La nouvelle étude qui établit que les OGM pourraient effectivement représenter un danger<!-- --> | Atlantico.fr
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Un acide contenu dans certains OGM pourrait empêcher l'expression de certains gènes.
Un acide contenu dans certains OGM pourrait empêcher l'expression de certains gènes.
©REUTERS/Stephane Mahe

OGM la menace ?

Un acide contenu dans certains organismes génétiquement modifiés destinés à la consommation pourrait empêcher l'expression de certains gènes, ce qui aurait pour effet potentiel d'augmenter le niveau de cholestérol, notamment. Analyse critique.

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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Atlantico : Une équipe de chercheurs chinois a découvert dans le sang et les organes de personnes consommatrices régulières de riz de petits fragments d'acide ribonucléique (ARN), qui ont pour propriété d'empêcher l'expression de certains gènes, ce qui peut notamment augmenter le niveau de cholestérol. Cette étude date de 2012, mais continue de faire débat (voir ici). Cela constitue-t-il un risque pour notre santé ?

Marcel Kuntz : Rappelons que l’ADN est transcrit en ARN messagers qui permettent aux cellules vivantes de construire les protéines. Une classe particulière d’ARN, appelons-les microARN, a une fonction différente : un microARN donné se fixe sur un ARN messager donné et contribue à l’éliminer. Il influence ainsi "l’expression des gènes" dans les cellules, ce qui "régule" leur métabolisme par exemple. L’équipe chinoise de Zhang et collaborateurs a affirmé qu’un microARN de riz peut se retrouver, via l’alimentation, dans le sang de mammifères qui ont consommé du riz, et dans ce cas précis, accroître le taux de mauvais cholestérol chez des souris.

Il est significatif du "précautionnisme" et du pessimisme contemporain d’y voir un "risque" et non des promesses ! L’Homme mange du riz depuis des millénaires et tous les jours des grammes d’ARN, un constituant normal de notre alimentation. De plus, si les résultats de Zhang et coll. étaient confirmés, ils ouvriraient des perspectives thérapeutiques majeures dans la lutte contre certaines maladies, par des médicaments à base de microARN.

Ces résultats ne sont donc pas confirmés ?

Personne pas pu reproduire un tel transfert de microARN de l’alimentation vers des mammifères. Des Américains, Dickinson et collègues (2013), ont tenté sans succès de reproduire les expériences sur le riz. Encore plus embarrassant pour Zhang et collègues, un groupe d’équipes uruguayennes vient de publier un article indiquant que, dans une publication antérieure, un travail de "séquençage" à grande échelle d’ARN, l’équipe chinoise avait détecté le même microARN chez un poisson qui ne consomme pas de riz ! Il s’agirait donc d’une contamination par du riz des échantillons analysés en laboratoire !

Par ailleurs, il existe des plans pour produire du coton ou du maïs génétiquement modifiés qui contiennent de tels microARN qui ont pour effet de tuer les insectes qui leur sont nuisibles. Preuve qu'il faut être doublement prudent par rapport à ces OGM ?

Il est possible que ce transfert de microARN puisse être une réalité chez certains insectes. Mais restons là aussi circonspects quant à cette possibilité. Des microARN bien choisis pourraient être produits par les plantes, donc des OGM, ou alternativement être épandus directement sur les insectes nuisibles. Il s’agit dans ce cas de "bloquer" un gène vital de l’insecte.

Quelles applications peuvent être faites à partir des OGM ayant pour propriété de "liquider" les insectes qui voudraient les manger ? Est-il vraiment possible de ne cibler qu'une espèce bien particulière ?

C’est un défi à relever par les biotechnologies, pour une agriculture de précision. Il est déjà possible, plutôt que d’épandre des herbicides dans tout le champ, de détecter par des caméras la mauvaise herbe et de n’asperger qu’elle d’une manière automatisée. De même, l’apport d’engrais peut être modulé en fonction des besoins de la parcelle. La combinaison de l’informatique et des biotechnologies est extrêmement prometteuse.

Dans le cas des OGM actuels résistant à des insectes ravageurs, le principe actif (une protéine) est déjà spécifique d’un Ordre d’insectes : si on vise une chenille, les abeilles par exemple ne sont pas affectées. Des technologies basées sur un microARN seront encore plus spécifiques, car ce dernier peut être conçu pour se fixer sur un ARN messager donné, lui-même choisi car son enchainement de "lettres" est propre à l’insecte visé. Nous sommes au cœur de ce qui fait la spécificité des espèces.

Des oiseaux ou des rongeurs pourraient-ils également être tués par des plantes génétiquement modifiées ? Quelles sont les limites à ne pas dépasser ?

Le microARN sera choisi par bioinformatique pour que cela ne soit pas le cas. Puis l’évaluation des risques, classique et réglementaire, devra le vérifier avant mise sur le marché. La route est longue avant la mise sur le marché d’un OGM. Surtout en Europe, où l’on discute encore de la mise en culture d’OGM cultivés outre-Atlantique depuis la fin des années 90 !

Le choix, peut-être plus risqué, est de se laisser paralyser par le principe de précaution : donc de ne rien faire. Ou au contraire de prendre des précautions raisonnées, sans en faire un "principe", afin de relever les défis grâce à l’innovation.

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