Puissance, vitesse, James Dean : l'image sauvage de l'automobile est-elle soluble dans la voiture verte&nbsp?<!-- --> | Atlantico.fr
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C’est en 1955 que James Dean achète une Porsche 550 Spyder, l’un des 70 exemplaires commercialisés.
C’est en 1955 que James Dean achète une Porsche 550 Spyder, l’un des 70 exemplaires commercialisés.
©DR

Grosses cylindrées

Le gouvernement veut miser sur la voiture verte pour soutenir l'industrie automobile. Si l'image de l'automobile a longtemps été liée à la liberté des grands espaces et à la réussite sociale, avec la nouvelle génération, c'est pourtant une autre vision qui émerge, avec plus de fluidité et moins de grosses cylindrées.

Atlantico : Dans le cadre de son plan de soutien à l'industrie automobile, le gouvernement veut encourager la production et l'achat de véhicules propres. La voiture verte est-elle compatible avec la mythologie qui y est liée ? Les Français ne rêvent-ils pas plus de belles voitures qui roulent vite que de voitures propres ?

Stéphane Hugon : Le plan proposé par le gouvernement existait déjà, en réalité, sous une forme différente. Il décide de le continuer et c'est très bien d'encourager cette forme d'alternative dans le domaine automobile.

Le problème, c'est que l'imaginaire automobile s'est construit au cours du XXème siècle, plus particulièrement après la guerre, dans de grands idéaux qui sont très différents de ceux d'aujourd'hui. L'idée de liberté, l'idée de puissance, en sont des fondamentaux. Sur le plan de la symbolique, à cette époque, la voiture est un moyen de se détacher de la masse et de se libérer d'une influence, que ce soit celle de la famille ou du village. L'automobile est alors un outil d'émancipation. Après la guerre, toutes les marques font des promesses qui vont dans ce sens.

Un autre point qui donne ce coté « mâle alpha dominant » que vous décrivez est aussi lié au fait que la voiture est longtemps la première expérience de la propriété. Elle est liée à cet idéal de propriété qui reste très fort dans les sociétés occidentales et qui devient un objectif de masse dès les années 1950.

Ces notions, si on les trouve toujours dans le langage, ont totalement disparu des imaginaires sociaux à partir des années 1990. La voiture est longtemps une bulle autour de son propre corps, elle lie ces rapports d'autonomie et de propriété. Mais si ces valeurs portent l'automobile pendant 50 ans, nous arrivons aujourd'hui à une saturation de cet imaginaire. Il ne faut pas comprendre par là qu'il n'existe plus, mais qu'il se trouve dans d'autres domaines. Ce qui fait rêver les masses aujourd'hui, ce n'est plus la voiture mais les technologies numériques. La manière de percevoir son autonomie s'est transformée et l'automobile n'y trouve plus sa place.

De même, la voiture doit évoluer. Autour de celle-ci, on a une nouvelle manière de percevoir la propriété. Au cours des 30 prochaines années, il est fort probable que l'on aspire plus dans l'automobile à la notion de « mobile » qu'à la notion « d'auto ». Cet « auto » dont le sens étymologique évoque la règle, la loi, devait permettre à l'individu de se diriger lui-même, d'être son propre maître et ainsi d'être libre. L'inversion de l'imaginaire collectif fait que l'on se perçoit beaucoup plus dans des systèmes liés au partage. Être propriétaire d'un objet industriel a de moins en moins de sens aujourd'hui. La nouvelle génération recherche de la fluidité et de la mobilité. La voiture est de plus en plus perçue comme une dépendance, notamment d'un point de vue financier, plus que comme une liberté.

Les constructeurs automobiles ont-ils amorcé cette évolution ?

Ils le font de manière un peu cachée depuis une vingtaine d'années. Le secteur automobile était parfaitement conscient de la date où il faudrait changer de modèle. Ils n'ont pas forcément beaucoup communiqué là-dessus mais ils réfléchissent de longue date à de nouvelles solutions.

Les marques ont d'autant plus de facilités à s'approprier cette image que les premières automobiles étaient électriques. A la fin du XIXème siècle, le fantasme de la voiture est lié à l'électricité. Le moteur thermique n'arrive que plus tard.

Reste qu'il faut traverser une période difficile qui devrait durer une dizaine d'années. On a le sentiment que les modèles électriques tardent à arriver sur le marché. Pourtant, des constructeurs comme Renault ne sont pas spécialement en retard : ils seront parmi les rares à pouvoir proposer une gamme complète de véhicules électriques ou hybrides. Ils pensent déjà l'automobile comme un système nouveau. Dans ce sens, ils travaillent déjà à imaginer des solutions allant au delà de l'objet « voiture », allant de la trottinette au train. Il est parfaitement concevable d'imaginer que demain, un constructeur comme Renault vous propose aussi bien un billet de train qu'un taxi.

Cette évolution de la perception fantasmée de l'automobile est-elle la même partout ? Les Asiatiques, les Africains, les Américains et les Européens suivent-ils en cela le même chemin ?

Les Indiens et les Chinois sont très présents dans le domaine de l'automobile, notamment électrique.

Ce qui est clair, c'est que le degré de maturité sur la question environnementale n'est pas le même dans les différents pays. Certains marchés seront toujours basés sur des motorisations thermiques tandis que d'autres seront passé à des modèles électriques. Israël, par exemple, a été parmi les premiers à faire une commande de masse à Renault pour des véhicules électriques. Cela veut bien dire que les Européens n'ont pas le monopole de la question environnementale, au contraire. Les Brésiliens ont pris beaucoup d'avance dans ce domaine. Le constructeur nord-américain General Motor a développé des modèles propres qui, s'ils ont été occultés par le lobby pétrolier, ressortiront certainement le moment venu.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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