Comparatifs de prix, guerre des commentaires : comment Internet a bouleversé vos vacances<!-- --> | Atlantico.fr
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Désormais, les vacanciers choisissent leurs voyages et leurs hôtels en ligne en se fiant aux commentaires des internautes…
Désormais, les vacanciers choisissent leurs voyages et leurs hôtels en ligne en se fiant aux commentaires des internautes…
©Reuters

Tourisme 2.0

Les agences de voyages traditionnelles ont perdu leur rôle d'intermédiaires obligés. Désormais, les vacanciers choisissent leurs voyages et leurs hôtels en ligne en se fiant aux commentaires des internautes… Attention danger ?

Jean-Louis Caccomo

Jean-Louis Caccomo

Jean-Louis Caccomo est maître de conférences en sciences économiques à l'Université de Perpignan.

Auteur d'un ouvrage sur le développement des industries numériques aux éditions Les défis économiques de l'information (L'Harmattan,1996) et de L' épopée de l'innovation ? Innovation technologique et évolution économique (L'Harmattan, 2005)

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Atlantico : Les agences de voyages traditionnelles ont perdu leur rôle d'intermédiaires obligés. Désormais, les vacanciers choisissent leurs voyages et leurs hôtels en ligne en se fiant aux commentaires des internautes… En quoi le web a-t-il bouleversé le secteur du tourisme et de l’hôtellerie ?

Jean-Louis Caccomo : Le développement de l’Internet a touché tous les secteurs de l’économie, et le tourisme n’échappe évidemment pas à cette évolution. La révolution de l’information, portée par le développement des technologies de l’information, ne pouvait pas ne pas toucher le tourisme qui est un secteur dans lequel l’information joue un rôle stratégique. Désormais, l’information touristique est directement accessible au consommateur qui peut construire son séjour sans avoir besoin de passer par une agence de voyage. De fait, les agences de voyage ne sont plus l’unique source d’information touristique.

Il existe ainsi des sites généralistes qui offre tout un panel de services permettant de donner son avis sur les hôtels et/ou des lieux, de déposer des photos/vidéos et récits de vacances, donnant accès à des forums, guides de destinations, cartes, blogs, mise en relation des membres, promos, moteur de réservations. Les plus connus sont Virtual Tourist, Real Travel, Vancanceo ou Tripwolf. D’autres sites sont exclusivement des sites d’avis et de notation comme Trip Advisor, Yelp, MytravelGuide, Vinivi ou Easy Opinion.

Les sites permettent de sélectionner les compagnies aériennes. Après ses versions mobilespour iPhone, iPad et Androïd, le comparateur de vols Skyscanner, qui permet la recherche des vols les moins chers parmi des millions de liaisons aériennes auprès de plus d’un millier de compagnies, lance une version dédiée au WindowsPhone. Elle offre également la fonction exclusive « Live Tile », qui permet de suivre l’évolution des tarifs de vols présélectionnés, les prix étant mis à jour toutes les heures. Skyscanner a enregistré 5 millions de téléchargements en seulement 10 mois pour les quatre applications lancées en 2011, soit en moyenne un téléchargement toutes les 5 secondes.

Bien-sûr, les grandes agences de voyage ne sont pas restées inertes face à cette évolution et proposent aussi leurs propres services en ligne. Leur présence sur la toile est indispensable pour s’adapter au nouveau comportement des touristes. Car c’est une tendance de fond. En France, avec 9,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2011, le volume d’affaires des acteurs de ce qu’on appelle l’e-tourisme a augmenté de 12,5 %.1

Et en ces temps de crise, ce mouvement ne peut que se renforcer dans la mesure où le prix reste un critère déterminant de l’achat en ligne de voyage. 50% des internautes déclarent en effet avoir privilégié internet car les prix y étaient plus avantageux.

Cependant, les agences en ligne tirent leur épingle du jeu puisque l’image de marque d’une agence est un élément d’information déterminant pour le touriste. En effet, pour 48,5 % des internautes, la notoriété du voyagiste, puis sa réputation, sont les autres critères de choix, surtout si elle est liée à une expérience personnelle (36% des internautes). Les avis des touristes sur les forums ne sont pas si déterminants, ne comptant que pour 19% d’entre eux.

La pression sur les tarifs est donc un élément crucial, surtout en ces périodes de pouvoir d’achat tendu, mais de nouveaux paramètres plus qualitatifs, comme la confiance dans le voyagiste, s’affirment progressivement.

Les mobiles et les tablettes, et les nouveaux services qu’ils offrent comme la géo-localisation, seront amenés à jouer un rôle grandissant, surtout dans le domaine de l’information touristique. En effet, les attentes des touristes sont multiples. Elles portent tout d’abord sur la possibilité de trouver des restaurants ou des sites à visiter à proximité (87% des internautes). Viennent ensuite, la possibilité d’obtenir des informations sur un monument, un lieu que l’internaute est en train de visiter (79%), la possibilité de recevoir des coupons promotionnels pour les lieux et activités à proximité (77%), et enfin, le conseil sur les itinéraires en fonction de son profil (76%). Grâce à ces nouvelles fonctionnalités, la géo-localisation précise des informations et leur catégorisation fine permettent d’optimiser le séjour des touristes.

Et les grands acteurs de l’informatique ne veulent pas rester à l’écart de ce mouvement. Ainsi, Apple veut bouleverser le domaine du voyage en lançant iTravel, véritable portefeuille digital, qui permettra d’effectuer, depuis son iPhone ou son iPad, des réservations (vol, hôtel, train..), de s’enregistrer aux aéroports, de construire son itinéraire de voyage et de profiter d’offres affinées grâce à la géo-localisation. Et l’entrée annoncée de Google sur le marché de l’e-tourisme va accélérer les changements.

