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Julie Graziani : "Après une telle crise, l’humanité fera ce qu’elle a toujours fait : elle s’en remettra"
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Entretien Bonnes Feuilles

Julie Graziani publie "Tout le monde peut s’en sortir, Philosophie du rebond" aux Editions de l’Observatoire. Fin de l’État-providence absolu, lutte pour la responsabilité et la solidarité, défense de l’entreprise France sont les maîtres mots de cet essai engagé et incarné, plein de foi en l’avenir de notre pays.

Julie Graziani

Julie Graziani

Julie Graziani est éditorialiste et essayiste. Elle analyse l'actualité politique pour BFM TV et l'émission 28 Minutes sur Arte. Elle a publié "Tout le monde peut s'en sortir" aux Editions de l'Observatoire, un essai consacré à la mobilité sociale. 

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Atlantico.fr : Vous publiez "Tout le monde peut s'en sortir. Philosophie du rebond" aux éditions de L'Observatoire. A travers votre activité auprès des entrepreneurs en difficultés, vous décrivez un appauvrissement de la France. La crise du Covid-19 est venue fragiliser encore plus la situation. Quelles sont les clés et les mesures à prendre, que vous abordez également dans votre livre, qui pourraient permettre de retrouver la voie de la prospérité et la foi en l'avenir de notre pays ?

Julie Graziani : Il y en a trois à mon sens et ce sont justement les mêmes que l’on met en œuvre pour redresser une entreprise. D’abord, il faut assumer de vouloir la prospérité pour soi et pour son pays. Cela suppose que nos représentations collectives cessent de vilipender les catégories aisées à qui sont systématiquement associées des images négatives : ce sont des accapareurs profitant d’une mauvaise répartition des richesses, ou des bourgeois qui ne se sont donnés que la peine de naître, ou encore des égoïstes qui « font passer le profit avant l’humain ». S’enrichir, ce n’est pas perdre son âme. Le faire croire aux gens, c’est disqualifier à l’avance le mal qu’ils se donnent pour gagner mieux leur vie. Ensuite, il faut faire un diagnostic lucide de sa situation : quand une entreprise est en difficulté, ce n’est pas que la faute du banquier qui a coupé les crédits ou des actionnaires qui n’ont pas voulu remettre de l’argent. De même, quand un pays ou un individu est en difficulté, c’est souvent qu’il y a eu des mauvais choix. Il faut les repérer pour rectifier le tir, même si c’est dur à admettre pour son amour propre. Donc, on arrête de s’apitoyer sur son sort en accusant les autres (la finance mondialisée, les immigrés ou que sais-je encore) mais on se demande ce que soi-même on peut faire pour s’adapter au réel. Parfois, c’est aussi simple que changer la formule du brunch quand vous êtes restaurateur. Enfin, il faut mettre en œuvre des changements sélectifs : je suis convaincue que nous ne pourrons pas tout garder dans l’Etat providence, parce que nous n’en avons pas les moyens et qu’il faudra faire des arbitrages. Que veut-on préserver à tout prix et à quoi accepte-t-on de renoncer ?

Atlantico.fr :Quelles sont les clés de la philosophie du rebond ? Comment retrouver le goût du lendemain après une telle crise ? La prise de risque est-elle toujours bonne conseillère ? 

Julie Graziani : Après une telle crise, l’humanité fera ce qu’elle a toujours fait : elle s’en remettra. Parce que le goût de vivre reste le plus fort. La philosophie du rebond commence avec l’acceptation que « le réel, c’est ce qui cogne ». Que la vie soit difficile n’est pas une anomalie. C’est un état de fait et le lot commun pour la quasi-totalité d’entre nous. Quand vous commencez à accepter cela, vous trouvez en vous des ressources pour vous adapter au réel au lieu de rester passif à attendre que le réel s’adapte à vous. Je donne l’exemple d’Aziz dans le livre, un jeune de banlieue, qui rêvait de se faire embaucher chez un artisan joailler. Il a été en bute à des discriminations à l’embauche : évidemment, c’est injuste, mais au lieu de ressasser sa rancœur et d’aller se plaindre à SOS Racisme, Aziz a fait ce qu’il fallait pour prouver aux recruteurs qu’il était digne de confiance. Il adapté sa stratégie à la situation pour atteindre son but : trouver du travail dans le secteur qui le faisait rêver. Et au passage, il a renversé les préjugés d’une manière bien plus efficace et plus solide que si l’entreprise avait fait l’objet de poursuites judiciaires. Parce que bosser avec un jeune issu de l’immigration que vous trouvez formidable tous les jours, cela en fait plus pour l’intégration que toutes les sanctions, amendes et leçons de morale.

