Applis contraception : pourquoi se fier à son smartphone fait prendre de gros risques<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Style de vie
Certaines femmes, au lieu d’avoir recours systématiquement à la pilule ou au préservatif, utilisent un thermomètre vendu par la société "Daisy".
Certaines femmes, au lieu d’avoir recours systématiquement à la pilule ou au préservatif, utilisent un thermomètre vendu par la société "Daisy".
©

A bonne entendeuse...

C'est le retour des bonnes vieilles méthodes de grands-mères, mais sur smartphone. Il est possible de surveiller son cycle, mais avec un taux de grossesses annuel allant de 20 à 40 %...

Christian Jamin

Christian Jamin

Christian Jamin est gynécologue et endocrinologue. Il exerce actuellement à Paris. Spécialiste de la régulation du traitement hormonal chez la femme, il participe activement aux recherches de nouvelles méthodes de contraception. Il s'implique également dans la prévention de l'IVG.

Il a co-écrit Une nouvelle vie pour la femme, aux éditions Jacob-Duvernet, 2006.

Voir la bio »

Atlantico : Certaines femmes, au lieu d’avoir recours systématiquement à la pilule ou au préservatif, utilisent un thermomètre vendu par la société "Daisy". Le principe est simple : en fonction de la température du corps, l’appareil indique si la jeune fille peut avoir une relation sexuelle avec son partenaire sans ou avec une protection, et les informations sont transmises à une application sur Smartphone. Pouvez-vous nous expliquer le principe de base de cette méthode ?

Christian Jamin : Le principe de base de ce type d'appareil est le suivant : après l'ovulation la température monte de quelques dixièmes de degrés, ce qui permet de savoir à quel moment la femme a ovulé. Problème : la fertilité vient avant l'ovulation. On pourrait comparer cela aux voyants d'huile dans la voiture : lorsqu'ils s'allument, cela signifie qu'il est trop tard. C'est tout simplement l'ancienne méthode de surveillance des températures qui est remise au goût de l'électronique, qui en en fait n'autoriserait les rapports sexuels que lorsque la température permet de dire qu'il y a eu ovulation, et qu'il n'existe donc plus aucun risque de fertilité. Dans le cycle d'une femme, statistiquement, on ne compte que deux jours où il n'y aucune chance de tomber enceinte : le premier et le deuxième jour des règles. Tous les autres sont potentiellement à risque.

Ceci peut fonctionner à condition que les femmes qui utilisent ce système soient extrêmement "observantes", c’est-à-dire qu'elles aient des rapports protégés tant que la température n'a pas augmenté. Malheureusement - ou heureusement, aurais-je tendance à dire - les femmes sont plus fantasques, et dieu merci elles ont tendance à obéir à leur désir et à leur amour plutôt qu'à  leur température. Par conséquent ce type de méthode donne des taux de grossesses allant de 20 à 40 % par an selon les différentes études.

Quelles sont les autres méthodes électroniques existantes ?

Des calculs de probabilité d'ovulation peuvent être faits. J'avais moi-même travaillé sur un système de bandelettes sur lesquelles les femmes urinaient, ce qui permettait de mesurer leurs taux hormonaux, et donnait des résultats plus fiables. Cela permettait d'évaluer statistiquement à quel moment elles allaient ovuler. Malgré la sophistication du système, nous avons stoppé les recherches, car le taux de grosses par an restait à un niveau de 17 %.

L'usage d'une application comme celle proposée par "Daisy" doit-il donc être totalement évité ?

Tout dépend pour qui. Un couple installé, qui n'a rien contre l'idée d'une grossesse, qui veut simplement essayer de maîtriser la période où elle viendra, et qui acceptera avec bonheur sa survenue même si la période n'était pas celle prévue, peut tout à fait utiliser ce genre d'application. Mais pour une femme qui ne peut pas se permettre de tomber enceinte, ou qui ne veut pas, la fiabilité d'une telle méthode est totalement insuffisante. Les méthodes contraceptives médicales, elles, donnent des taux de fiabilité de 99,5 % pour le stérilet, et de 94 % pour la pilule. On est donc loin des méthodes naturelles, qui elles ne sont ni plus ni moins que des méthodes de retardement de grossesse.

Les Françaises sont-elles nombreuses à utiliser la méthode dite naturelle ?

Environ 20 % des femmes utilisent des méthodes naturelles en France. Mais encore une fois, tout dépend de la catastrophe ou de la bonne nouvelle que représente la survenue d'une grossesse.

Certaines femmes peuvent invoquer le fait qu'elles ne supportent pas la pilule…

Il existe beaucoup de méthodes contraceptives médicales, il est tout de même très rare que l'on n'en trouve pas une qui convienne à  chaque femme. Qu'il n'y ait d'autre option que la méthode naturelle, ce serait exceptionnellement rare : il faudrait ne pas pouvoir supporter la dizaine de pilules qui existent, le stérilet, ne pas supporter l'idée de se faire stériliser… l'absence de solution est rarissime.

D’après la journaliste américaine Olga Hazan, qui a enquêté auprès de plusieurs adeptes de cette technologie pour le site The Atlantic (voir ici), la plupart en sont très satisfaites. Est-ce le côté "naturel", dans l'air du temps, qui séduit ?

Le retour à l'écologie, mal compris, va nous amener à une augmentation des IVG, ce qui n'est pas forcément souhaitable, ni naturel. Lorsqu'une femme vient pour une IVG, on lui propose logiquement une contraception médicale, mais un certain nombre refusent au motif que ce n'est "pas naturel". Nous nous trouvons dans un système de perversion intellectuelle totale.

Propos recueilis par Gilles Boutin

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !