Madonna ou U2 à l’Opéra : pourquoi pas !<!-- --> | Atlantico.fr
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A quand Madonna en concert à l'Opéra Garnier ?
A quand Madonna en concert à l'Opéra Garnier ?
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Tous à l'opéra !

La cinquième édition de "Tous à l'opéra !" se tient ce week-end des 7 et 8 mai. Soit deux "journées du patrimoine", offertes au grand public dans plus de cent opéras de France et d'Europe. L'occasion de rendre l'opéra plus populaire. Jusqu'à y accueillir Madonna ou U2 en concert ?

Christophe Tardieu

Christophe Tardieu

Christophe Tardieu est le directeur général adjoint de l'Opéra de Paris, depuis octobre 2010.

En 2004, il devient Administrateur Général de l'Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles. Lorsque Christine Albanel est nommée Ministre de la Culture et de la Communication, il rejoint son cabinet comme Directeur-Adjoint. Parallèlement, il est nommé Président du conseil d'administration du centre national de la danse. 

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Atlantico : l’opéra est-il élitiste ou peut-il être populaire ?

Christophe Tardieu : comme toujours il faut prendre les choses dans le bon ordre notamment en matière culturelle. En matière culturelle tout commence avec l’éducation artistique et culturelle. Si cette dernière était vraiment performante dans notre pays, on ne se poserait pas la question de savoir si l’opéra est élitiste ou populaire. Pour l’opéra de Vienne par exemple, son public vient de toutes les classes sociales car l’éducation musicale est totalement intégrée au système éducatif et à la vie du pays. Les gens ont toujours baigné dans l’opéra. Ce n’est pas le cas en France. Donc nous ce que nous nous efforçons de faire, c’est de pallier cela à travers des politiques en faveur des jeunes, en faveurs des banlieues. Ce sont des choses que nous mettons en place volontairement mais qui ne permettent pas de combler ce fossé entre l’opéra élitiste et l’opéra populaire. Ce n’est pas tout de construire des bâtiments, d’offrir des places, d’avoir des politiques tarifaires extrêmement intéressantes, c’est notre cas puisque sur l’opéra et les ballets, nous avons plus de 50 % de nos places qui sont à des tarifs abordables. Le vrai sujet c’est de savoir qui vient voir l’opéra, qui vient voir le ballet. Ce que l’on note néanmoins et ce qui est favorable, c’est que la population qui vient assister à des ballets est beaucoup plus diverses d’un point de vue sociologique que celle qui assiste à des opéras. S’en doute car les gros ballets comme le Lac des cygnes, Belle au bois dormant, Cendrillon sont des ballets très populaires où l’on vient en famille. Ensuite car la danse contemporaine est davantage universaliste, elle s’adresse un peu à tout le monde. Il y a encore un peu trop le reflexe pour l’opéra du « comment va-t-on s’habiller pour s’y rendre », on essaye de lutter contre cela mais c’est compliqué. Alors qu’aujourd’hui, si vous venez à une représentation à l’opéra Bastille, de n’importe quelle œuvre, vous verrez beaucoup plus de jean que de cravates.

Atlantico : peut-on imaginer que des artistes contemporains comme Madonna viennent donner un concert à l’opéra ?

Christophe Tardieu : pourquoi pas. Cela ne me choque pas du tout ! Après c’est une problématique de coût et de jauge. A l’opéra Garnier, il y a 1 700 places que l’on peut vendre. Si demain, un producteur me dit, « j’aimerais louer l’opéra Garnier pour faire un spectacle de Madonna » et le producteur se débrouille avec les places, il les vend 300 ou 600 euros, cela ne me pose aucun problème. Quand j’étais à Versailles avec Christine Albanel, on a fait venir « Air » et « Phoenix », au bassin de Neptune. Il ne faut pas s’imaginer que l’opéra est un endroit totalement compassé. Simplement, le concert de Madonna à l’opéra Garnier ne peut être qu’un évènement exceptionnel car cela va représenter pour son producteur un cout faramineux avec un nombre de place très limité. On a le dixième de la capacité en siège de Bercy. En revanche l’intérêt pour nous est financier. Il n’y a aucun problème de principe.

C’est un appel à candidature ?

Ce n’est pas comme cela que ça se passe… C’est plutôt le souhait d’un artiste ou d’un producteur. Il y a deux ans de cela, Prince a fait un concert au Grand Palais. Il voulait faire le concert à l’opéra mais ça n’a pas été possible pour des questions de dates, il s’est décidé au dernier moment. L’une de nos difficultés aussi, c’est que l’on fait 350 représentations par an à Garnier et à Bastille et que la salle de Garnier est très peu libre sur le planning. J’ai peu de dates. Quand il n’y a pas de représentations, il y a des montages de décors, des services de répétitions, de lumières et autres.

En dehors de Madonna, qui peut-on espérer voir à l’opéra ?

Il faut voir projet par projet. Ce qui est sûr après, c’est au directeur d’apprécier si artistiquement, c’est viable pour la maison. En revanche, on peut difficilement imaginer un concert de Boys Band, cela parait peu crédible. Il faut naturellement que la chose se tienne artistiquement. Ce n’est pas une question de gout. Il faut que l’affiche ne soit pas déshonorante pour l’opéra. Si Pascal Nègre d’Universal me dit demain, Bono rêve de faire un concert acoustique à Garnier avec U2, je me mets à plat ventre !


La culture doit-elle être forcément subventionnée ?

Bien sûr. En ce qui nous concerne, nous sommes subventionnés à hauteur de 50 % de notre budget. Ce qui est un record dans le spectacle vivant. Dans ce type de spectacle on est plus souvent entre 70 et 80 % de subventions. Le problème de l’opéra, c’est que produire des spectacles est une chose qui coute affreusement chère. En effet vous avez besoin à la fois d’un orchestre, en moyenne on est entre 80-90 musiciens par œuvre, vous avez besoin d’un cœur, 80 choristes sur scène, d’un chef d’orchestre et sur le marché mondial, c’est très cher et vous avez besoin d’artistes. Les artistes lyriques, même si cela n’a rien avoir avec les rock stars, coûtent chers. Ajouter à cela les décors, les costumes. C’est donc une forme de spectacle vivant chère par définition.

Et qui est structurellement déficitaire en 2011…

Sans aides de l’Etat ou du privé, ce qui est le cas pour le « Metropolitan Opera » de New York ou de « Coven Garden » de Londres, ne pourraient pas vivre.

Monsieur tout le monde ne paye-t-il pas la place à l’opéra des riches ?

On ne peut pas tout à fait dire cela, car les places dans les premières catégories sont chères. Chez nous entre 140 et 180 euros. Tout est une question de choix politique. L’opéra de Paris se situe dans un marché mondial avec la « Scala » de Milan, le « Coven Garden » de Londres, le « Metropolitan Opera » de New York et Vienne en Autriche. A partir de là, avoir un opéra national, comme dans ces pays, fait partie de la tradition culturelle de la France. Il n’est pas absurde qu’une partie assez modeste des impôts ou du budget de l’Etat soit consacrée à l’opéra. C’est ce que font Vienne ou Milan. En France ou dans les pays latins ou germaniques, l’Etat subventionne l’opéra. C’est une question de choix. On ne pourrait pas imaginer que Paris, qui a une capacité d’attirance culturelle exceptionnelle, Paris, qui est la capitale culturelle du monde, de par sa richesse de ses musées et de ses établissements culturels, n’ait pas son opéra. D’un point de vue culturel, cela ne serait pas très logique.


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