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Une révolution énergétique vient-elle de se produire en silence ?
©Reuters

Atlantico Green

Une étude de l'Agence internationale de l'Energie révèle que les énergies renouvelables dépassent pour la première fois le charbon dans la production d'énergie. Une progression qui s'explique notamment par la baisse des coûts de fabrication des équipements liés à ces énergies.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Les énergies renouvelables sont en progressions sur la planète. Selon des chiffres publiés par le Financial Times provenant d'une étude de l'Agence internationale de l'Energie, 500 000 panneaux solaires ont été installés tous les jours en 2015. Par ailleurs, les éoliennes sont de plus en plus nombreuses dans certains pays, comme la Chine. Quelle est aujourd'hui la part des énergies renouvelables dans la production d'énergie? Peut-on parler de tournant dans la production d'énergie?

Myriam Maestroni: 2015, année de la Cop 21, doit désormais être également retenue comme une année exceptionnelle pour le développement des énergies renouvelables partout dans le monde. En effet, l’accroissement de la capacité de production d’électricité renouvelable, notamment solaire et éolienne qui se taillent la part du lion avec près de trois quart du total (49 et 63GW respectivement), a atteint le niveau record de 153 GW installés. Il s’agit là, d’une capacité équivalente à plus de la totalité de la capacité de production cumulée d’un pays comme le Canada, comme le rappelle justement l’Agence internationale pour l’Energie (AIE). Ainsi fin 2015, selon le dernier rapport publié par le Réseau international des énergies renouvelables (Ren21), la capacité d’énergie renouvelable (toutes sources confondues, dont l’hydroélectricité) installée dans le monde s’élèverait à 1,849 GW, soit une hausse de 8,7% par rapport à 2014. Néanmoins, la part des énergies fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole) reste prédominante. En 2010, ces dernières représentaient 81% du mix énergétique mondial  et les projections de l’AIE à 2035 jusqu’à encore récemment ramenaient cette part à 76% à l’horizon 2035. Cette approche est aujourd’hui vue comme un peu dépassée au grand dam des pays producteurs de pétrole dont la politique de prix cassés ne suffit pas à retarder une transition globale rapide vers les énergies renouvelables.

Les énergies renouvelables sont-elles un "effet de mode" ou sont-elles appelées à prendre de l'ampleur dans les décennies à venir? Pourraient-elles à terme remplacer complètement les énergies fossiles?

Force est de constater que la conjugaison d’une chute plus rapide que prévue de la demande en énergies fossiles et d’une nette augmentation de la demande en énergies alternatives entraîne des scenarios en rupture, comme celui présenté par l’étude publiée par le Bloomberg New Energy Finance (Bnef) Analysis, en juin dernier, sur les tendances des marchés de l’énergie à 25 ans, qui prévoit un renversement des consommations énergétiques en 2025.Un certain nombre de facteurs sembleraient justifier cette projection: fort accroissement de la compétitivité des technologies de production des énergies renouvelables, politiques environnementales volontaristes, accès plus aisé aux financements, attention redoublée en matière de sécurité des approvisionnements, sensibilité forte aux enjeux climatiques, besoins croissants d’énergie dans les pays en développement, volonté d’accès aux énergies modernes et décentralisées. Sur de nombreux marchés, les énergies alternatives semblent s’imposer comme des sources principales d’énergie, et on voit de plus en plus de villes, régions ou entreprises se positionner en faveur d’une logique énergétique  100% renouvelable, confortées par des études de plus en plus nombreuses sur la pertinence et la viabilité d’une telle orientation.

Néanmoins, aujourd'hui, la production d'énergie par le renouvelable reste bien inférieure à celle par le fossile. Comment augmenter la part du renouvelable dans le mix énergétique et diminuer celle des énergies fossiles ? Le nucléaire vous semble-il être une solution pour atteindre l'objectif d'un monde sans énergie fossile?  

