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"New-York Cannibals" : Là où coule le sang de New-York
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Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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New-York Cannibals

De François Boucq et Jérôme Charyn
Ed. Le Lombard collection Signé, 2020 - 145 p. - 35 €

Recommandation

BonBon

Thème

New-York, 1990. Pavel travaille toujours dans sa petite échoppe de tatoueur située au cœur de New-York… mais il ne met plus ses talents au service de la police pour débusquer les tueurs en série. Azami, sa protégée, a grandi. Culturiste frénétique et sergent du NYPD, elle est aussi respectée et redoutée par ses collègues et camarades d’entraînement masculins que par les voyous de Big Apple.

Rendue stérile par l’abus des stéroïdes et anabolisants, elle rêve de devenir mère. Lors d’une intervention, elle découvre un bébé abandonné dans les poubelles d’une ruelle. Elle décide de l’adopter avec la complicité involontaire de Pavel et de ses collègues transformés en baby-sitters. Elle se trouve ainsi plongée au cœur d’un trafic d’enfants lié à un gang de femmes assoiffées de sang humain. Des fantômes échappés du passé de Pavel au goulag hantent également cette histoire, poussant ce dernier à reprendre du service pour protéger sa tribu.

Points forts

New-York Cannibals est la suite du très remarqué Little Tulip, éd. Le Lombard, 2014, qui nous plongeait au cœur d’une enquête policière très noire entre la Russie du Goulag et les quartiers de New-York. On y retrouve les qualités qui avaient fait le succès du tome précédent : trajectoire du personnage principal, noirceur sans concession de l’intrigue, aller-retours entre le New-York et la Sibérie…

New-York Cannibals est porté par le dessin de François Boucq. Celui-ci possède une capacité particulière à restituer la vibration d’une ville, la tonalité d’une ambiance ou la densité d’une intrigue. Il restitue de façon unique la psychologie des personnages via des rictus en gros plans poussés à la limite de la caricature et de la déformation. Il y a quelque chose de Bacon dans le dessin de Boucq.

Le scenario de New-York Cannibals est baigné par l’univers si caractéristique que Jérôme Charyn construit depuis la parution en 1974 de son premier roman policier Zyeux-bleus. Il y a des intrigues policières dures et violentes ; un amour sans limite de New-York ; des personnages un peu fous, un peu fêlés, un peu bancals et totalement attachants ; des bons non dépourvus de parts d’ombre ; des méchants très méchants et absolument cyniques ; des personnages secondaires magnifiques. Vous ferez ici la connaissance de l’Albatros, improbable acrobate des façades, toits et sous-sols de New-York ; de Mama Paradis, figure maternelle régnant sur la matrice souterraine de la ville tentaculaire ; de Anna La Hyène, monstrueuse rescapée du Goulag venue assouvir ses appétits morbides au sein de la communauté russophone new-yorkaise…

Points faibles

Le dénouement final n’est sans doute pas à la hauteur du crescendo dramatique qui porte l’album. En convoquant des puissances ésotériques surgies de nulle part pour conclure une robuste intrigue policière, les auteurs peuvent donner le sentiment d’avoir eu recours à un tour de passe-passe scénaristique pour conclure une scène finale à très forte intensité, mais dont ils ne savaient pas comment sortir.

En deux mots ...

New-York Cannibals est une invitation à ouvrir la porte de l’univers crée par François Boucq et Jérôme Charyn au long de leur collaboration rythmée par des albums tels que La femme du Magicien, éd. Casterman, 1986 ; Bouche du diable, éd. Casterman, 1990 ; Du ventre de la bête New York, Éditions DS, 1994 ; et Little Tulip, éd. Le Lombard, 2014, qui ouvre le cycle poursuivi avec New-York Cannibals.

New-York Cannibals invite également à partir à la découverte de New-York. Le New-York d’au-delà de Manhattan, des « Five Boroughs », du Queens, de Brooklyn, de Breezy Point ou de Staten Island. Le New-York de quartiers périphériques en perpétuelle ébullition, irrigués par le flux d’une immigration source d’énergie, de diversité ethnique, sociale et culturelle mais également d’exclusion et de tensions sociales.

Lire New-York Cannibals donne aussi envie de (re)voir le diptyque Smoke et Brooklyn Boogie, de Wayne Pang et Paul Auster, sorti en 1995, magnifique déclaration d’amour à la ville New-York d’un autre grand écrivain américain contemporain qui lui a consacré la majeure partie de son œuvre.

Une illustration

L'auteur

Comment résumer en quelques les lignes la carrière d’un auteur aussi prolifique que François Boucq ? Peut-être en donnant quelques repères. 1955 : naissance ; 1974 : début de sa carrière de dessinateur dans Le Point, L'Expansion, Play-Boy ; 1978 : premiers pas en BD dans Pilote ; 1984 : rencontre avec Jerome Charyn ; 1991 : début de la trilogie mystico-fantastique Face de Lune en collaboration avec Alexandro Jodorowsky, éd. Casterman ; 2001 : parution du premier tome de la série western Bouncer, Un diamant pour l'au-delà, toujours avec Alexandro Jodorowsky, éd. Les Humanoïdes Associés… A suivre.

Jérôme Charyn naît en 1937 à New-York d'un père d'origine polonaise et d'une mère d'origine biélorusse. Il grandit dans le Bronx, fait ses études à l'université de Columbia et se lance en littérature dès 1963 tout en enseignant dans des universités américaines prestigieuses. Il publie en 1974 Zyeux-bleus, titre original Blue Eyes, premier volume des aventures du commissaire Isaac Sidel qui en connaitront onze. Cette saga new-yorkaise l’installe comme un maître incontesté du polar. Protéiforme, il écrit également des romans historiques, autobiographiques, de nombreux ouvrages sur l'histoire de New York, des BD, des essais biographiques… En 1986, il reçoit avec François Boucq le prix de la meilleure BD du Festival d'Angoulême pour La Femme du magicien, éd. Casterman, la première de leurs collaborations.

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