"Blackbird" de Roger Michell : par le réalisateur de "Coup de foudre à Notting Hill", un drame bouleversant sur les adieux d’une mère à sa famille… Avec une Susan Sarandon au sommet…<!-- --> | Atlantico.fr
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Blackbird Roger Michell Susan Sarandon
Blackbird Roger Michell Susan Sarandon
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Atlanti Culture

"Blackbird" de Roger Michell est sorti dans les salles de cinéma en ce mercredi 23 septembre.

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Blackbird" de Roger Michell

Avec Susan Sarandon, Kate Winslet, Sam Neill...

RECOMMANDATION
En priorité

THEME 
Atteinte d’une maladie dégénérative incurable qui la diminue physiquement chaque jour un peu plus, Lily (Susan Sarandon) a décidé, avec l’accord de Paul, son mari médecin (Sam Neill), de mettre fin à ses jours. Mais avant d’absorber le liquide létal, elle a voulu rassembler sa famille, le temps d’un week-end, pour lui annoncer la nouvelle. Trois générations se retrouvent réunies.  Outre Lily et son époux, il y a leur fille aînée, Jennifer (Kate Winslet), son mari Mickaël et leur fils de quinze ans, Jonathan; également leur cadette, Anna, (Mia Wasikowska), venue avec Chris, sa compagne, et aussi Liz, l’amie de jeunesse de Lily (Lindsay Duncan).

Quand cette dernière annonce sa décision, la fragile harmonie familiale vole en éclats, les reproches fusent, d’anciens non-dits sont révélés, les larmes coulent et les disputes éclatent : Pourquoi Lily veut-elle « partir » maintenant, alors que son état de santé ne paraît pas si alarmant ? Comment l’en empêcher ? Est-ce moralement acceptable ? Nous sommes en automne, mais Lily a décidé qu’elle allait fêter Noël entourée des siens…C’est tour à tour gai et triste, nostalgique et d’aujourd’hui, déchirant et joyeux… comme une vie dans tous ses éclats, mais sous le regard de la camarde.

POINTS FORTS 
Une femme atteinte de la maladie de Charcot, qui convoque les siens pour leur annoncer qu’elle a décidé de mourir et qui va assister, impuissante, aux dégâts et débats que sa décision provoque dans sa famille… Ce « pitch » vous rappelle quelque chose ? Normal. Ce fut, en 2014, celui de Stille Hjerte du danois Bille August. Six ans après, Roger Michell en propose donc un remake. En cette période où le suicide assisté est devenu un sujet majeur dans la plupart des pays occidentaux, ce remake tombe à pic. Si le cinéaste anglais lui  a ajouté une touche anglo-saxonne, il s’est bien gardé de « défigurer » son scénario et il a gardé aux manettes de l’écriture, Christian Torpe, l’auteur de la version originale. La collaboration entre les deux hommes a donné ce film en forme de huis clos, écrit sur le fil de l’émotion, et qui, en même temps qu’il touche, interroge.

L’autre grande réussite de Blackbird est son casting, avec, tout en haut de l’affiche, dans le rôle de Lily, une Susan Sarandon sensationnelle de dignité, de vulnérabilité et de douceur amusée. En filles à la fois révoltées et résignées par la décision de leur mère, Kate Winslet et Mia Wasikowska sont formidables elles aussi.

Belle, grande, moderne, ouverte sur la mer, la maison dans laquelle a été tourné le film ajoute à la séduction de ce dernier. Elle est à la fois le lieu où se déroule le terrible huis clos et celui qui permet de s’en échapper.

POINTS FAIBLES

Aucun.

EN DEUX MOTS
Il faut un sacré doigté et un grand sens de la mesure pour ne pas verser dans le mélo quand on aborde, sur grand écran, un sujet aussi sensible que celui de l’euthanasie et de ses conséquences morales et légales. Mais on connait la finesse de Roger Michell, et sa façon d’aborder les thèmes les plus délicats : frontalement, mais avec ce recul qui évite de tomber dans les ornières du voyeurisme, du pathos et du manichéisme. Dans le genre, Blackbird est un petit chef d’œuvre d’élégance et d’intelligence. Une femme malade veut en finir avec la vie, mais c’est précisément la vie qu’elle va célèbrer, la vie qui, on le sait, oscille sans cesse entre le rire et les larmes.

