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Trop de jus tue le jus : pourquoi l’obsession pour les boissons à base de fruits et légumes est non seulement mauvais pour votre santé mais aussi pour... l'environnement
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Atlantico Green

Alors que la mode de détoxification du corps par le "juicing" - se nourrir de jus de fruits et légumes - n'est pas si bonne que cela pour la santé, elle a également un impact significatif sur l'environnement, notamment lié au gaspillage et à l'émission de méthane.

Dominique Audrerie

Dominique Audrerie

Dominique Audrerie est un expert indépendant des questions environnementales.

Il est également docteur en droit de l'environnement et ancien directeur du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (en 1993).

Il est avocat à la Cour et maître de conférences.

Il est l'auteur de Petit vocabulaire du patrimoine culturel et naturel (Confluences, 2003).

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Atlantico : Au-delà de certains aspects négatifs pour la santé, la production de jus s'accompagne de répercussions écologiques et environnementales fortes. Quel est le principal danger pour la planète à boire du jus de fruits et légumes?

Dominique Audrerie : La forte demande de fruits et légumes, qui ne sont pas de saison, pose deux problèmes principaux. Soit on répond à la pression du marché par l'importation de produits exotiques venant de l'autre côté de la planète. Et alors il y le problème de la pollution des transports: on sait très bien que les transports en avion et en bateau produisent des pollutions directes, très fortes avec les avions, moins fortes avec les bateaux, mais qui sont malgré tout réelles. Les produits les plus fragiles ou les plus urgents sont transportés en avion, réclamés par les grands magasins, par exemple pour une fête religieuse, ou à la faveur d'un restaurant de luxe. Le repas pourra même être labéllisé "bio" avec, pourtant, des produits transportés sur de très longues distances dans des conditions sulfureuses.

Soit les fruits et légumes sont cultivés sur notre territoire, mais ils sont alors forcés dans des zones où ils sont cultivés hors sol, sous plastique avec des lumières fortes. Ce ne sont pas des produits naturels. De plus, pour suivre la forte demande de ces produits et avoir des produits à bas prix, on répond par la monoculture exhaustive.  Cela a pour conséquence d'appauvrir le sol qui, pour être fertile et sain, doit connaître des cultures différentes de manière limitée. L'injonction de produits chimiques pour faire cracher la nature est obligatoire: engrais chimiques, pesticides, conservateurs etc. La chimie vient au secours de ce que la nature ne veut pas faire et rend compte de la réalité du commerce.

Dans tous les cas, les produits sont conservés de manière artificielle car un produit mûr s'abime très vite. Les produits sont "piqués" pour les maintenir en bon état et donc artificiellement maintenus.

Dans l'article, on apprend que souvent la partie non-utilisée des fruits, la pulpe, était jetée entraînant de larges rejets de méthane qui apparaît comme encore plus dangereux que du dioxyde de carbone.

Le produit artificiel est souvent  rejeté, entièrement, parce qu'il aura pourri ou n'aura pas été vendu, ou en partie, parce qu'il y a des peaux, des déchets. Tout cela n'est pas sain du tout parce que ce qui aura été mis dedans va se retrouver dans la nature.  Les fruits et les légumes pourris en grande quantité produisent du méthane. C'est un gaz extrêmement violent qu'on utilise notamment pour se chauffer, utilisé en général par les entreprises pour réchauffer de l'eau ou des maisons, c'est pour dire. La nature ne peut pas digérer une quantité telle de méthane à laquelle elle n'est pas préparée et pour laquelle elle n'est pas faite. C'est le même problème avec les animaux en batterie: Les animaux ont des rejets, ça ne pose aucun problème. Mais 1000 vaches, au même endroit, ça pose des problèmes de concentration de méthane impossible à diluer.

Quels autres facteurs polluants entrent en compte dans cette nouvelle mode?

Le simple fait de jeter en sur-quantité des produits dans un même endroit est déjà une source de pollution. Sans même parler des produits toxiques. Trois oranges dans une forêt, ça n'abime rien. Ça va se dégrader naturellement, être digéré, ça fait partie du cycle naturel.  Si on met cent tonnes du même produit au même endroit, ça va produire un déséquilibre, ce déséquilibre est source de pollution.

Comment faire pour éviter un si grand gaspillage de matière première et une pollution si importante pour un produit censé laver l'intérieur?

Certains vous diront qu'il faut des usines de traitement spécifique de manière à diluer ces produits polluants et les disperser. On va se réjouir de la création d'entreprises nouvelles, mais en fait, il y aura toujours des déchets du déchet.  Avec la surproduction, il arrive des accidents, des débordements, les produits artificiels passent dans les nappes phréatiques, contaminent la terre  etc. Il n'y a pas de culture hors sol sans déchet. Avant, quand on "sulfatait" les maïs, on disait qu'il n'y avait que la zone visée qui était touchée, mais ce n'était pas vrai, le vent portait les sulfates à des kilomètres des champs aspergés. C'est toujours le même problème.

Ma solution, qui fait vieux grand-père, mais j'assume, c'est de suivre les cycles naturels et de manger local. Notre culture en est imprégnée. Notre alimentation n'est pas faite de jus, elle est faite de produits très différents et notre équilibre physique et mental suppose cette différence. Si je vous invite à déjeuner et que je mets devant vous deux verres: un rouge, un vert, le plaisir de la table n'est pas là. L'alimentation fait partie du plaisir, de la culture et de l'épanouissement de la personne. Vous aurez envie d'un peu d'escargots, d'un peu de foie gras: c'est une merveille et les produits sont de saison! Nous vivons dans des lieux différents, nous devons utiliser les aliments que peut nous donner la nature qui nous entoure. Ici, on a des châtaignes et des noix. Mangeons des châtaignes et des noix.

Aujourd'hui, notre culture alimentaire est remise en cause avec une fausse bonne idée que sont les jus. Nous sommes concernés sur le plan écologique et sur le plan culturel. Il faut se poser la question: "Est-ce que c'est bon pour l'homme?". Si c'est mauvais pour la nature, ça n'est pas bon non plus pour l'homme.

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