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"Contre les barbares" de Maurizio Bettini : un roman d’apprentissage bien sombre et trop prévisible malgré des personnages campés avec talent
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Atlanti Culture

Maurizio Bettini a publié "Contre les barbares". Autrefois, raconte Virgile, un homme quitta son pays ravagé par la guerre, fit naufrage en Méditerranée et échoua sur la côte de Carthage.

Jean-Pierre Tirouflet pour Culture-Tops

Jean-Pierre Tirouflet pour Culture-Tops

Jean-Pierre Tirouflet est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Contre les barbares" de Maurizio Bettini

Traduction de l’italien : Madeleine Rousset Grenon, Editions Flammarion collection Champs, 192 pages, 8 €

RECOMMANDATION 
Bon


THEME
Révolté par la manière dont certains gouvernements italiens ont traité les migrants tentant de traverser la Méditerranée, le professeur Bettini, latiniste et helléniste distingué, tente d’établir un parallèle entre la conception des droits de l’homme dans les civilisations grecque et latine et la façon dont ils sont pratiqués aujourd’hui, dans les démocraties occidentales.

POINTS FORTS
En démarrant sa démonstration par l’Enéide, notre auteur pense infliger une leçon d’humanité à ses contemporains : aux ports et aux rivages qui se ferment aux réfugiés d’Afrique et du Moyen Orient, il oppose la terre d’accueil que Carthage a constituée pour Enée et ses compagnons fuyant Troie ravagée par les flammes. Il montre combien le sens de l’hospitalité à l’égard de l‘étranger était une valeur essentielle du monde classique. S’y ajoutent l’obligation de lui offrir pain et eau, de lui indiquer son chemin, et surtout le devoir d’enterrer les morts.

En soulignant ainsi que ce qui est droit, à notre époque, était devoir pour les Anciens, il s’efforce de rechercher quelles sont les racines des droits de l’homme ; en d’autres termes, existerait-il un droit naturel dont seraient issus aussi bien les lois fondamentales des mondes grecs et latins et les droits de l’homme tels qu’ils sont admis au XXIème siècle ? C’est le thème d’Antigone et des lois non écrites (“agrapta onoma“) qui prévalent sur les lois de la Cité.

Monument d’érudition, le professeur nous promène avec délectation dans les méandres des littératures classiques, de Virgile à Sénèque, de Cicéron à Homère, en passant par Plaute, Sophocle ou Euripide. Au demeurant il opère une distinction intéressante entre les auteurs qui donnent une extension universelle et illimité aux “devoirs de l’homme envers l’homme“ et ceux qui, comme Cicéron, y apportent quelques tempéraments. Pour satisfaire à la “modernité“, il oppose même Rome, civilisation ouverte, multiculturelle assumée, aux cités grecques repliées sur leur pré carré.

Tous ceux qui ont la nostalgie des humanités, telles qu’on les pratiquait autrefois, se nourriront de cet ouvrage avec bonheur.

POINTS FAIBLES 
Comparaison n’est pas raison ; notre professeur indigné butte sur quelques menues différences de civilisation entre le monde antique et notre planète sur laquelle se pressent 8 milliards d’êtres humains.

Jugées à l’aune du politiquement correct, il est peu probable que les sociétés romaine et a fortiori grecque passeraient facilement l’examen : inégalités, aristocraties, cruautés, esclavage…

Sur la question de l’esclavage, on le sent gêné, il biaise, tente de démontrer que même les auteurs chrétiens, les pères de l’Eglise, Saint Augustin, s’en sont accommodés.

Quant au déferlement de population allogènes, peut-être aurait–il été mieux inspiré, pour trouver un champ de comparaison plus adéquat, de descendre dans le temps, vers le bas-empire, lorsque les “barbares“, hordes germaniques, Huns… ont franchi le limes, la frontière de l’empire, et s’y sont établis. Puisqu’il cite Saint Augustin, il est dommage qu’il n’ait pas étendu son propos jusqu’au sermon sur la chute de Rome qui aurait pu offrir matière à une réflexion plus complète.

Pourquoi, enfin, donner un titre aussi provocateur à la traduction française de l’ouvrage –les barbares seraient ceux qui ferment leur frontière-, alors que le titre original se lit tout simplement « je suis homme ».

EN DEUX MOTS 
Faut-il tordre le cou à la vérité historique pour entonner un hymne aux droits de l’homme ?

UN EXTRAIT
« Parler d’«étrangers» n’a pas de sens, aucun homme sur terre ne peut se qualifier ainsi. » (page 113)

L'AUTEUR
Maurizio Bettini est professeur à l’université de Sienne. Philologue, anthropologue, grand spécialiste des littératures latine et grecque, il est parfaitement francophone et enseigne à l’école pratique des hautes études et à l’école normale supérieure. Il a publié en 2017 un ouvrage intitulé : « Contre les Racines ».

De ce même auteur, on peut également lire sur le site de Culture Tops la chronique sur son ouvrage  : Superflu et indispensable

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