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Et si les abeilles n’étaient pas en voie de disparition ?
©Reuters

Atlantico Green

De récentes recherches remettent en cause l'état de nos connaissances actuelles sur les abeilles, et tout particulièrement sur leurs mouvements migratoires.

François Lasserre

François Lasserre

François Lasserre est auteur d'un ouvrage de vulgarisation sur les insectes, J'observe les insectesédité chez La Salamandre, et vice-président de l'Office pour les insectes et leur environnement. Il est également co-président de Graine Ile-de-France, un reseau de structures qui font de l'éducation à l'environnement.

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Atlantico : Une équipe de chercheurs internationale a récemment publié une étude sur les difficultés qu'il y a à comprendre le phénomène de disparition des abeilles. Qu'est-ce que cette étude, parue dans Science et Nature, pourrait-elle remettre en question ? Quels enseignements pourrait-on en tirer ? 

François Lasserre : Le premier enseignement à tirer est que nous avons du mal à différencier les abeilles domestiques élevées par des apiculteurs pour faire du miel, qui pollinisent une partie seulement des fleurs, et les autres pollinisateurs, dont les abeilles sauvages qui ne suscitent pas l’attention car elle ne sont pas productrices de miel. Il y a trop souvent une confusion entre les types d’abeilles. Celles qui produisent du miel ne représentent que quelques espèces sur 20 000. En France, sur environ 1 000 espèces, une seule est élevée pour la production de miel. Le retour à la réalité des abeilles, s’il nous vient d’apiculteurs qui ont un intérêt économique et qui ne sont pas des scientifiques, diffère de celui des naturalistes qui peuvent voir les espèces dans leur ensemble. Le point de vue d’un spécialiste qui étudie les différentes abeilles de celui qui voit au quotidien ses ruches diverge : parfois les apiculteurs n’ont pas assez de recul pour procéder à un diagnostic juste. Il faut que le ressenti des apiculteurs soit vérifié de façon scientifique. Les apiculteurs sont, d’une certaine manière, des agriculteurs; leur activité a un but commercial ou récréatif. Peu de personnes connaissent réellement les insectes: cela entretient donc une confusion sur la réalité de la vie des espèces.

Depuis toujours, la cause de la disparition des abeilles est multifactorielle; il nous a toujours été très compliqué d’en identifier une seule. Le milieu fait beaucoup de bruit à propos des abeilles domestiques: entre les apiculteurs qui ont même des syndicats, les chercheurs et les consommateurs, les lumières sont réservées à cette espèce.

Par ailleurs, les apiculteurs ne remettent jamais en question leur pratique qui, d’une certaine façon, exploite les abeilles: ils les transportent, font venir des acariens, fragilisent l’espèce, etc. L’apiculteur voit les abeilles avec un point de vue très partial et intéressé. L’Homme exploite les abeilles depuis des millénaires et se retrouve avec les mêmes problèmes que les autres éleveurs: les abeilles sont entretenues par les humains, l’espèce est au fur et à mesure du temps affaiblie.

Les terres sont, d’une certaine façon, trop entretenues par l’Homme. Le manque de diversité dans la nature, et donc dans la nourriture, a un impact sur les espèces.

Comment les chercheurs en question en sont-ils arrivés à cette conclusion ?

Il y a une forme de confusion chez ces chercheurs. Nous avons du mal à sortir de l'anthropomorphisme. Nous avons un rapport charnel avec l’abeille domestique et sa ruche. Nous aimons tous le miel ce qui explique que nous ayons tendance à être subjectifs sur la question.

Nous manquons également beaucoup de spécialistes, d'entomologistes, qui étudient les espèces et pas que les abeilles domestiques dans les ruches. Très peu de naturalistes travaillent sur les insectes et leur disparition. Nous savons que les espèces ont besoin de diversité: si leur milieu est trop entretenu par l’Homme, alors elles vont rencontrer des problèmes pour survivre.

A la lecture de ces résultats, les différentes politiques mises en place pour lutter contre cette extinction présumée vous semblent-elles efficaces, ou faudrait-il procéder à des réajustements ?

En tant que vice président de l’Opie (l’Office pour les insectes et leur environnement), notre organisme a lancé, en partenariat avec le ministère de l’Environnement, un plan national d’action pour la sauvegarde de tous les pollinisateurs qui s’appelle “France terre d’abeille”. Nous avons listé les plus de 9 772 espèces de pollinisateurs en France. Notre plan se consacre à la sauvegarde de ces différentes espèces.

Pour préserver toutes ces espèces, les humains doivent apprendre à laisser la nature un peu tranquille, partout où ils le peuvent. Lorsque nous construisons en détruisant une partie de l'écosystème, nous créons des compensations; or ces compensations n'en sont pas vraiment. Il faut, avant de construire, étudier les différentes espèces présentes pour réussir à leur offrir un habitat et une alimentation inchangés. Aujourd’hui, nous faisons le contraire. Il faut que nous apprenions à inverser cette tendance; nous sommes tous concernés par ce sujet.

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