UN EXTRAIT
« Compte tenu de son sujet, Blackbird aurait pu dégouliner de sentimentalisme et tomber dans le mélo. Avec Roger Michell, nous savions que c’était impossible parce qu’il nous avait dit vouloir privilégier l’approche humaine à travers le personnage de Lily. Il a d’ailleurs fait d’elle un personnage solaire, pudique, élégant et drôle. Oui, drôle. Ce qui n’est pas incompatible avec la volonté de mettre fin à ses souffrances » (Susan Sarandon).

LE REALISATEUR
Né à Pretoria en Afrique du Sud le 5 juin 1956, Roger Michell grandit dans plusieurs pays (le Liban, la Syrie, la Tchécoslovaquie) au gré des postes de son père, diplomate anglais. A l’adolescence il s’installe en Angleterre et commence, dès l’école, à mettre en scène des pièces de théâtre. Devenu professionnel, il travaille pour différents théâtres prestigieux avant de devenir, pendant six ans metteur en scène résident de la Royal Shakespeare Company.

Au début des années 1990, il commence à réaliser des projets pour la télévision et surtout le cinéma, qui devient le centre de son activité artistique. Parmi ses films pour le grand écran, Coup de foudre à Notting Hill (1999), The Mother (2003), My cousin Rachel ( 2017) et …Blackbird.

Très éclectique en ce qui concerne le choix de ses scénarios qui alternent drames et comédies,  ce cinéaste prolifique et respecté par ses pairs pour l’élégance de ses réalisations a été maintes fois récompensé. Il est notamment titulaire de deux Bafta Awards et de deux Empire Awards.

Et aussi

-« ONDINE » DE CHRISTIAN PETZOLD - AVEC PAULA BEER, FRANZ ROGOWSKI, MARYAM ZAREE…

Ondine (Paula Beer) vit à Berlin près de l’Alexanderplatz. Historienne de l’urbanisme, elle mène  en freelance une activité de guide conférencière. Quand elle est larguée par son amant, son univers s’écroule. Elle est rattrapée par le mythe grec ancien selon lequel, si Ondine est quittée par un humain, elle est condamnée à le tuer et à retourner à jamais sous les eaux. Pendant un temps, la jeune femme croit pouvoir échapper à sa malédiction. Elle a rencontré un homme, Christoph, scaphandrier de son métier (Franz Rogowski), avec lequel elle vit une histoire d’une intensité folle. Mais lorsqu’elle recroise un jour par hasard son ancien amoureux, son destin la rattrape : elle ne peut s’empêcher d’accomplir le geste auquel elle était prédestinée…

Le réalisateur allemand Christian Petzold nous avait habitué à des films réalistes, ancrés dans l’histoire (Transit, Phoenix, Barbara), et surprise ! voilà qu’il revisite Ondine, l’un des contes les plus emblématiques de la mythologie grecque, l’un des plus envoûtants aussi. Mais il le fait à sa manière, en arrimant cette histoire d’amour aquatique à notre monde d’aujourd’hui. Réalisé sur le fil du réalisme et de l’onirique, par moments même à l’orée du fantastique, son film fascine, par son élégance, son étrangeté, sa simplicité et sa beauté formelle. Ce sublime mélodrame issu de la nuit des temps est porté aujourd’hui par deux acteurs exceptionnels, le magnétique et sensuel Franz Rogowski et, dans son rôle-titre, par la gracieuse et mystérieuse Paula Beer. Ondine a été primé deux fois au Festival de Berlin. L’une des récompenses est allée au film qui a reçu le Grand Prix de la Critique internationale, l’autre, à son interprète féminine, Paula Beer qui a raflé l’Ours d’Argent de la meilleure actrice. C‘est tout dire.  

