Sortie de Django Unchained : Tarantino raciste ou plus grand cinéaste black de l'Histoire du cinéma ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Le dernier film de Quentin Tarantino, Django Unchained, sort ce mercredi au cinéma.
Le dernier film de Quentin Tarantino, Django Unchained, sort ce mercredi au cinéma.
©DR

Attention polémique !

Le septième film de Quentin Tarantino, qui sort ce mercredi et qui vient de recevoir 5 nominations aux Oscars, a déclenché une vive controverse dans la presse américaine pour son supposé racisme.

Alexandre  Devecchio

Alexandre Devecchio

Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro. Il est responsable du FigaroVox. 

Il a notamment publié "Recomposition" aux éditions du Cerf

Voir la bio »

Les Français ont leur affaire du "pain au chocolat", les Américains leur polémique "Django Unchained". Le septième film de Quentin Tarantino, qui sort ce mercredi et vient de recevoir 5 nominations aux Oscars, a déclenché une vive controverse dans la presse américaine pour son supposé racisme. C’est  Spike Lee qui a ouvert le feu en déclarant dans une interview à Vibe TV que le film portait atteinte " à la mémoire de ses ancêtres" avant d’affirmer sur son compte Twitter que "l’esclavage ne se réduisait pas à un vulgaire western spaghetti". Le réalisateur américain de Malcom X cherche-t-il à faire parler de lui après une série d’échecs artistiques et commerciaux ou serait-il atteint de cette maladie qu'on pensait française qu’est l’antiracisme pathologique ?

Un rapide retour sur la filmographie de Quentin Tarantino suffit pourtant pour se convaincre que le réalisateur de Pulp Fiction n’est pas raciste. Bien au contraire… Certes, le roi de l’hémoglobine n’a jamais versé dans le film plaidoyer un peu mièvre. Le réalisateur exprime son antiracisme viscéral plus subtilement, notamment à travers son style empreint de références à la culture afro-américaine et son amour pour les acteurs blacks. Tarantino est à lui tout seul une agence d’emploi pour acteurs noirs. Samuel L. Jackson lui doit sa carrière. Le comédien explose véritablement grâce à son interprétation de Jules Winnfield dans Pulp Fiction. Un personnage de truand mi-philosophe mi-cinglérapidement devenu culte, mais loin d’être politiquement correct. En lui faisant débiter des tirades bibliques dignes d’un pasteur évangélique, Tarantino joue délibérément avec les stéréotypes. Peut-être pour mieux déjouer tout manichéisme. N’en déplaise aux bonnes consciences, les personnages "tarantiniens" , comme dans la vraie vie, ne sont jamais ni tout noirs, ni tout blancs.

Pam Grier, égérie de la blaxploitation dans les années 70 a, elle aussi, réussi un come-back inespéré grâce au cinéaste cinéphile. Jamais avant Quentin Tarantino et son Jackie Brown aucun réalisateur blanc n’avait osé filmer une femme noire de manière aussi sensuelle et décomplexée. Dès la séquence de générique dans les couloirs d’un aéroport, sa caméra positionnée en légère contre-plongée s’attarde amoureusement sur le popotin d’une Jackie Brown moulée dans un uniforme d’hôtesse de l’air.  "Il fallait qu’elle soit bien lotie côté jardin. Celui de derrière particulièrement…" s'amuse Tarantino, irrévérencieux. N’empêche, le réalisateur offre à Pam Grier l’un des plus beaux rôles jamais offerts à une actrice noire. Celui d’une femme forte et digne qui ne se laisse pas démonter par les aléas de la vie. Celui d’une femme mûre de 44 ans qui en paraît 32 et assume crânement ses formes généreuses.

Et derrière son côté film de gangster un peu trivial, Jackie Brown évoque de manière crue les rapports noirs/blancs dans la banlieue modeste de Los Angeles. Déjà, le réalisateur s’était vu reprocher l’utilisation du mot "nigger". Plus de deux cents fois en deux heures de métrage. "Cela n’a rien de théorique, c’est une réalité bien basique : une grande partie des noirs américains utilisent ce putain de mot deux milles fois par jour… Quand j’écris mes personnages et mes dialogues, j’essaie de leur injecter le plus de vérité possible." Le réalisateur qui a grandi dans la culture noire américaine des quartiers sud de Los Angeles est bien placé pour savoir qu’il ne suffit pas d’employer le mot "afro-américain" pour faire disparaître les problèmes communautaires.  

Avec Django unchained, Quentin Tarantino s’attaque à l’histoire de l’esclavage. Inutile de nier, l’approche du réalisateur n’est pas franchement classique. Sans doute prend-t-il quelques libertés avec la réalité historique ? Dans Inglorious Basterds, son précédent long-métrage, Quentin Tarantino revisitait déjà la Seconde Guerre mondiale, allant jusqu’à inventer sa propre fin du régime hitlérien en vengeant les Juifs par le cinéma. Même Claude Lanzmann, qui avait pourtant trouvé le moyen de taxer La liste de Schindler de Spielberg d’antisémitisme, n’avait pas polémiqué.

Comment un réalisateur aussi subversif que Spike Lee a pu se transformer en donneur de leçons professionnel ? A l’époque de Do The right Thing ou de Jungle Fever, il n’hésitait pas à fustiger le racisme des blancs mais aussi le repli identitaire de sa propre communauté, soulignant notamment que les plaintes récurrentes des noirs américains contribuaient à un processus de victimisation. En mal de reconnaissance, Lee a peut-être voulu se rappeler au souvenir de la critique américaine en daubant sur un collègue. A moins que son amertume ne soit liée à autre chose… Et si Quentin Tarantino avait tout simplement fini par lui voler son titre de meilleur réalisateur black de l’Histoire du cinéma ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !