plus que sensible face à la prédominance du nucléaire qui classe notre pays au 1er rang mondial pour la part du nucléaire dans la production d’électricité. Les renouvelables supposent également de résoudre la question du stockage pour pallier le caractère intermittent de la production (batteries, hydrogène, technologies et compteurs intelligents ou encore nouvelles formes de mobilité propre) ;
-Améliorer l’efficacité énergétique et la baisse des consommations qui impliquent d’engager tous les consommateurs (ménages confrontés au fléau de la surconsommation - avec 15 millions de logements consommant de 6 à 9 fois plus d’énergie qu’un logement neuf obligatoirement construit en respectant les normes thermiques actuelles) désormais également capables de produire pour leur propre consommation (auto-consommation) lorsque les conditions le permettent, ce qui semble être le cas de 4 millions de logements en France ;
-Continuer à garantir la sécurité des approvisionnements ;
-Réduire la dépendance de notre pays aux importations d’énergies fossiles et d’uranium, et ainsi réduire la dette extérieure liée à l’énergie à la fois élevée et volatile face à des cours de matières premières instables 
-Appliquer l’Accord de Paris sur le Climat – avec des émissions de GES à porter à 140 millions de tonnes contre 600 millions en 1990 pour atteindre la neutralité carbone en 2050, selon la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), également publiée en 2015 - et, en corollaire, créer de la croissance verte et des emplois (souvent locaux et non délocalisables d’ailleurs !).
Il s’agit là d’une feuille de route assez complète qui pourrait encore s’avérer insuffisante face à un changement climatique converti en véritable urgence, ainsi que le souligne le dernier rapport de synthèse du GIEC, rédigé par 800 scientifiques de 80 pays, sur « Les impacts d’un réchauffement climatique global de 1,5 °C par rapport à 2 °C et les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre à suivre pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, dans le cadre plus général du développement durable et de l’éradication de la pauvreté ». D’autre part, on doit faire face aux difficultés de mise en œuvre au travers de la déclinaison de différents volets thématiques - dont celui des énergies renouvelables face à un nucléaire prédominant -, dans un contexte mondial fortement affecté par le retrait des États-Unis des Accords de Paris qui pèse même sur les plus déterminés...
Ainsi, bien que les citoyens français soient plutôt favorables à la transition énergétique (et d’ailleurs consultés lors des débats sur la PPE au travers d’un groupe de 400 personnes tirées au sort et ayant formé le « G400 ), et que les ONG soient particulièrement actives en matière de climat (Greenpeace, Réseau Action Climat, France Nature Environnement, CLER), avec notamment la publication d’un document intitulé « Vraie programmation pluriannuelle de l’énergie », la PPE pourrait ne pas respecter la loi de transition énergétique votée par le Parlement, car il devient difficile de faire le grand écart en continuant dans la voie du nucléaire et des énergies fossiles tout en développant en même temps les énergies renouvelables (qui accumulent du retard dans notre pays) et l'efficacité́ énergétique. Cette dernière suppose quant à elle de continuer à promouvoir des investissements de rénovation énergétique en convainquant les utilisateurs finaux.
En conclusion, ce débat constitue une des multiples illustrations des obstacles qui freinent la construction du monde post-carbone. Ceci met en évidence les intérêts de l’ancien monde qui s’affrontent avec ceux d’une nouvelle économie et d’une nouvelle logique énergétique, pourtant nécessaires et prometteuses. Celles-ci constitueraient en prime une belle opportunité pour affirmer le leadership de notre pays en matière de transition énergétique. A suivre...

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