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Voilà à quoi ressemblera la sixième extinction de masse vue du fond des mers et des océans
©Reuters

Atlantico Green

Les requins, les baleines ou encore les thons sont les espèces de poissons les plus menacées de disparition. Explications.

Samuel Iglesias

Samuel Iglesias

Samuel Iglesias est un biologiste marin spécialiste des gros poissons. Il étudie les différentes espèces au marinarium de Concarneau. 

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Atlantico : Une nouvelle étude faite par des chercheurs de Stanford (lire ici) démontre que les gros poissons sont les premiers à disparaître des mers et océans. Pour quelle(s) raison(s) l’extinction des espèces marines les plus grosses est-elle si rapide ?

Samuel Iglesias : L’Homme a toujours voulu capturer et chasser les plus grosses espèces, qu’il s’agisse de poisson ou d’autres animaux. C’est la raison pour laquelle nous nous intéressons aux gros poissons. Si nous étudions la chronologie de la pêche, d’abord les Hommes ont chassé les plus gros mammifères marins, les gros prédateurs (thons, requins...). Et puis, au fil du temps, la pêche descend dans le niveau trophique. Deux choses sont importantes : le niveau trophique des proies et leur taille. Au sommet de la chaîne alimentaire, les espèces sont souvent les plus imposantes même si ce n’est pas toujours le cas. Les plus grosses espèces disparaissent en premier, tout simplement parce que nous les pêchons en priorité.

Par ailleurs, les plus gros poissons ont des stratégies reproductives différentes de celle des espèces inferieures dans le niveau trophique. Nous pouvons classer les espèces en deux types de stratégies reproductives. La stratégie R : production de beaucoup d’œufs à chaque reproduction, mais des œufs (ou juvéniles) de petites tailles. Ces œufs ont une chance de survie très faible. Il faut opposer ce mode de reproduction à celui de la stratégie K. C’est-à-dire des espèces qui produisent peu d’œufs chaque année mais dont la probabilité de survie va être très forte. Par exemple, certains requins ne vont produire qu’un ou deux œufs par an, mais ils vont naître de grande taille et avec une forte espérance de vie.

Ces deux stratégies sont parfaitement adaptées à un environnement qui n’est pas impacté par la vie humaine. L’Homme est une perturbation car il devient un super prédateur qui a un impact considérable. Les espèces qui étaient en haut du niveau trophique vont avoir un prédateur au-dessus d’elles. Leur stratégie K s’avère donc inadaptée à la très grosse pression de capture exercée par l’Homme. Les super prédateurs vont être beaucoup plus sensibles à la présence humaine que des petites espèces.

Une autre étude (voir ici) montre que les plus petits poissons deviennent quant à eux "idiots" lorsqu'ils sont exposés au C02. Pouvez-vous expliquer ce phénomène étrange ? En quoi cela menace-t-il leur survie ? Sont-ils autant en danger que les gros poissons ?

Cette étude mérite probablement un Ig Nobel, il s’agit d’un prix parodique décerné pour des recherches sérieuses qui peuvent faire sourire. Ce qui est démontré pour les petits poissons est vrai pour toutes les espèces. Lorsque vous modifiez un paramètre à l’extrême, vous allez forcement atteindre un seuil qui va devenir néfaste pour le poisson. Si nous augmentons la température ou la pression, cela va impacter et dégrader les conditions vitales du poisson, il va perdre de ses fonctions. Le dioxyde de carbone dans le sang à un certain seuil provoque l’évanouissement pour toutes les espèces, même chez l’Homme. Dans cette étude, les chercheurs ont augmenté les doses de CO2 dans l’eau de façon très importante, ce qui a rendu les poissons "idiots". A l’heure actuelle dans la nature, le dioxyde de carbone n’a pas encore cet effet-là.

Quelles sont selon vous les mesures à prendre pour empêcher ou au moins ralentir l'extinction des poissons des mers et océan ?

C’est un sujet complexe, il y a plusieurs façons de répondre à cette question en fonction des intérêts des uns et des autres. D’une façon globale, les prélèvements n’ont pas cessé d’augmenter depuis l’accroissement de la population humaine. Il y a une corrélation entre le nombre de bouches à nourrir et la pêche. La solution la plus simple voudrait qu’il y ait moins d’Hommes sur Terre. Actuellement, le nombre d’humains est inadapté au nombre de poissons pêchés. Cette réponse-là n’est pas forcément politiquement correcte.

De façon plus pragmatique, nous devrions essayer de pêcher mieux et plus intelligemment. Aujourd’hui, le vrai problème concerne la technique de chalutage, cette méthode consiste à traîner le fond marin avec un filet, tuant ainsi beaucoup de poissons. Un tri est effectué sur le bateau rejetant les indésirés, de fait notre système de pêche "gâche" beaucoup de poissons.

Nous pourrions développer des techniques plus adaptées. Il faudrait déjà trouver un angle ou le filet est moins destructeur pour les poissons. La non-sélectivité de la pêche a un impact important sur les espèces les plus menacées, même si elles sont interdites à la vente. Avec notre technique de pêche actuelle, on continue de fragiliser les espèces en danger sans même les vendre. Ainsi, l'une des façons les plus sensées serait de créer des zones protégées avec une interdiction totale de pêche : l’ère marine protégée intégrale.

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