Recommandation : excellent

-« ELÉONORE »DE AMRO HAMZAWI- AVEC NORA HAMZAWI, ANDRÉ MARCON, DOMINIQUE RAYMOND…

Eléonore (Nora Hamzaoui) est une jeune parisienne à la fois paumée et indomptable, romanesque et décalée. Entre les petits boulots qu’elle enchaîne le jour, les amants de passage qui meublent ses nuits et les bêtises de son chat qui saccagent son quotidien, elle tente tant bien que mal de devenir écrivain. Las ! Ses textes se font systématiquement « retoquer ». Poussée par une mère  toxique et moralisatrice, et une sœur aussi  intrusive que donneuse de leçons, la jeune femme finit par accepter un poste d’assistante dans une maison d’édition de textes érotiques. Mais malgré sa bonne volonté, il lui est impossible de se couler dans le monde, si structuré, de l’entreprise. Bourdes, gaffes, oublis, retards systématiques… elle accumule tellement de bévues qu’elle pousse à bout la patience goguenarde de son nouveau patron (André Marcon, sensationnel de finesse et d’intelligence). Ce nouvel échec aura du bon : Eléonore va décider, enfin, de s’affranchir du regard de sa famille…

Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, le scénariste Amro Hamzawi (co-auteur de 20 ans d’écart) choisit de se lancer dans une comédie sur les trentenaires qui se cherchent. C’est  une bonne idée: on sent qu’il connaît le sujet comme sa poche. Tant mieux si pour certaines scènes, il pousse les curseurs légèrement au-delà du réalisme, cela apporte un souffle joyeux et fantaisiste à son film dont la tonalité générale est plutôt mélancolique. Pour incarner Eléonore le jeune cinéaste a choisi sa sœur, Nora Hamzawi. Dans ce personnage de fille décalée qui patauge  entre doutes, révoltes et impairs, la comédienne, dont c’est le premier « premier rôle » est merveilleuse de  sensibilité de naturel et d’humour.

Un air de déjà vu, cet  Eléonore? Sans doute, mais son charme est ailleurs, dans sa réalisation et sa photo, très soignées, sa cocasserie et sa légèreté, ses maladresses aussi. Et tant pis si cela peut paraître paradoxal.

Recommandation : bon

-« LES APPARENCES » DE MARC FITOUSSI- AVEC KARIN VIARD, BENJAMIN BIOLAY…

Beaux, riches, reconnus, résidant dans un sublime appartement au cœur de l’une des plus belles villes d’Europe, Vienne, Eve (Karin Viard) et Henri (Benjamin Biolay) ont tout pour être heureux.  Elle, travaille à l’Institut Français et lui, est un chef d’orchestre renommé. Leur vie s’écoule dans le luxe sans fausse note, jusqu’au jour où Karin découvre que son mari la trompe. Prête à tout pour ne pas perdre la face et maintenir les apparences, elle se révèle diabolique. La comédie sociale  bascule dans le thriller, d’autant qu’un homme au profil inquiétant vient s’immiscer dans les démêlés du couple…

Pour son sixième long métrage Marc Fitoussi s’aventure dans l’adaptation, en l’occurrence celui d’un roman suédois de Karin Alvtegen intitulé Trahie. Mais il a pris ses distances avec l’œuvre originale. Il a transposé à Vienne l’action du livre qui se déroule à Stockholm (pour les décors, c’était plus chic !) et sous sa plume de scénariste, le couple « ordinaire » du roman est devenu un couple de grands bourgeois expats (c’était plus inspirant !)…A l’arrivée, cela donne un film malin et vachard qui  tient, à la fois  de Chabrol pour la cruauté de sa peinture sociale, et de Hitchcock, pour la qualité de son intrigue policière. On regrette que dans ce scénario ironique et si bien ancré dans la société d’aujourd’hui, le cinéaste perde par moments le fil de la vraisemblance… Les femmes du film sont épatantes, notamment Pascale Arbillot, qui joue les grandes bourgeoises avec sa sensationnelle aisance, et, bien sûr Karine Viard, qui illumine le rôle d’Eve.

Recommandation : bon

-« STRIPPED » DE YARON SHANI- AVEC LALIV SIVAN, BAR GOTTFRIED, RENI HALABI..

