Rapport Combrexelle & lutte des classes : là où en sont les Français dans leur rapport à leurs patrons et à l’entreprise<!-- --> | Atlantico.fr
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71 % des Français sondés se déclarent favorables à l’idée de laisser les entreprises "fixer librement le temps de travail par accord avec leurs salariés".
71 % des Français sondés se déclarent favorables à l’idée de laisser les entreprises "fixer librement le temps de travail par accord avec leurs salariés".
©Reuters

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Le rapport doit être remis mercredi 9 septembre au Premier ministre afin de proposer "une nouvelle architecture du droit du travail", avec une plus grande place accordée à la négociation collective. Retour sur l’évolution des relations patrons-salariées en France.

Romain Bendavid

Romain Bendavid

Romain Bendavid est Directeur des Etudes Corporate au Département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’Ifop, diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’ESCP-EAP. Il a 16 ans d’expérience dans les études d’opinion et marketing (TNS Sofres, Ifop). Romain Bendavid est expert dans les études Corporate concernant les enjeux internes et externes de l’entreprise, spécialiste des enjeux d’image interne et notamment de l’adhésion à la stratégie et aux valeurs de l’entreprise.
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Atlantico : D’après une étude CSA pour Les Echos publié en septembre, 71 % des Français sondés se déclarent favorables à l’idée de laisser les entreprises « fixer librement le temps de travail par accord avec leurs salariés ». Quelle est aujourd’hui généralement la relation entre patron et salariés en France ? Observe-t-on encore des rapports propres à la lutte des classes ou s’agit-il désormais de rapport de confiance ?

Romain Bendavid : Schématiquement,  la lutte des classes consiste à répartir équitablement la plus-value, de combattre les inégalités de revenu. A ce titre, il y a une cinquantaine d’années les relations étaient bien plus conflictuelles que maintenant. Actuellement, les règles du jeu sont davantage partagées : quel que soit le niveau hiérarchique, on observe une logique plus forte de solidarité tournée vers la nécessite de lutter ensemble pour la survie de l’entreprise. L’enjeu principal consiste à se défendre ensemble face à une concurrence plus sauvage afin de lutter pour la survie de l’entreprise, avec le contexte de mondialisation que l’on connaît. Les conflits existent toujours comme les revendications au sein des entreprises pour la répartition des richesses mais elles ne sont plus forcément au premier plan.

Autre donnée factuelle, les TPE, soit les entreprises de 0 à 20 salariés, représentent 95% des entreprises françaises, le poumon de l’économie du pays. Et une majorité des salariés du privé travaille dans des entreprises de moins de 50 salariés. Dans ce cadre, les salariés se serrent davantage les coudes autour d’une direction mieux plus proche et mieux identifiée.

Cette idée de faire bloc, ensemble donc, touche aussi les grandes entreprises. Pour ces dernières, les critiques touchent de plus en plus le manque de visibilité sur la stratégie de l’entreprise. C’est par exemple le cas concernant un plan de licenciement sur un site alors que celui-ci est rentable. Au sein de ces entreprises aussi, les revendications récentes des salariés portent donc souvent sur la participation aux décisions stratégiques plus que sur des gains salariaux.

A travers ces évolutions, la recherche de « sens » au sein de l’entreprise émerge fortement ces dernières années : quel est le sens de mon investissement professionnel si l’entreprise ferme à la fin de l’année, quels que soient ses résultats ?

Il y a une trentaine d’années, les salariés travaillaient également beaucoup mais le risque de fermeture n’était pas aussi présent et l’enjeu touchait davantage la répartition des richesses, d’où les revendications pour cela.

Cette recherche de sens s’illustre dans les enquêtes de climat interne aux entreprises pour mesurer le moral des salariés, leur confiance dans l’entreprise. Quel que soit le secteur ou la santé de l’entreprise à l’instant T, les principales revendications portent sur le manque de visibilité de la stratégie de la société.

Face à ce manque de lisibilité générant une quête accrue de sens, les salariés plébiscitent des solutions alternatives. Ils sont de plus en plus nombreux à chercher des emplois offrant une meilleure lisibilité sur les règles de fonctionnement et la manière dont les profits sont investis. Il s’agit typiquement de l'économie sociale et solidaire, l'économie collaborative…Selon nos derniers sondages, leur notoriété augmente tandis leur image est très bonne.

Comment ces relations ont-elles évolué, quels sont les chiffres dont on dispose ?

L’Ifop réalise une norme de climat interne depuis une quinzaine d’années auprès d’un échantillon représentatif de salariés. Cette norme analyse notamment l’évolution de bien-être au travail et les relations vis-à-vis de la hiérarchie.  Or en 2015, 74% des salariés sont satisfaits de leur situation professionnelle, ce qui est un premier signe indirect de relations apaisées avec la hiérarchie. Concernant plus précisément, les relations avec leurs responsables, 54% des salariés estiment que leur travail est reconnu à sa juste valeur. Ce chiffre est en hausse de 5 points par rapport à 2008.
Il convient ensuite de distinguer deux types de management, les responsables hiérarchiques directs et la direction générale. 73% sont satisfaits de leur responsable hiérarchique direct, et à l’égard de la direction générale, on est à 58% de sondés satisfaits et les chiffres sont stables dans le temps. La crise n’a donc pas affecté les relations avec la hiérarchie au sein de l’entreprise. Par contre, une des principales préoccupations des salariés aujourd’hui concerne le manque de visibilité sur la stratégie de l’entreprise. Dans certains cas, les salariés se montrent mêmes moins optimistes pour l’avenir de leur entreprise que pour le leur.  

Y a-t-il des différences significatives selon la taille des entreprises sur ce rapport à la hiérarchie ? Ou en fonction de la tranche d’âge des salariés ?

Les retraités, dont la proximité politique est plus marquée à droite, soutiennent davantage une flexibilisation du droit du travail.  

Au sein des entreprises, les plus jeunes sont un peu plus satisfaits de leur travail que leurs aînés, ce qui est assez logique puisque leur entrée sur le marché du travail a été conjoncturellement plus difficile et qu’ils ont sans doute aussi moins de frustration accumulée vis-à-vis de leur hiérarchie.
Concernant la taille de l’entreprise, plus elle est réduite, moins les échelons hiérarchiques sont élevés, plus on se soutient avec la direction. Le visage de la Direction est alors évidemment plus facile à identifier  Dans les entreprises de moins de 50 salariés, on se situe à 65% de satisfaction (contre 58 % en moyenne) et dans celles de 1 à 9 salariés, on monte à 69%.
Cela ne veut pas dire que dans les grandes entreprises la direction générale est mal perçue, simplement les résultats sont moins élevés que dans les petites sociétés (55% de satisfaction).  

Le rapport Combrexelle sur la réforme du droit du travail est remis mercredi au Premier ministre. Selon le quotidien "Les Echos", il contient 44 recommandations. A travers des accords de branche serait fixé "un ordre public conventionnel qui s'appliquerait à l'ensemble des entreprises du secteur". Dans quelle mesure la social-démocratie à la demande peut fonctionner en France ?

Le terme de social-démocratie n’est plus très à la mode en ce moment. Les règles régissant le monde du travail ont aujourd’hui vocation à s’inscrire dans une logique horizontale en cherchant des solutions à travers des accords par branche, plutôt que verticale où des règles communes vont s’appliquer à tous. Toutefois, nos principes républicains imposent des « gardes fous » qui agissent sur la préservation d’un minimum d’unité. 

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