Vers une 6e extinction de masse : pourquoi le dérèglement climatique est loin d'être la pire menace pour bien des espèces vivantes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Vers une 6e extinction de masse : pourquoi le dérèglement climatique est loin d'être la pire menace pour bien des espèces vivantes
©

Ce n'est pas ce que vous croyez...

Surexploitation des sols, surpêche, chasse non réglementée, etc. : autant de phénomènes qui participent à la dégradation des écosystèmes. Au regard de la gravité de la situation, c'est cette dernière qui devrait préoccuper davantage plutôt que le réchauffement climatique, bien que les deux soient liés.

Miriam Gablier

Miriam Gablier

Miriam Gablier est auteure et journaliste pour le magazine Inexploré/INREES. Son expertise porte sur les tendances émergentes dans les domaines de l'environnement et de la santé. Son sujet de thèse de Master : l’élaboration de concepts permettant de rendre compte de l’activité consciente de la vie organique.

Voir la bio »

Atlantico : Pourquoi faut-il se soucier tout particulièrement aujourd'hui de la biodiversité ? 

Miriam Gablier : Nous sommes totalement dépendants de la vie des autres espèces pour notre survie. Nous avons besoin que la biosphère – l’assemblage de tous les organismes vivants sur Terre – conserve son équilibre dynamique puisque l’économie humaine, dans son sens le plus large, est pleinement imbriquée dans cet ensemble. Mais le point important à comprendre ici est que plus il y a d’espèces différentes, plus les écosystèmes – et donc la biosphère - sont stables et endurants face aux atteintes auxquelles ils font face. La biodiversité n’est pas un luxe, c’est une nécessité.

Un exemple simple : les plants de maïs peuvent servir de tiges aux haricots, qui en échange leur apportent de l’azote. Si en plus, des courges sont plantées dans le même champ, leurs larges feuilles vont retenir l’humidité du sol, ce qui profite à tout le monde. En cas de sécheresse, ce champ sera bien plus résistant qu’une monoculture où il n’y a que du maïs. Imaginez alors la résilience d’un écosystème comprenant des milliers d’espèces où chacune assure des services pour les autres : provision d’eau, de nutriments, guérison, protection… L’entreaide entre une grande diversité d’espèces – un fait naturel avéré – permet d’aplanir les difficultés et de mieux survivre ensemble.

Or, c’est maintenant officiel, l’être humain à lui tout seul est en train de causer la 6e extinction de masse depuis l’apparition de la vie sur Terre. Comme l’explique Elisabeth Kolbert dans son livre The Sixth Extinction (La sixième extinction), nous sommes la cause d’une chute dramatique de la biodiversité. D’après certains experts, les espèces disparaissent aujourd'hui à un rythme 1 000 à 10 000 fois supérieur au rythme naturel. Lutter contre cette extinction est crucial.

Devons-nous faire passer la préservation de la biodiversité avant la lutte contre le changement climatique ?

Il est difficile de dire si nous devons faire passer l’un avant l’autre car les deux sont intimement liés. Cependant, James Watson, directeur du département Science et recherche du Wildlife Conservation Society, signale que nous nous concentrons actuellement trop sur la question du changement climatique. Il est donc fâcheux qu’au niveau politique cet objectif face de l’ombre à la nécessité de protéger la biodiversité. Cette dernière doit compter parmi les interventions écologiques prioritaires – comme cela a été clairement souligné au sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 et lors de la conférence de Nagoya en 2010. Surtout, c’est un serpent qui se mord la queue : la lutte contre le changement climatique affecte la préservation de la biodiversité et vice-versa.

Comment la biodiversité agit-elle sur le climat ? En échangeant des gaz, de l’eau, de l’énergie, des nutriments entre elles, les espèces influencent les paramètres ambiants. En l’espace de quinze ans, le photographe Sébastiao Salgado et sa femme ont, par exemple, transformé près de 700 hectares de terres brésiliennes désertiques en une véritable forêt. La réapparition d’une grande diversité de plantes a permis une meilleure rétention de l’eau de pluie. Ceci a modulé l’humidité, les températures et a créé un nouveau microclimat. Et nous ne parlons ici que d’une centaine d’hectares.

Plus encore, l’environnementaliste James Lovelock, la biologiste Lynne Margulis et tant d’autres, ont amplement démontré que l’activité de toutes les espèces vivantes – des bactéries au plus grands mammifères – participent à la régulation des paramètres globaux sur Terre. L’apparition d’une atmosphère riche en oxygène n’est qu’un exemple parmi d’autres. Nous vivons grâce à un ensemble de variables dont les réglages sont finement assurés par tout le monde. Ainsi, la biodiversité semble s’organiser pour maintenir les conditions dont la vie a besoin pour prospérer.

Concrètement, que s'agit-il de faire pour accompagner la préservation de la biodiversité ? Les gestes à accomplir se déclinent-t-ils à différentes échelles (nationale, régionale ou encore individuelle) ?

Les plus grandes menaces sur la biodiversité sont l’exploitation des ressources naturelles et l’agriculture. Autant dire que le problème de sa préservation est directement lié à nos modes de production et de consommation. Nous sommes ainsi à l’aube d’un nouveau mode de vie post-moderne qui ne renie pas les acquis technologiques mais est capable de réguler son impact écologique au niveau individuel et collectif.

Il y a encore énormément de chemin à faire. Surtout, il faut aller vite. Cependant, de plus en plus d’humains sont déjà en train d’agir pour la réduction du prélèvement des matières premières, de la pêche et de la chasse, pour la création de zones naturelles protégées supplémentaires et la révision de nos lois sur les droits de la Nature. Nous en train de développer des savoir faire et des technologies qui permettent une utilisation optimisée des ressources prélevées ou produites, ce qui implique un recyclage et une réduction de nos déchets. Nous promouvons de plus en plus les énergies renouvelables et l’agriculture biologique. Enfin, nous apprenons que consommer moins n’équivaut pas à une privation, mais peut nous rendre tout aussi heureux.

Pour ne prendre qu’un exemple de ce changement, nous n’avons jamais autant mangé bio qu’en 2015. Savez-vous qu’en plus d’être "eco-friendly" l’agriculture biologique est plus rentable que l’agriculture chimique, justement parce qu’elle utilise les principes de la biodiversité ? Olivier de Schutter, rapporteur spécial à l’ONU pour le droit à l’alimentation, soutient qu’une généralisation de l’agriculture biologique multiplierait par deux, voire trois, notre production de nourriture en 10 ans.

Donc concrètement, il faut manger bio, manger moins de poisson et de viande, réduire sa consommation en eau et en énergie, trier ses déchets, faire des achats réfléchis. Collectivement, il faut changer nos modes de production et soutenir des projets qui vise à la préservation de l’environnement. Le monde est déjà en train de bouger, espérons que ce changement soit exponentiel car nous avons atteint des seuils critiques et alarmant dans bien des domaines.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !