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Les trains néerlandais roulent désormais entièrement à la force du vent
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La révolution énergétique en marche

En 2015, la compagnie ferroviaire néerlandaise NS s'était associée au fournisseur d'énergie Eneco en vue de réduire les émissions de gaz de ses trains à l'horizon d'octobre 2018. Cet objectif est d'ores et déjà atteint.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Roger van Boxtel, le PDG de NS (Nederlandse Spoorwegen), compagnie ferroviaire néerlandaise, a annoncé que, depuis le 1er janvier 2017, l'ensemble des trains de sa compagnie fonctionne grâce à l'énergie éolienne, et ce grâce notamment à son partenariat avec le fournisseur d'énergie Eneco. Comment est-il possible, concrètement, de faire fonctionner tout un ensemble de trains grâce à la seule force du vent ? 

Myriam Maestroni Les trains, comme l’ensemble des moyens de locomotion, requièrent de l’énergie pour circuler. En l’occurrence, la source d’énergie, peut être elle-même transportée par le train lui même, sur une locomotive à traction vapeur (XIXème siècle) ou diesel, ou, comme dans la plupart des cas aujourd’hui, par une locomotive électrique. Cette dernière va fonctionner grâce à des infrastructures de transport d’électricité (caténaires ou troisième rail) qui complètent le réseau ferré. Le train va s’alimenter en électricité en captant le courant par un pantographe (bras articulé au-dessus des trains). L’électricité est une énergie qui peut être produite à partir d’énergies fossiles (charbon, fioul lourd ou gaz naturel) ou nucléaire, ou encore de sources renouvelables parmi lesquelles figurent désormais en bonne position le solaire et l’éolien. En l’occurrence, l’annonce faite par le PDG de la compagnie ferroviaire hollandaise fait bien référence à l’électricité d’origine éolienne, qui est celle qui sera désormais utilisée pour propulser les trains de la compagnie. Il est un peu abusif de parler de la "seule force du vent", puisqu’en l’occurrence, il s’agit bien de la force du vent, mais qui doit d’abord être transformée en électricité. Cela est possible grâce au "moulin à vent" des temps modernes, à savoir une hélice (aussi appelé rotor) à trois pales, qui peut mesurer de 5 à 9 mètres de diamètre situé au bout d’un mât de 10 à 100 mètres de hauteur. L’hélice va entraîner un axe relié à un alternateur qui va produire un courant électrique alternatif. Ensuite, un transformateur situé dans le mât va augmenter la tension du courant pour être transporté dans les lignes moyenne tension du réseau électrique. En principe pour pouvoir démarrer, une éolienne a besoin d’une vitesse de vent de 10 à 15 km/h minimum, et, pour des raisons de sécurité, ne doit pas dépasser 90 km/h.

L’accord passé entre Nederlandse Spoowegen (NS), la société de chemins de fer néerlandaise et Eneco, société également néerlandaise, basée à Rotterdam, consiste donc à substituer la vente d’électricité "classique" par de l’électricité d’origine renouvelable (en l’occurrence éolienne).  Cette annonce a une triple portée. En premier lieu, il faut comprendre que les Pays-Bas, qui achetaient de l’électricité (fossiles ou renouvelables) à ses voisins européens en passant par des infrastructures interconnectées, ont investi pour pouvoir produire plus d’électricité localement (Benelux), et ainsi devenir moins dépendants des importations et donc des choix des autres pays, dont certains continuent à produire massivement de l’électricité fortement émettrice de CO2 (à partir du charbon, fioul domestique…) tels l’Allemagne ou la Pologne. En second lieu, on voit émerger une volonté de "consommer et produire local"… pour pouvoir mieux maîtriser les dispositifs de réduction des émissions de CO2 et favoriser des logiques d’investissements couplant la production avec la consommation. Enfin, on voit émerger une nouvelle génération d’énergéticien de plus en plus déterminés à promouvoir la production et la consommation d’énergies renouvelables. C’est le cas d’Eneco, qui est l’un des premiers énergéticiens (à ne pas confondre avec une coopérative) à avoir décidé de se spécialiser dans la production et la commercialisation d’énergie verte ou à partir de gaz naturel (l’une des énergies fossiles les moins émettrices de CO2). Pour ce faire, Eneco, qui compte 2 millions de clients répartis aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni, et qui s’est clairement prononcé contre le nucléaire, a fait des choix de production, d’investissements et de désinvestissements particulièrement ambitieux en matière de lutte contre les émissions de CO2 et de lutte contre le changement climatique. La société, se voulant exemplaire, a ainsi, dès 2014, juste pour ne citer qu’un exemple, lancé le projet EneCO2 Zero avec comme objectif de réduire ses propres émissions de CO2 en allant jusqu’à encourager ses employés à se rendre au travail de manière durable au moins seize fois par an… en Hollande, ils vont désormais pouvoir prendre le train !

Compte tenu des capacités de production actuelles de l'énergie éolienne, est-il possible d'envisager que d'autres compagnies ferroviaires puissent emboîter le pas de NS ? Qu'en est-il notamment du cas français ? 

