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La genèse de Huaweï : comment le génie et les idées de Ren Zhengfei ont révolutionné les télécoms et l'industrie en Chine
©MATTHEW LLOYD / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Vincent Ducrey publie "Un succès nommé Huaweï" (ed. Eyrolles). Après la Silicon Valley américaine, c'est désormais la Chine qui est pourvoyeuse des innovations les plus disruptives. Ce livre retrace le parcours unique de Huaweï qui est en passe de conquérir le monde. Extrait 1/2.

Vincent  Ducrey

Vincent Ducrey

Vincent Ducrey, président du Hub Institute. Auteur primé du Guide de l'influence et du Guide de la transformation digitale. Vincent Ducrey a été conseiller digital du gouvernement français et intervenant à HEC Business School. Il fédère au travers du HUB Institute, think tank digital qu'il a cofondé, une communauté de 30 000 décideurs français et internationaux organisée autour de trois écosystèmes métiers : le digital business, la smart city et l'industrie du futur. Il partage ses analyses dans de nombreux médias et intervient régulièrement dans des congrès internationaux et séminaires d'entreprises.

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Après de longues nuits d’insomnie, une solution se fait petit à petit jour dans l’esprit de Ren Zhengfei. Alors que la Chine est en pleine ouverture économique, il se décide à lancer son activité à 43 ans. C’est un âge déjà avancé pour imaginer une toute nouvelle carrière. Le statut d’entrepreneur reste encore assez marginal, mais il y croit. Fort de son expérience, il rejoint cette nouvelle génération qui émerge. Une génération qui, comme on le disait dans le pays à l’époque, « mange le crabe », c’est-à-dire ose l’aventure nouvelle et risquée de l’entreprise.

L’ancien militaire, toujours à court d’argent, doit d’abord convaincre cinq investisseurs pour réunir les 2 500 € nécessaires à l’enregistrement de sa société. Il la baptise Huawei (华为). Le premier caractère du nom de Huawei en chinois – 华 – est dérivé du mot chinois « fleur », mais fait maintenant souvent référence à « Chine » ou « Chinois ». Le deuxième caractère – 为 – signifie « réussite » ou « action ». Combinés, les deux termes signifient littéralement « réussite chinoise ». Un nom qui lui aurait été inspiré par un slogan patriotique lu un jour sur un mur : « La Chine change la donne. » 

À ses premières heures, son entreprise s’oriente vers l’import-export et sa perspective de gains rapides (il importera même des pilules amaigrissantes). Le marché chinois des télécoms n’en est qu’à ses balbutiements. Le taux d’équipement très faible de la population, de l’ordre de 0,5 %, au 120e rang mondial derrière l’Afrique et d’autres pays sous-développés, laisse augurer une forte demande en infrastructures. Avoir le téléphone constitue un luxe réservé aux classes dirigeantes. Même avec des moyens financiers – il faut compter environ 250 € pour avoir son installation –, les délais très longs peuvent aller de 3 mois à un an pour ouvrir une ligne téléphonique. Certains vont jusqu’à soudoyer les opérateurs en leur offrant des cadeaux pour hâter l’installation. 

Les opérateurs étrangers ont pressenti depuis plusieurs années le potentiel chinois, et dominent largement le marché. Ainsi huit acteurs historiques, pour la plupart centenaires, avancent sur cette terre à conquérir : les Japonais Fujitsu et Nec, le Français Alcatel, le suédois Ericsson, le Belge Bell, l’Allemand Siemens, le Finlandais Nokia et l’Américain AT&T.

En réaction au cartel télécom de l’époque, et attirées par les promesses de ce marché naissant, les entreprises chinoises fleurissent. Pas moins de 400 dans l’industrie des télécoms voient le jour au milieu des années 1980. Parmi elles, trois entreprises se détachent et réussissent à tenir tête aux acteurs internationaux des télécoms : Great Dragon, Datang et ZTE. 

Petit acteur noyé dans cet environnement en pleine ébullition, Huawei fait face dès sa création à une concurrence féroce. Ren Zhengfei se souvient : « J’ai créé Huawei parce que je n’avais pas d’autre choix. Les débuts n’avaient rien de romantiques ni d’extraordinaires. » Au contraire. Les revendeurs d’équipements télécoms comme Huawei sont aussi mal considérés que des vendeurs de porte-à-porte. Il en faut plus à Ren et ses associés pour se décourager. 

Huawei se lance dans la revente de PABX (Private Automatic Branch Exchange), des commutateurs téléphoniques dédiés aux entreprises et aux administrations publiques. Ren Zhengfei trouve un fournisseur-partenaire à Hong-Kong, la Hong-Kong Hongnian Company. Séduit par son projet et sa personnalité, celui-ci accepte de lui vendre son matériel à crédit. 

« Même si 200 autres entreprises proposent  des produits similaires sur le territoire,  ceux de Huawei tirent leur épingle du jeu ».

Entre les commutateurs produits localement et de piètre performance, et ceux plus chers des acteurs étrangers, ceux importés de Hong-Kong proposent un bon compromis. Et assurent une excellente marge à l’entreprise. Les premiers mois d’existence voient donc Huawei s’établir petit à petit auprès d’une clientèle d’hôtels, d’hôpitaux, d’exploitations minières et d’organismes de sécurité publique.

Octobre 1988 : premier pari sur la technologie

Quelques mois après les débuts de Huawei, l’entreprise passe déjà un cap. Les ventes fonctionnant bien, le fournisseur de Hong-Kong peine à honorer toutes les commandes entrantes. Chaque nouvelle livraison est accueillie avec enthousiasme et soulagement par toute l’équipe. Tous se ruent dans le petit entrepôt, Ren Zhengfei en tête, pour déballer les produits. 

Le jeune patron comprend rapidement qu’il ne peut pas continuer ainsi : il faut internaliser la production de PABX. C’est un vrai pari, les quelques ressources de l’entreprise – humaines et financières – sont toutes allouées à ce développement. Les composants sont achetés à des sociétés chinoises, et une petite équipe de six techniciens est recrutée pour mettre au point le premier PABX « Made by Huawei ». 

Dans ces premiers locaux franchement rudimentaires et sous la chaleur suffocante – seuls quelques ventilateurs brassent un peu d’air chaud –, chacun fait de son mieux pour arriver à produire rapidement ce nouveau produit. C’est à cette époque qu’apparaît la « culture du matelas » qui marquera profondément la culture de l’entreprise : tous les employés, et pas seulement le patron, vivent quasiment sur place (voir 8 Actions stratégiques, p. 136). Une anecdote raconte qu’un jour, un fournisseur venu vers midi livrer du matériel, très fatigué, n’a pas résisté à l’appel de l’un des matelas de l’entrepôt. Quand il s’est réveillé de longues minutes plus tard, il a trouvé allongé à quelques mètres de lui le patron de Huawei ! 

« Ce travail acharné et collectif soude  les employés, et Ren Zhengfei entretient  cette dynamique en préparant régulièrement  des soupes de queues de cochon qu’il partage  avec tous lorsque les soirées de travail s’éternisent ».

Les efforts payent, et Huawei sort son premier PABX en fin d’année 1988. Les fonctionnalités sont limitées, mais le BH01 SPC reste un commutateur simple et efficace, bien accueilli par le marché.

Extrait du livre de Vincent Ducrey, "Un succès nommé Huaweï", publié aux éditions Eyrolles. 

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