Je pense aussi qu’il faut développer une culture de la prise de risque. Il ne s’agit pas de rouler à 250 km/heure avec une bière à la main mais de comprendre que le risque est inséparable du profit, dans tous les sens du terme. « Si vous voulez la sécurité, vous aurez l’échec ». C’est le titre du chapitre 4. Quand j’ai commencé à être connue médiatiquement, beaucoup m’ont dit : « tu prends des risques à te faire remarquer, il y a des gens qui ne voudront pas travailler avec toi à cause de tes prises de positions ». C’est vrai et j’ai sans doute raté des opportunités professionnelles à cause de cela. Mais j’ai aussi eu la chance de faire des rencontres exceptionnelles sur les plateaux télé et le privilège de commenter les évènements qui affectent la vie de mon pays. Et parfois aussi la joie de voir que j’avais gagné la confiance de clients pour prendre soin de leur entreprise en dépit du fait que nous n’étions pas du même bord. A l’arrivée, ma vie est plus riche et plus intéressante. Ne restez pas dans votre zone de confort, tirez quelques cartes au grand jeu de la vie.


Atlantico.fr : La stratégie et la communication du gouvernement sur la crise du Covid-19 ont-elles tendance à rassurer les Français ? Comment le gouvernement pourrait "s'améliorer" pour redonner espoir ? 

Julie Graziani : Mais faut-il absolument rassurer les Français ? L’épidémie est grave, imprévisible dans ses développements et très difficile à maîtriser. C’est comme ça. Quand j’arrive dans une entreprise, les dirigeants hésitent souvent à dire la vérité sur les difficultés à leurs salariés parce qu’ils veulent aussi les rassurer. Sauf que les gens sentent bien que le propos est édulcoré et s’en inquiètent d’autant plus. Je décide toujours au contraire de ne rien dissimuler de la gravité de la situation aux salariés. Je leur présente même le scénario le pire qui pourrait se produire. Puis, je leur dis : « mais voilà ce qui peut marcher ». Et je déroule le plan. Je leur dis que je les tiendrai informés au fur et à mesure : « telle action a réussi, telle autre non, untel nous a mis des bâtons dans les roues, là on y est presque ». Avec cette méthode, j’ai toujours constaté l’adhésion des équipes au projet et une plus grande résilience de leur part devant les imprévus. J’explique dans le chapitre 6 que les hommes politiques gagneraient à considérer les électeurs comme de vrais partenaires qu’il faut convaincre, pas comme de grands enfants qu’il faudrait préserver de l’ingrate réalité.

Atlantico.fr : Quelles pourraient être les pistes du "monde d'après" pour le gouvernement et pour le pays tant sur le plan économique que sanitaire ? 

Julie Graziani : Le concept même de « monde d’après » est une illusion progressiste. Le monde restera ce qu’il a toujours été : un vaste champs de forces en mouvement et souvent en conflit, avec des crises à intervalles réguliers, des guerres, des épidémies, des dépressions économiques. Le vrai progrès à mon sens serait de se débarrasser de cette idée qu’à force de militantisme politique, nous ferons advenir un monde plus juste, et qu’en attendant nous essayons de réparer les dégâts dans la vie des gens. Le vrai progrès serait de travailler à ce que les gens soient plus forts pour affronter les problèmes : mieux formés, mieux éduqués, mieux aguerris. Le chapitre 6 s’appelle : « La vie est un combat, armez-vous ! » J’y explique que le harcèlement au travail ou ailleurs peut être tué dans l’œuf si nos défenses psychiques sont bonnes et que nous apprenons à protester dès le premier comportement déplacé. Le même raisonnement peut s’appliquer dans les autres domaines de la vie. L’idée est d’arrêter de subir et d’être acteur de son destin.

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Extrait du livre de Julie Graziani, "Tout le monde peut s’en sortir, Philosophie du rebond", publié aux Editions de l’Observatoire

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