On le voit, le tourisme est un secteur hautement dynamique et en pleine mutation, profitant pleinement de la dynamique internet.

Certains hôteliers se servent-t-ils des commentaires en ligne pour détruire la réputation de leurs concurrents ?

C’est une pratique plutôt rare et qui entraînerait des ripostes nuisibles pour tous les acteurs. Par contre, certains hôteliers n’hésitent pas à produire de « faux commentaires » qui flattent leur propre produit afin de faire grimper leur établissement dans les classements.

Ainsi, un hôtelier situé dans la région des Cornouailles, en Angleterre, aurait offert 10% de rabais aux clients qui acceptaient d’écrire un « avis honnête mais positif » sur son établissement. De la même manière, selon le journal irlandais The Irish Time, un important groupe hôtelier aurait encouragé des dizaines d’employés et de propriétaires d’établissements à formuler des commentaires positifs sur Trip Advisor. De son côté, le magazine Bloomberg Businessweek révélait, en octobre dernier, l’existence d’un véritable marché du « faux avis élogieux », avec des rédacteurs répartis à travers le monde, recrutés sur le web par les entreprises ou par l’intermédiaire des agences.

Pour déjouer les filtres des sites de commentaires, ces fraudeurs utilisent des serveurs informatiques qui ne permettront pas la localisation des auteurs de « faux avis ». On exige également d’eux qu’ils se servent d’une adresse courriel différente pour chacun de leurs envois. On leur demande aussi de faire parvenir ces commentaires à divers moments de la journée, et ce, sur plusieurs semaines. Enfin, des agences offriraient jusqu’à 80$ pour des avis écrits par des utilisateurs qui ont atteint le statut "élite" sur certains sites, signe de crédibilité.

Comment le consommateur peut-il être sûr de la sincérité des commentaires ?

Ces nouveaux outils et ces technologies engendrent en effet de nouveaux comportements d’achat avec les réseaux sociaux ou les blogs qui permettent de partager les expériences, les recommandations et autres avis en ligne. Ainsi,48% des allemands lisent des avis avant de réserver leur séjour (étude Bitkom 2010). C’est un peu moins que pour les français et les anglais (entre 70 et 90 %). 60 % des clients, qui réservent sur le site Venere.com, ont consulté les avis clients et le site de réservation hôtelière a noté une nette amélioration du taux de transformation dès lors que les internautes consultent la page des avis. Les études montrent que la majorité des avis émis sont positifs.

Mais cette tendance a aussi ouvert la voie à un véritable marché des « faux avis ». Cependant, les sites TripAdvisor et Yelp de la toile n’ont pas intérêt à ce que l’on doute de l’honnêteté des avis qu’ils publient. Pour déceler les fraudeurs, ils ont développé des filtres, qui ne sont toutefois pas infaillibles. Des chercheurs de l’Université Cornell ont donc mis au point un système informatique qui, en analysant la sémantique des commentaires, détermine s’il s’agit d’un message véridique ou inventé, avec un taux de réussite de 90%. Selon la firme PhoCusWright, trois personnes sur quatre sont influencées par les commentaires et les photos des autres voyageurs. Un meilleur contrôle de ces publications s’impose donc, et ce, au bénéfice des voyageurs comme des entreprises qui font l’objet de commentaires et des sites Web qui les diffusent.

Au Royaume-Uni, à la suite de nombreuses plaintes concernant des avis mensongers ou diffamatoires, l’Advertising Standards Authority a exigé de TripAdvisor qu’il retire la mention indiquant que les commentaires proviennent de « vrais » voyageurs. La France planche sur une norme nationale qui permettra d’évaluer l’authenticité des commentaires émis. En effet, l’AFNOR compte publier, fin 2012, une norme pour limiter la publicité déguisée et garantir l’authenticité des avis déposés sur les sites spécialisés.

De leur côté, les professionnels s’organisent. Ainsi, Vinivi certifie ses avis voyageurs en prouvant leur provenance. Le groupe AFAT Voyages - Selectour s’est lui aussi organisé pour proposer des avis objectifs aux internautes. Sur Selectour.com et Afat-voyages.fr, les 16 000 avis postés, positifs ou négatifs, le sont par des experts avec lesquels les internautes peuvent facilement entrer en contact. Ces experts sont des agents de voyage qui se basent, pour rédiger leurs commentaires, sur les retours de leurs clients, mais aussi sur leurs propres connaissances des séjours, établissements, croisières ou destinations. Grâce au fonctionnement du réseau AFAT Voyages - Selectour, les agences ne sont tenues à aucunes obligations de remplissage, ce qui garantit leur indépendance.

De telles initiatives devraient permettre aux plateformes d’avis de retrouver l’impartialité et la richesse plébiscitée par les internautes. On le voit, les consommateurs et les entreprises ne sont pas dupes et pour maintenir la crédibilité des sites de commentaires, la chasse aux imposteurs se poursuit, et les outils pour les détecter rendront leurs interventions de plus en plus complexes.

Sur internet, rien ne disparaît. Les commentaires restent, même si la situation de l’hôtel évolue : travaux, changement de propriétaire...

Certes, rien ne disparaît sur la toile mais internet est un outil vivant et dynamique, et l’information évolue. L’information touristique n’échappe pas à cette règle et les commentaires, régulièrement mis à jour, reflètent l’adaptation de l’offre touristique.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

1 « e-tourisme : chiffres clés, stratégie des acteurs et attentes des consommateurs », CCM Benchmark, 2012.

2 Bugnot, Fabrice. «Comment lutter contre les faux avis sur Internet?», L’Écho touristique, 11 février 2011.

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