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"La France à l’envers. La guerre de Vichy (1940-1945)" de Alya Aglan : le régime de Vichy remis à l’endroit et au bon endroit
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Alya Aglan a publié "La France à l’envers. La guerre de Vichy (1940-1945)". "La France qui entre en guerre en 1939 a pour devise Liberté, Égalité, Fraternité. En juillet 1940, un nouveau régime, l'État français, impose à sa place le triptyque Travail, Famille, Patrie".

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

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"La France à l’envers. La guerre de Vichy (1940-1945)" de Alya Aglan

Gallimard, collection « Folio-inédit », 2020, 750 pages, 11,50 €

RECOMMANDATION
En priorité

THEME
 • Quarante ans après la fameuse synthèse de Jean-Pierre Azéma (De Munich à la Libération, 1938-1944, vol. 14 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, paru en 1979) dont elle fut l’élève, Alya Aglan revisite à son tour l’histoire - ô combien sensible et conflictuelle - de la France sous l’Occupation, en plaçant le régime de Vichy – et son projet de renverser les normes de l’ordre républicain établi depuis presqu’un siècle - au cœur du dispositif. 

• Ainsi située, cette France à l’envers offre une vaste perspective. L’ouvrage examine la période, le pays et les protagonistes en les inscrivant dans l’emboîtement singulier et terrible des guerres (mondiale, internationale, et civile) qui faisaient rage alors.

• La France à l’envers envisage la situation et l’évolution géopolitique d’un pays aux prises avec les autres puissances en guerre, la complexité de la Résistance française et des configurations de la collaboration ainsi que la variété du « quotidien extrême » vécu par les Français.

POINTS FORTS
• On sait la question de l’Occupation en général, et du régime de Vichy en particulier, propice à toutes les passions, à tous les dérapages et à toutes les régressions analytiques possibles : les propos d’un pamphlétaire polémico-provocateur ayant un avis sur tout (et surtout un avis) réhabilitant la thèse antédiluvienne du « Vichy-bouclier » (Robert Aron, Histoire de Vichy, 1954) en ont offert un exemple récent. 

• A contrario des instrumentations, des emportements et des jugements faciles, La France à l’envers montre qu'elle peut (et doit) être la fonction sociale de l’historien-ne : mettre à disposition d’un large public les termes des débats savants autour de telle ou telle question, mais aussi proposer une interprétation qui trouve sa force non dans la posture iconoclaste, mais tout simplement en soulevant moins d’objections qu’elle n’embrasse et n’explique de faits établis - pour paraphraser l’une des Leçons sur l’histoire de l’historien Antoine Prost (1996). 

• En l’occurrence, un « citoyen-lecteur » qui chercherait à être au clair et à jour sur la France des « années noires », y trouvera ici son compte : Alya Aglan l’éclaire sur les débats historiographiques (souvent houleux) entourant tel ou tel aspect de la période (ex. : « Un stéréotype saisi par la littérature : l’amour entre occupants et occupés » au chap.. 3) ; son érudition impressionnante et impeccable (cf. l’imposante bibliographie) ne sacrifie jamais à la cuistrerie, mais se place toujours au service de l’administration de la preuve (cf. l’appareil de notes en fin d’ouvrage), démarche si chère à la discipline historique. 

• Ces qualités permettent d’offrir à la fois une synthèse accessible (pas seulement par son prix modique), ambitieuse et un point de vue original (la France a été véritablement « mise à l’envers » : comment y parvenir ? Comment s’y opposer ?) et pertinent. 

• Il s’agit certes d’un ouvrage volumineux (750 pages), mais plutôt un page-turner que l’un de ces pavés qui tombent des mains avant le milieu du gué. En effet, outre les qualités d’écriture de Alya Aglan, son propos, lisible et aéré, est servi par des titres percutants (avec des substantifs en “ion”, tels que « Accélérations », « Configurations », « Inversions »...) et des intertitres toujours judicieux (ex : « Scènes de joie mauvaise ») quand ils ne sont pas délibérément réjouissants (« Melpomène se parfume au mimosa » ; « Histoire d’or »)... 

• Ces qualités facilitent grandement l’accessibilité de cette histoire à un public qui englobe bien sûr les historien-ne-s spécialistes (ou non), les étudiant-e-s, mais s’étend très au-delà.

POINTS FAIBLES
• L’ouvrage manque, sinon d’illustrations (en raison d’un coût prohibitif), du moins d’un appareil cartographique étoffé (c’est d’autant plus dommage que les deux seules proposées p. 99-101, étaient prometteuses), mais c’est un peu le péché mignon des ouvrages d’histoire.

• Il en va de même pour les données statistiques mises en forme par des tableaux ou des graphiques, etc...

EN DEUX MOTS 
Ce page-turner historique limpide nous montre que la France de Vichy est moins une parenthèse ou une exagération qu’une tentative d’inversion des normes en vigueur que notre pays n’avait pas connu depuis la Restauration, et encore...

UN EXTRAIT
«  L’ennemi intime s’ajoute à l’ennemi séculaire dans la combinaison entre guerre mondiale, guerre internationale et guerre interne. À cette échelle peuvent mieux se lire et se comprendre les antagonismes entre Français des années noires... » (p. 20).

L'AUTEUR
• Alya Aglan est professeure d’histoire contemporaine à l’université de la Sorbonne-Paris I. Elle est une référence incontournable pour ce qui a trait à l’histoire de la guerre et de l’Occupation en France, sous ses divers aspects, notamment la Résistance (Libération-Nord ; perception de la temporalité par les résistants) et la politique de persécution (spoliation des biens juifs, dans le cadre de la mission Mattéoli). 

• Elle a dirigé avec Robert Frank l’imposante somme consacrée à La Guerre-monde 1937-1947 (Gallimard Folio-Histoire, 2017), qui témoigne d’un renouvellement de la périodisation et des perspectives en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale ; elle en emprunte à nouveau les directions de manière probante dans le présent ouvrage.

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