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La grave erreur de la France et de l'Europe dans le développement à la va-vite des énergies renouvelables
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Atlantico Green

En l'espace de dix ans, très peu d'évolutions sont à noter en matière de politique énergétique à l'échelle européenne. Un constat qui s'explique en partie par l'absence d'approche globale.

Henri Conze

Henri Conze

Henri Conze est ancien délégué général à l'Armement, et membre du conseil d'administration du Groupe Bull. Il a participé aux décisions ayant abouti à la mise en place de moyens de calcul puissants au Commissariat à l'énergie atomique.

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Atlantico : Jeudi, le Forum du futur a tenu son séminaire sur l'énergie, dix ans après la première édition. Selon-vous, quel est le bilan des avancées des politiques énergétiques françaises ?

Henri ConzeDepuis dix ans, trois faits fondamentaux ont changé la donne de la politique de l’énergie : l’émergence des hydrocarbures non conventionnels ; le printemps arabe qui a déstabilisé les pays fortement exportateurs, printemps devenu "hiver" dont on ne voit pas la fin et qui fait penser aux suites des révolutions de 1848 en Europe ; Fukushima, qui a semé l’opprobre sur le nucléaire. Les aspects internationaux sont donc de plus en plus essentiels, le plus souvent imprévisibles, alors que le domaine de l’énergie, ne serait-ce qu’en raison des investissements considérables à y réaliser, se caractérise par une très grande inertie.

Comme il y a dix ans, nous parlons surtout de l’électricité. Mais elle ne représente que 23% de l’énergie consommée en France, une raison à cela étant, incontestablement, la sensibilité politique du nucléaire. Dans ce domaine de l’électricité, l’attitude de l’Etat n’a pas changé : il a toujours trop tendance à se comporter uniquement comme un actionnaire, ce qui est, en particulier le cas quand il s’agit d’EDF. Or, ce qu’on lui demande, c’est d’être avant tout un stratège !

Depuis dix ans, nous assistons à une accélération du changement d’un certain nombre de facteurs. C’est le cas des émissions de gaz à effet de serre ou de la baisse des coûts de l’énergie photovoltaïque. Or, il est urgent d’aller très vite pour des raisons climatiques dans le changement des modes de production de nos énergies. Pour cela, il faudrait impérativement :

- revoir à la hausse les scénarios de croissance de l’utilisation des énergies non fossiles;

- introduire véritablement une valeur économique liée au climat et, pour cela, faire des choix clairs au niveau européen et mettre un terme aux palabres actuels sur les quotas ou la taxe dite carbone;

- mettre un terme aux absurdités du prix du marché inhérentes à la politique d’insertion des énergies renouvelables sur ce marché. Il s’agit de régler la question redoutable de la cohérence entre son architecture et la tarification, et de rendre compatibles les prix du carbone, les subventions en faveur des énergies renouvelables, etc. Or, cela demande un grand courage politique !

En quoi consiste l'avenir énergétique ? Quelles sont les nouveautés qui vont révolutionner le monde de l'énergie ?

La France et l’Europe ont tout mélangé en pensant que le développement hâtif des énergies renouvelables allait répondre à nos deux préoccupations distinctes : la lutte contre le réchauffement climatique et la disparition à terme des ressources fossiles. La conséquence de cette orientation est que nous avons négligé toutes les autres voies comme la capture du CO2, le nucléaire futur, l’efficacité énergétique, etc., le tout au pris de dépenses inutiles, avec comme résultat l’effondrement du marché de l’électricité en Europe et l’absence de signaux sur le long terme ! Aujourd’hui, nous constatons que le "pic oil", le "pic gas" ou le "pic uranium" n’interviendront que dans très longtemps ! Ce qui importe donc pour l’avenir est désormais de s’accorder sur un prix du carbone élevé pour faire face efficacement aux priorités environnementales et de lancer un effort de R&D important pour trouver d’urgence et sans tabous les solutions les moins coûteuses.

Cet effort de R&D doit aussi porter sur les deux domaines dans lesquels une percée technologique peut, à terme, changer profondément la donne. Il s’agit du stockage de l’électricité dans des conditions de poids, de sécurité et de coût véritablement compatibles avec les exigences du transport - nous en sommes encore très éloignés - et des piles à combustible, en premier lieu celles à hydrogène qui soulèvent aussi la question du stockage. La course vers la révolution énergétique va s’engager entre ces deux compétiteurs !

Les différents problèmes énergétiques que nous rencontrons ne sont pas inhérents à la France. Pourquoi n'arrivons-nous pas à créer une politique européenne énergétique globale ? Pensez-vous qu'il s'agit d'un sujet sur lequel nous pourrions nous entendre dans un avenir proche ? Si oui, comment ? Si non, pourquoi ?

Pourquoi a-t-on, à juste titre, le sentiment que l’Europe n’a pas de politique de l’énergie ? La politique européenne dans ce domaine, comme dans d’autres, peut-être qualifiée "d’oxymore" : des orientations sont prises, immédiatement édulcorées, affadies, contredites par d’autres décisions, leur ôtant toute pertinence. Deux exemples : l’ouverture du marché de l’électricité immédiatement suivie par la liberté des nations concernant leur "mix" énergétique, leur politique tarifaire, celle sur les énergies renouvelables, etc. ; ou bien encore l’incompatibilité des règles actuelles du marché de l’électricité et l’objectif des 3x20% décidé il y a dix ans pour lutter contre le réchauffement climatique. 

En outre, l’approche par la Commission de Bruxelles est beaucoup trop technocratique. C’est le cas, en particulier, des quotas de CO2: la position des pays de l’Est de l’Union conduit à des compromis qui complexifient la règlementation et la rendent inapplicable. Il est grand temps que la politique reprenne la main sur ce dossier ! Cette approche peut être aussi trop dogmatique; ainsi en va-t-il de la position de prise sur les contrats d’énergie à long terme : comment les bannir dans un marché que l’on veut libéraliser ?

Cette situation, faite d’incohérences ou de blocages, ne va-t-elle pas pousser certains pays à faire, pour l’énergie, comme les Anglais et sortir du carcan européen afin de décider une politique énergétique plus cohérente (quotas, tarification, incitations, etc.) tout en recherchant à améliorer la compétitivité de leurs entreprises ? Il faut bien constater, en effet, que ce que va pouvoir faire la Grande-Bretagne, après le Brexit, en matière d’énergie, ne peut se faire à 27 ! Nous ne pourrons décider en commun une taxe sur le carbone sans l’accord de tous. La conséquence est qu’il n’y aura pas de taxe ! Peut-on la remplacer par la fixation d’un prix plancher ? La question reste ouverte. 

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