 « Alice et Ziv sont voisins dans un  immeuble de quartier de Tel Aviv. Alice vient de publier un livre particulièrement remarqué. Ziv, plus jeune qu’Alice, est un musicien passionné mal à l’aise dans ses baskets. Alice va lui demander d’être au cœur d’un projet documentaire. Leur rencontre va prendre un tournant inattendu… »

Il ne faut pas toujours se fier au synopsis fourni par le distributeur d’un film, car il arrive que le film en question révèle un univers bien plus complexe qu’annoncé. C’est le cas de Stripped, troisième volet de la trilogie sur l’amour imaginée par le réalisateur israélien Yaron Shani. Si les deux premiers opus, Chained et Beloved (sortis en juillet dernier sur les écrans français) traitaient du thème des rapports homme/femme dans le couple, l’un, du point de vue de l’homme, l’autre, de celui de la femme), Stripped explore, entre autres, les conséquences sur le comportement social et amoureux d’une femme qui a été victime d’un viol et sur ses relations sexuelles à venir.. Comme pour Chained et Beloved , les « héros » du film ne sont pas des acteurs professionnels,  mais des interprètes « occasionnels » qui, pour nourrir le scénario, ont accepté de « jouer » leur vie, et donc de tout dévoiler (ou presque) de leur intimité et de leurs fantasmes, dans des scènes qu’on pourrait classer X si elles n’étaient pas floutées aux « endroits » et « moments » stratégiques. Pourquoi user de ce naturalisme, sans truquage ni doublure ? « Pour l’authenticité, pour la vérité des émotions » explique le réalisateur. Il faut bien avouer que cette méthode fonctionne et qu’on sort bouleversé de ce film, à mi-chemin entre fiction et réalité, presque « expérimental ». Sous la caméra  aïgue de Yaron Shani, la chair est triste et l’être humain (homme ou femme), fragile, inconsolable, déboussolé.  

Recommandation : excellent

-« SING ME A SONG » DE THOMAS BALMÈS- DOCUMENTAIRE

Au début de l’année 2010, le réalisateur français Thomas Balmès était allé filmer dans un monastère perdu des montagnes brumeuses du Bhoutan un petit garçon de 8 ans prénommé  Peyangki, qui n’aspirait qu’à une chose : intégrer ce monastère pour y devenir moine à son tour. Le cinéaste en avait tiré un documentaire, Happiness, qui avait été multi primé.

Dix ans après le réalisateur a eu envie de savoir ce qu’était devenu l’enfant. Il est donc allé le retrouver dans ce monastère perché à 4000m d’altitude… Première surprise, l’endroit qui était coupé du monde s’est connecté au reste du pays, grâce à la construction d’une route et  à l’installation d’un réseau électrique. Autrefois tournés sur la seule méditation, les moines novices sont désormais plus préoccupés par leur téléphone portable et par Internet que par les prières à Bouddha. Peyangki, qui a maintenant 18 ans, ne fait pas exception. S’il récite ses prières, c’est mécaniquement, l’œil rivé sur son portable. Via les réseaux sociaux, il est d’ailleurs tombé amoureux d’une jeune chanteuse qui se produit dans la capitale. Il ne l’a jamais vue ni entendue en vrai, mais il décide pourtant de la rejoindre, avec pour tout viatique, un petit pécule constitué de l’argent récolté de ses cueillettes de plantes médicinales…Quand il arrive à destination, la jeune femme est partie pour l’étranger sans même l’avoir prévenu. Il s’effondre, mais il ne peut faire machine arrière. Se sentant désormais trop loin de Bouddha, il refuse de regagner son monastère.On ne saura rien de plus…

 Même si on s’aperçoit que pour ce volet, le réalisateur a reconstitué de nombreuses scènes - ce qui est contraire aux règles du documentaire-, il est difficile d’échapper au charme, à la sensibilité et à la maîtrise formelle (certains plans sont d’une beauté à couper le souffle) de ce Sing me a song. On est en outre porté par la problématique qu’il soulève à travers la trajectoire de son héros et qui ferait un magnifique sujet de bac philo : En quoi le progrès technologique est-il un bien pour une société dans la mesure où le plus souvent, il s’accompagne, parallèlement, d’une perte de sens des valeurs humaines ?… Si Thomas Balmès ne répond pas à cette question, en tous cas, ici, il la pose d’une façon déchirante.

Recommandation : excellent

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