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Pourquoi l’énergie éolienne et solaire viennent de vivre un tournant décisif
©Flickr / Cacahouette

Coût de vent

Selon une analyse du Bloomberg New Energy Finance (BNEF), l'énergie éolienne seraient la moins chère à produire en Allemagne et au Royaume Uni. Elle serait également en passe d'être la moins coûteuse aux États-Unis.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Aux États-Unis, selon une analyse du Bloomberg New Energy Finance (BNEF), l'énergie éolienne serait devenue l'électricité la moins chère pour la première fois l'an dernier, lorsque l'on inclut les subventions étatiques. Comment les experts du BNEF expliquent-ils cela, notamment en étudiant le facteur de capacité respectif des modes de production d'énergie ? Qu'en pensez-vous ?

Stephan Silvestre : Tout d’abord, cette étude ne dit pas exactement cela. Elle indique que, d’une part, l’électricité d’origine éolienne serait devenue moins chère que celle d’origine thermique (gaz et charbon) en Allemagne et en Grande-Bretagne et que, d’autre part, on observe aux États-Unis concomitamment une baisse du facteur de capacité (ou taux d’utilisation) global des centrales thermiques et une hausse de celui des énergies renouvelables (ENR : éolienne et solaire). Ce que souligne cette étude c’est que cette inversion pourrait être le signe du démarrage d’un cycle vertueux, selon lequel la baisse du facteur de capacité des thermiques entraînerait la hausse du coût de l’électricité produite, qui deviendrait alors plus chère que l’électricité d’origine renouvelable, ce qui entraînerait une hausse de son facteur de capacité, la rendant à son tour plus compétitive que l’électricité thermique, et ainsi de suite.

En revanche, le coût actuel de l’électricité américaine d’origine thermique reste toujours très inférieur, presque de moitié, à celui des ENR, hors subventions. Si l’on intègre les subventions, l’électricité ENR devient compétitive dans quelques États par rapport au prix moyen de l’électricité à partir d’hydrocarbures (mais l’étude ne détaille pas les coûts des centrales thermiques dans ces États).

Enfin, il faut préciser qu’il existe trois postes principaux dans le coût de l’électricité : la ressource (lorsqu’il y en a une), les frais opérationnels (exploitation, maintenance) et le coût du capital (amortissement des investissements). Or, si les ENR offrent des coûts marginaux (les deux premiers postes) très faibles, elles restent pénalisées par les coûts d’amortissement, car ceux-ci sont répartis sur un volume de production assez faible.

L’investissement en matière d’énergie doit prendre en compte le très long terme. Quelle influence les énergies renouvelables peuvent-elles avoir sur le choix des investisseurs actuels qui doivent prendre en compte le très long terme ?

C’est une question majeure. Sur le long terme, on s’attend, bien sûr, à la poursuite du développement des ENR et à la contraction du thermique. Les premières sont donc plus attractives pour les investisseurs. Cependant, ceux-ci regardent de près ce que décident les autorités. Car, si elles cherchent à favoriser les ENR, elles ont aussi la mauvaise habitude de changer régulièrement de tactique. Par exemple, lorsque la France, à l’époque de Jean-Louis Borloo, avait décidé d’augmenter fortement les tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque, les investisseurs s’étaient engouffrés dans ce secteur. Mais ils durent déchanter lorsque ces tarifs furent révisés à la baisse quatre ans après pour calmer les excès du marché et soulager la facture délirante pour EDF et l’État… Il existe de nombreux autres exemples en la matière, comme le revirement du parlement européen sur les agrocarburants, celui sur les droits d’émission de CO2 ou encore la dernière modification de la fiscalité française sur le diesel. Sans compter les alourdissements récurrents de la réglementation sanitaire ou environnementale, comme les autorisations administratives à l’implantation d’éoliennes. Ils restent donc très prudents face à cette instabilité et ne se lancent que lorsqu’ils sont suffisamment confiants sur les perspectives à long terme.

Côté européen, l'énergie éolienne serait également l'énergie la moins chère à produire en Allemagne et au Royaume-Uni, même sans les aides du gouvernement, toujours selon une analyse du Bloomberg New Energy Finance (BNEF). Comment les experts du BNEF expliquent-ils cela ?

Les explications avancées sont l’augmentation du facteur de capacité des parcs éoliens onshore, mais surtout l’intégration de taxes carbone dans les coûts des énergies thermiques.

En réalité, les coûts bruts de l’électricité thermique restent bien inférieurs à ceux de l’éolienne. Pour donner une idée, l’électricité éolienne allemande est affichée à 80$/MWh et la britannique à 85$/MWh, subventions incluses, à comparer aux 115$/MWh de l’électricité thermique, taxe carbone incluse ; mais, sans cette taxe, l’électricité thermique ne coûte plus que 65$/MWh aux États-Unis ou en France. Ce que reflète cette inversion du classement n’est autre que la volonté des pouvoirs publics européens de renchérir le thermique pour favoriser les ENR. De plus, il faut encore ajouter l’énorme coût des infrastructures de transport pour acheminer l’électricité éolienne de sa zone de production à celles de consommation. Les consommateurs allemands d’électricité sont témoins de cette charge sur leurs factures mensuelles…

Et en France, où en est-on, compte tenu de la part importante d'électricité produite grâce au nucléaire ? Quelle place pour les énergies renouvelables ? Peuvent-elles être compétitives ?

La France bénéficie toujours d’une électricité très bon marché  grâce à l’électronucléaire. Le coût marginal de l’électricité nucléaire reste très inférieur à celui des centrales thermiques et ENR, y compris après le durcissement de la réglementation qui a fait suite à l’accident de Fukushima et en intégrant les importantes provisions faites pour le traitement des déchets et démantèlement des centrales nucléaires. Pour le moment, les ENR ne sont pas en mesure de rivaliser avec le nucléaire. De plus, il y a le problème de l’intermittence, qui ne leur permet pas de se substituer entièrement à la production actuelle. Il est nécessaire de distinguer trois types de centrales : on parle d’électricité de base pour celle qui doit être produite en permanence toute l’année (en France, par le nucléaire et l’hydraulique), de semi-base pour la production complémentaire hivernale (surtout du thermique) et de pointe pour les jours de très grande consommation (hydraulique et thermique). Les ENR ne peuvent répondre, ni aux besoins de pointe (conditions anticycloniques hivernales nocturnes), et peu aux besoins de semi-base (en plein hiver, lorsque le solaire ne produit plus) ; il reste l’électricité de base, en complément des centrales nucléaires.

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