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La revanche de l'ampoule à incandescence
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Atlantico Green

Introuvable en magasin depuis 2013 au profit de leurs cousines à basse consommation, les ampoules à incandescence pourrait renaître de leurs cendres. Elles avaient été écartées car 95 % de l’énergie qu’elles consommaient s’évacuait sous forme de chaleur (rayonnements infrarouge). Mais une équipe de chercheurs du Massachussets Institute of Technology vient de mettre au point un prototype nouvelle génération où le filament est entouré d'un cristal photonique.

Georges ZISSIS

Georges ZISSIS

 Professeur des Universités, laboratoire LAPLCE (Université Toulouse 3).

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Atlantico : Comment cela fonctionne-il et pourquoi cela induit-il un regain d'intérêt pour ces ampoules ?

Georges ZissisLe filament d’une lampe à incandescence se comporte approximativement comme un « corps noir ». En physique, un corps noir est est un concept théorique ; il s’agit un corps capable d'absorber complètement toutes les radiations électromagnétiques incidentes sur sa surface. Le rayonnement émis (puissance rayonnée) et sa distribution spectrale caractéristique dépendent exclusivement de la température de la surface du corps noir. Dans le monde macroscopique rien ne peut émettre une puissance supérieure à celle du corps noir. Cela condamne les lampes à incandescence où le filament se trouve à une température de l’ordre de 2700-3000 K à une efficacité radiative théorique maximale de l’ordre de 10-12%. Une lampe à incandescence réelle n’est pas un vrai corps noir et son efficacité est donc plafonnée à entre 3% et 7% (c.-à-d. 3 à 7 watts de lumière utilisable pour s’éclairer pour 100 watts électriques consommés). La mécanique quantique prévoit cependant, qu’à l’échelle nanométrique, nous pourrions s’affranchir de la limite du corps noir et donc obtenir des efficacités supérieures.

Avec le concept du MIT, ont peut explorer l'aspect nanométrique en ajoutant au corps incandescent un « cristal photonique ». Les cristaux photoniques sont des nano-structures périodiques diélectriques ou métallo-diélectriques qui affectent la propagation des ondes électromagnétiques. Certaines longueurs d'ondes peuvent se propager dans le cristal et d’autre non. En utilisant ce concept, il est possible de recycler une partie du rayonnement infrarouge émis en abondance par le corps incandescent (chaleur rayonnée qui constitue un « déchet » pour une application éclairagiste) en rayonnement visible utilisable pour éclairer. Les chercheurs espèrent arriver à 40% d'efficacité, selon leurs calculs c'est la limite supérieure espérée par cette innovation (c’est à dire presque 10x plus efficace qu’une lampe à incandescence d’aujourd’hui).

Ce cristal photonique permet donc de "recycler" les éléments infrarouges dégagés par le filament. Comment pourraient-ils être réutilisés? 

Les cristaux photoniques permettent déjà le contrôle et la manipulation de la lumière en vue d'applications de type télécommunications. Actuellement, ils sont utilisés commercialement dans les fibres optiques. Bien que les cristaux photoniques existent dans la nature (l’opale est une roche dont les couleurs chatoyantes iridescentes sont l’expression de sa nature de cristal photonique) ils sont encore difficiles à fabriquer en forme 3D et cela bride encore le développement des certaines applications.

Quel intérêt ce nouveau prototype ouvre-t-il d'un point de vue écologique ?

L’innovation démontrée par le MIT (d’autres chercheurs ont déjà avancé cette idée depuis les années 90) est intéressante à cause de son efficacité énergétique qui peux monter à 40% avec une émission d’un spectre continu dans la région du visible qui lui permettra donc de crée une lumière blanche d’excellent qualité (au niveau colorimétrique). Notons toutefois qu’une diode électroluminescente (LED) pourrait en théorie atteindre une efficacité énergétique de 100% (aujourd’hui, pour une très bonne LED blanche commerciale et produite en série, l’efficacité radiative atteigne les valeurs de l’ordre de 30%).

Cependant, pour une application éclairagiste c’est l’efficacité lumineuse qui nous intéresse (c.-à-d. la quantité de lumière utilisable par nos yeux, exprimée en lumens, par rapport à la puissance consommée exprimée en watts). Pour le moment nous ne savons rien de l’efficacité lumineuse de la source du MIT.

Par ailleurs, la technologie du MIT n’utilise pas du mercure comme les lampes fluo compactes (dites basse consommation) devrait être plus respectueuse de l’environnement. Mais, comme nous ne savons pas la composition exacte des matériaux utilisés, il nous est est difficile aujourd’hui de spéculer sur l’impact environnemental global de cette innovation.

Notons aussi que nous n’avons d’information ni sur la durabilité et le stabilité temporelle du concept ni sur la méthode de fabrication. Par ailleurs, nous ne pouvons rien dire sur une potentiel industrialisation du process. Alors, bien que ce concept a été mis en avant dans la scène médiatique de façon spectaculaire, il est encore très tôt de dire quoi que se soit sur ces performances réelles ou bien sur son applicabilité dans le monde de l’éclairage. Laissons-lui le temps de faire ces preuves…

Rappel:

Transformation maximale théorique, d'une LED blanche : environ 100%, d'une ampoule à incandescence classique : 25%, de l'ampoule du MIT : 40%

Transformation maximale observée en pratique: LED blanche: 30% , d'une ampoule à incandescence classique: 7 à 10%;

Quel(s) autre exemple de recherches en cours quant à l'éclairage existe-t-il? 

Les OLEDs (c.-à-d. les LED organiques), où des matériaux plastiques émettent de la lumière sont en cours de développement. Cette technologie, déjà utilisée dans le domaine de l’affichage (écrans de téléphones, TV), permettra dans le future proche (horizon de 5 ans) le développement des sources de lumière blanche plates et à grande étendue (large surface) et flexibles, pliables etc. La limite d’efficacité radiative de cette technologie se situe autour de 80% voire plus. En ce qui concerne l’efficacité lumineuse qui nous intéresse, aujourd’hui la technologie OLED a atteint une efficacité lumineuse (en laboratoire) de l’ordre de 100 lm/W quand une lampe à incandescence plafonne à 14 lm/W (les LEDs qui sont des sources ponctuelles atteignent 300 lm/W aujourd’hui). Imaginez ce que les designers peuvent faire avec une source de lumière qui peut prendre n’importe quelle forme, se plier, potentiellement changer de couleur et, pourquoi pas, afficher de l’information.

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