Le pari de permettre l’alimentation des trains néerlandais, tous électriques, par de l’énergie éolienne (initialement prévu à hauteur de 75% en 2016 pour atteindre 100% en 2018) a réussi plus vite que prévu, puisque la production d’électricité éolienne sera suffisante pour garantir 100% de l’alimentation dès à présent. Il faut néanmoins comprendre que l’électricité passant par un réseau commun nécessite des garanties : que la quantité d’électricité produite soit suffisante pour couvrir la demande, ou qu’elle soit achetée à des tiers, locaux ou étrangers, avec des contrats de garantie d’origine. Il semblerait qu’Eneco souhaite en priorité fournir de l’électricité verte en provenance de ses propres centrales éoliennes situées aux Pays-Bas, en Belgique, en Finlande ou encore en Suède à hauteur de 1,4 Twh pour 2017, mais pour pallier l’intermittence (déficit de production au moment de la consommation) se réserve la possibilité de s’approvisionner ponctuellement en électricité verte d’origine garantie.  

En France, la Sncf a majoritairement recours à la traction électrique (77% du total) mais compte néanmoins sur des trains qui consomment du gazole, a contrario des TGV 100% électrique. Dans notre pays, exception au niveau mondial, le nucléaire représente plus de 75% de l’électricité produite. Il est bien évident que cela laisse peu d’espace aux énergies renouvelables, et que du coup, l’énergie électrique consommée va principalement provenir de cette source. Le vrai sujet est donc celui qui revient de façon récurrente au cœur du débat politique, à savoir la réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique, pour permettre une plus grande part des énergies renouvelables.


Au-delà de cette exception française en matière de production électrique, il est bien évidemment impossible de comparer la situation de notre pays, 8ème plus gros consommateur mondial (après les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Russie, l’Inde, l’Allemagne et le Canada) et d’une surface de plus de 550.000 km2 (pour la seule France métropolitaine) avec la situation des Pays-Bas treize fois moins étendus. L’enjeu en matière de transport est donc d’arbitrer au mieux les moyens de transport entre les villes (avion, train, voiture, co-voiturage), de bien veiller à avoir des politiques fiscales pénalisant les moyens de transport les plus émetteurs de C02.

Il est d’ailleurs important de noter que la SNCF, depuis 2005, s’attache à réduire ses émissions de CO2, en ayant également notamment recours à l’achat de certificats verts, c’est-à-dire une proportion d’électricité verte (solaire, éolien, hydraulique,…) achetée aux petits producteurs d’électricité d’origine renouvelable. Ainsi, en matière d’émissions de CO2, les trains d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux d’hier. Un kilomètre en TGV représente une émission de CO2 par voyageur de 3,2 grammes. Un kilomètre en TER émet quant à lui en moyenne 29,7 grammes de CO2 par voyageur (chiffres Sncf, 2016). Le taux moyen d’émission de CO2 par une automobile en France était, en 2015, de 111 grammes (chiffres Ademe), soit plus de 20 grammes au kilomètre par passager pour une voiture pleine.

Force est de constater que la Sncf s’est lancée dans un programme ambitieux de réduction de ses émissions de CO2, qui passe par l’engagement des collaborateurs, la rénovation de l’ensemble des sites trop consommateurs, la promotion de solutions de mobilité telles que le co-voiturage en complément de trajet point à point pour ne citer que quelques exemples, avec une volonté marquée de devenir le champion européen de l’éco-mobilité.

Selon un rapport réalisé en 2016 par le RE100 (une association d'entreprises investies dans l'utilisation des énergies renouvelables, ndlr), seules neuf firmes multinationales respectent les standards relatifs à un fonctionnement à 100% aux énergies renouvelables. Qu'est-ce qui explique ce faible chiffre ? Quels obstacles demeurent à la généralisation du recours aux énergies renouvelables par les entreprises ? 

Le RE100 est une initiative mondiale, lancée à New York en 2014, lors du Sommet pour le Climat  ayant pour ambition de promouvoir les grandes entreprises qui ont décidé de couvrir 100% de leur besoin d’énergie par des énergies renouvelables. Aujourd’hui, 87 grandes sociétés, tous secteurs et pays confondus, se sont engagées sur cet objectif (Ikéa, Bank of America, Bloomberg, Facebook, Crédit Agricole…). Dans un contexte où la demande d’électricité, responsable du quart des émissions mondiales de CO2, est en forte augmentation, l’idée est d’inciter le plus possible d’entreprises à passer sur un scenario de consommation 100% énergie renouvelable (défini par le RE100 comme énergie tirée de la biomasse, géothermie, solaire, éolien ou marémoteur). Pour parvenir à consommer une électricité 100% renouvelable, une entreprise peut décider de produire et consommer de l’électricité directement sur ses sites (en direct ou avec des entreprises tierces), ou de se raccorder à un générateur hors site mais qui ne passe pas par le réseau, ou encore d’opter pour des contrats d’énergie verte.

Cela a l’air simple mais dans la pratique, les obstacles peuvent être d’ordre technique, financier (investissements souvent lourds dans des infrastructures énergétiques), réglementaire (autoconsommation), économique (sachant qu’encore dans de nombreux pays, le prix de l’électricité verte peut s’avérer supérieur à l’électricité classique, concurrentiel (selon la part de la composante énergétique dans les prix de revient), environnemental (difficile d’expliquer aux entreprises américaines sensibles au climato-scepticisme du nouveau président qu’il est important de s’engager en faveur de l’environnement…), etc.

Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer le rôle des sociétés modèles, tout en continuant à parier sur une réglementation favorisant ce genre de décisions, et en sensibilisant le consomm’acteur qui doit jouer son rôle en privilégiant des choix de sociétés et de produits conçus dans un souci d’empreinte CO2 minimisée.

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