La progression permanente des technologies, la réduction des coûts, les retours d’expérience permettant une plus grande pertinence en termes de conception de projets donnent lieu à un accroissement des facteurs de capacité (rapport entre la production effective et la capacité maximale de production dépendant de la puissance installée sur cette même période), ou encore la préoccupation croissante des citoyens face à la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, pour ne citer que quelques arguments, contribuent à l’augmentation de la part des énergies renouvelables naturellement. La réduction de la part des énergies fossiles passe par une baisse des investissements encore très élevé (de l’ordre de 2 100 milliards de dollars/an d’ici à 2040, niveau désormais bien faible face aux 7 800 milliards investis en renouvelables, selon l’étude Bnef). 

Il est par ailleurs essentiel de bien intégrer que le développement des énergies renouvelables est de plus en plus pensé en équation avec une amélioration de l’efficacité énergétique et une plus grande interaction avec un consommateur plus sensibilisé (au prix, au changement climatique, à ses nouvelles opportunités de devenir producteur d'énergie plus indépendant) et donc plus acteur. Cependant, le rôle des gouvernements reste clé car la réglementation, les mesures fiscales (quelles qu’elles soient: taxes, accises, prix du CO2…), les campagnes d’information, etc. qui sous-tendent les politiques énergétiques continueront à fortement orienter l’évolution des choix des entreprises, des collectivités, des citoyens… et inversement ! A ce propos il me semble important de mentionner que la publication du décret de la Programmation pluriannuelle de l’énergie au Journal Officiel du 28 octobre englobe une série de mesures qui contribueront à faire évoluer notre pays, et à le remettre peut être dans une logique de leader sur le nouveau monde de l’énergie...Néanmoins, la tâche reste assez difficile, justement à cause de la sur-représentativité du nucléaire dans notre mix énergétique qui représente encore près des deux tiers de notre production électrique, quand sa part globale dans le monde est inférieure à 15%. Ceci explique d’ailleurs  que , d’ici à 2030, plus de 200 nouveaux réacteurs seront mis en exploitation pour un montant d’investissements estimé à 1 200 milliards de dollars, notamment en Asie. Malgré cela, cette énergie reste toujours sujette à des prises de position brutales liées à la question du risque nucléaire (tout le monde garde présent à l’esprit l’exemple du Japon post-Fukushima), des convictions politiques très polarisées sur ce sujet, et de la perception des populations (il en va ainsi de l’Allemagne qui a décidé de sortir totalement du nucléaire). De plus, elle implique des investissements très lourds, des coûts liés à la sécurité qui s’envolent. Ceci ne rend pas simple l’analyse de son évolution dans un monde de l’énergie 2.0 en profonde phase de transformation.

Les coûts de production des éoliennes et des panneaux solaires sont à la baisse. Comment l'expliquer? Cette tendance à la baisse peut-elle s'inscrire dans la durée?  

L’accroissement des investissements donne lieu à des effets d’échelle qui se traduit par une baisse des coûts. Ainsi, le coût du solaire photovoltaïque a baissé de plus de 50% entre 2010 et 2015, et une autre diminution de près de 60% est à prévoir d’ici 2025 d’après l’Irena-Agence internationale de l’énergie renouvelable. Cela contribuera à améliorer encore davantage la compétitivité de cette énergie. On constate la même tendance pour le solaire à concentration qui connaîtra une chute de 43%, mais aussi l’éolien onshore et celui offshore qui coûteront, respectivement, 26% et 35% moins chers au même horizon.

Au delà de l’effet d’économie d’échelle, cette baisse des coûts est également liée aux progrès technologiques et plus généralement à une courbe d’apprentissage rapide  dans un contexte favorable. L’enchaînement de cercles vertueux sert fortement cette tendance, puisque l’on voit se développer un éco-système global qui permet d’envisager un développement plus rapide que prévu des véhicules électriques vus comme autant de mini stockages d’électricité, des technologies dites "smart" facilitant le confort de l’utilisateur partie prenante dans une logique globale de producteur-consomm’acteur, mais aussi bien sûr des technologies de stockage de cette énergie qui deviendra idéale lorsqu’on sera complètement capable de la stocker. Un sujet sur lesquels les plus grands progrès restent à venir et surviendront.

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