"Trinity" de Louisa Hall : Oppenheimer éparpillé façon puzzle, un récit kaléidoscopique et intéressant<!-- --> | Atlantico.fr
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Trinity Louisa Hall
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Louisa Hall a publié "Trinity" aux éditions Gallimard.

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Trinity" de Louisa Hall

Traduit par Hélène Papot Editions Gallimard (sortie mars 2020) 331 pages 21 €

RECOMMANDATION 
Bon


THEME
Trinity est le nom donné au premier essai, le 15 juillet 1945, de la bombe atomique fabriquée par les Américains. Elle sera ensuite larguée au-dessus d’Hiroshima et de Nagasaki, causant la mort de 129 000 personnes et mettant fin à la guerre entre les Etats-Unis et le Japon.

Le livre se présente sous la forme de plusieurs témoignages de personnes ayant gravité entre 1943 et 1966 autour de Robert Oppenheimer, le créateur de cette bombe atomique.

Ces différents personnages, tout en racontant leurs histoires personnelles, éclairent sur un mode romanesque les différentes facettes de la personnalité de celui qui avait l’ambition d’engendrer « l’arme qui aurait dû en finir avec toutes les armes ».

POINTS FORTS
Robert Oppenheimer est un personnage de roman. Fils d’un Allemand  installé aux Etats–Unis en 1904, il devient un physicien de renom dans les années 30, ce qui lui vaut, malgré ses sympathies communistes d’être nommé à la tête du projet Manhattan, qui met au point les trois premières bombes atomiques. Il sera dans les années 50 particulièrement visé par le maccarthysme avant d’être réhabilité en 1963 et de s’éteindre en 1967. Une vie aux confins de la science et de la morale qui résume parfaitement les interrogations que la première pose à la seconde.

Comment peut-on créer la bombe atomique et porter la culpabilité d’un tel poids ? Quel rapport entre le savant qui pense que son but est de « savoir » et l’homme qui s’interroge sur l’utilisation de ce savoir ? Comment mêler l’intimité d’un homme, avec ses certitudes et ses doutes, à l’universalité d’une invention comme la bombe atomique qui a contribué à définir un nouvel ordre mondial ?

Par petites touches, le roman éclaire ces questions en donnant la parole à sept contemporains de Robert Oppenheimer qui apportent des éclairages particuliers sur l’homme et le monde dans lequel il a vécu. Louisa Hall, plutôt que de dérouler une biographie classique, aborde son sujet par petites touches impressionnistes, pour en dégager ces fameuses « impressions » qui sont pour les peintres une des multiples représentations de la réalité.

Le roman peut aussi être perçu comme un recueil de nouvelles autour du personnage de Robert Oppenheimer, un exercice de style romanesque, fait d’instantanés qui nous racontent les multiples facettes d’un homme éminemment complexe.

Multipliant les points de vue et les nuances, l’auteur met en lumière la précarité des humains et la fragilité de leurs sentiments face à la puissance destructrice de la bombe atomique.

POINTS FAIBLES
Ce récit kaléidoscopique s’épanouit dans le non-dit autant que dans la révélation des moments choisis pour raconter la vie d’Oppenheimer. Ce qui en fait la force en est également la faiblesse. On découvre une vie et une personnalité tellement riches qu’on en ressort un peu frustré de voir cette grande histoire mélangée à sept petites histoires, plutôt bien tournées, mais qui n’ont ni l’intérêt ni la valeur de la personnalité du créateur de la bombe atomique.

En voulant mettre son sujet en perspective, l’auteur n’y consacre finalement que la moitié de ses pages, mais quelles pages ! Certes une fin habile réunit toutes ces histoires en une seule en confrontant les histoires personnelles à un destin hors normes.

On en ressort avec une formidable envie d’acheter la bio d’Oppenheimer.

EN DEUX MOTS
Oppenheimer pensait que la technologie qui avait permis de créer la bombe devait être partagée avec les Russes afin d’éviter une course à l’armement car on cherche toujours à acquérir ce que l’on n’a pas. Evidemment, la politique a pris le dessus sur la vision de l’homme de science. Hélas.

UN EXTRAIT
« Trinity. Un terme religieux, étrange pour une bombe. Jamais Oppenheimer n’expliquera pourquoi il l’a retenu. Presque deux décennies plus tard, le Général Groves se posera finalement la question et lui demandera, dans une lettre, s’il a choisi ce nom de code parce que des rivières et des montagnes portent ce nom dans cette partie du pays. Oppenheimer répondra : la raison de ce choix n’est pas claire. Il me revient cette citation d’un poème que j’aime, écrit par John Donne peu avant sa mort : comme tout planisphère (et j’en suis un) confond L’Est et l’Ouest, la Mort joint la Résurrection ». (page 201)

« En l’absence d’élément concluant, certains biographes ont suggéré que Oppenheimer avait donné ce nom à l‘essai nucléaire en pensant à Jean qui – d’après ce qu’il disait lui-même de leur relation – avait plusieurs fois failli l’épouser et l’avait grandement influencé ; elle lui avait fait découvrir les poèmes de Donne qu’il citait et s’était suicidée un an et demi avant qu’il programme l’essai ». (page 231)

L'AUTEUR
Louisa Hall est une auteure américaine née en 1982. Elle fût d’abord joueuse de squash professionnelle – médaillée d’or aux Jeux Panaméricains en 2013 – avant de se lancer dans l’écriture. Elle a publié trois autres romans, The Carriage House et Speak, non traduits, et Rêves de machine, en 2015 (2017 pour la traduction française), consacré à la création de l’intelligence artificielle et ses dérives.

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