"Gloria Mundi" de Robert Guédiguian : une histoire sociale et familiale qui a valu à Ariane Ascaride de remporter le prix d'interprétation féminine à Venise <!-- --> | Atlantico.fr
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"Gloria Mundi" de Robert Guédiguian : une histoire sociale et familiale qui a valu à Ariane Ascaride de remporter le prix d'interprétation féminine à Venise
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Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"Gloria Mundi" 

De ROBERT GUÉDIGUIAN
Avec ARIANE ASCARIDE, JEAN-PIERRE DARROUSSIN, GÉRARD MEYLAN, ANAÏS DEMOUSTIER…

RECOMMANDATION
En priorité


THÈME
Comme d’habitude ou presque avec Robert Guédiguian, tout va se passer à Marseille.
Le film débute par la naissance d’une petite fille que ses parents, Matilda  (Anaïs Demoustiers) et Nicolas (Robinson Stévenin) appellent Gloria.

Sylvie, la mère de Matilda (Ariane Ascaride), prévient son ex-mari, Daniel  (Gérard Meylan), qu’il est grand-père. Ce dernier, qui vient de purger une longue peine de prison, revient à Marseille, pour y découvrir une famille (recomposée) qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Sylvie se crève à faire des ménages, son compagnon (Jean-Pierre Darroussin), à conduire un bus, Matilda, à vendre des fringues dans une  boutique où elle est maltraitée. Un coup du sort aussi imprévu que tragique va faire voler en éclat le fragile équilibre familial. Homme de bien mais de malchance, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider…

POINTS FORTS
– Le scénario. Avec Serge Valetti, son complice scénaristique depuis Au fil d’Ariane (2014), Robert Guédiguian a écrit un drame social et familial implacable, ancré dans une réalité qui le désespère : la disparition des valeurs morales des « petites gens », au profit du Dieu « fric » et de ses dérives : l’individualisme, la violence, la perte du sens du collectif  et l’abandon des scrupules. 

– Ce qui émeut, c’est la façon dont, précisément, le cinéaste filme ces « petites gens » : personne d’autre  ne sait, comme lui, rendre palpables leur fragilité, leur désespoir, leurs rêves, leur statut de « perdant ».

– Ce qui impressionne, c’est cette faculté qu’il a, depuis toujours, à rebattre les cartes du même jeu. Le même décor, Marseille, et les déclinaisons infinies de ses quartiers et la même famille d’acteurs qui s’agrandit depuis quelques années et dont il combine les rôles avec la maestria d’un prestidigitateur. Il prend les mêmes, ajoute quelques nouveaux  et c’est une autre histoire avec une impression réconfortante de familiarité! 

– Cette impression est d’autant plus jubilatoire que ses acteurs comptent depuis longtemps parmi les meilleurs du cinéma français. Depuis peu, Anaïs Demoustiers, Robinson Stevenin, Grégoire Leprince-Ringuet, depuis toujours, Gérard Meylan (qu’à quelques furtives exceptions près, on ne voit pourtant que dans ses films), Jean-Pierre Darroussin, et bien sûr, son épouse depuis presque 40 ans, Ariane Ascaride, ici une « mère courage », qui tente désespérément de transmettre ses valeurs à ses enfants.

– La comédienne est ici la messagère de son réalisateur de mari, qui, film après film, nous montre, en dépit des obstacles de toutes sortes, sa vision de la morale et sa beauté.

POINTS FAIBLES
Mise à part une histoire d’amour triangulaire relatée un peu maladroitement – mais elle est…secondaire ! –, aucun.

EN DEUX MOTS 
 Après le sublime La Villa, Robert Guédiguian continue de filmer les défavorisés, mais ici, il le fait sous l’angle de l’exploitation que, pour s’élever dans l’échelle  sociale, certains d’entre eux font subir à leurs semblables, en oubliant les valeurs de partage et d'entraide qui furent celles de leurs parents. De ce point de vue là, Gloria Mundi est sans doute le film le plus mélancolique, le plus déchirant, voire le plus désespéré du cinéaste. Paradoxalement, tourné dans la lumière, si éclatante de Marseille, dans des cadres au style épuré il est pourtant, formellement, l’un de ses plus beaux. Au sommet de son art, bouleversante, humaine, si humaine, Ariane Ascaride, a bien mérité son prix d’interprétation à la Mostra de Venise.

UN EXTRAIT
«J’ai toujours pensé que le cinéma devait nous émouvoir, parfois par l’exemple, pour nous montrer le monde tel qu’il pourrait être, parfois par le constat, pour nous montrer le monde tel qu’il est... Pour faire court, nous avons besoin de comédies et de tragédies à proportions égales pour continuer à nous questionner sur nos modes de vie… pour ne pas succomber à l’illusion que nos sociétés sont naturelles ». (Robert Guédiguian, réalisateur)

LE RÉALISATEUR
Né à Marseille le 3 décembre 1953 d’un père ouvrier électricien d’origine arménienne, Robert Guédiguian se passionne, dès l’enfance, pour le cinéma, et dès l’adolescence, pour la politique. Il n’a que quatorze ans lorsqu’il adhère au Parti communiste français (dont il se démettra en 1980). 

Bien que vivant à Paris depuis 1975 -l’année de sa thèse- où il a désormais sa maison de  production, ce cinéaste a pour particularité de situer (presque) tous ses films dans sa ville natale. Elle lui inspire des histoires fortes, simples, solaires, portées par ces valeurs qu’il na jamais cessé de célébrer depuis ses engagements de jeunesse, à savoir la fraternité  et la solidarité. Autre particularité de ce cinéaste singulier, sa fidélité. Dans presque toutes ses œuvres, on retrouve ses trois comédiens fétiches, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride qu‘il rencontra en 1970 à Aix-en-Provence, épousa quelques années après, et qui est à l’affiche de tous ses films, depuis son premier, Dernier Été (1980), exception faite du Promeneur du Champ de Mars en 2005.

Parmi ses films notables, A la vie, à la mort (1995), Marius et Jeannette (1997), Marie Jo et ses deux amours (2002), Les Neiges du Kilimandjaro (2011), et Une histoire de fou (2015) et La Villa  (2017). Gloria Mundi est son vingt-et-unième long métrage.

ET AUSSI

– « A COUTEAUX TIRÉS » DE RIAN JOHNSON – AVEC DANIEL CRAIG, CHRIS EVANS, ANA DE ARMAS …

 Célébrissime et richissime auteur de polars, Harlan Thrombey est retrouvé mort au lendemain de la fête familiale qu’il a donné dans sa somptueuse propriété pour célébrer ses 85 ans. Benoit Blanc, un détective privé engagé par un mystérieux commanditaire, va mener l’enquête. Entre les membres de la famille qui s’entre-déchire et les deux femmes au service du disparu, Blanc va s’engager dans une investigation labyrinthique, qui enchainera, mensonges, chausse-trappes et rebondissements, jusqu’à un incroyable dénouement… qu’on nous demande expressément en début du film de ne pas dévoiler.

Vous aimez tout à la fois les romans d’Agatha Christie, les films de suspense d’Alfred Hitchock et les narrations à la Christopher Nolan, alors ce polar haletant, ludique et malicieux est pour vous ! Signé de l’américain Rian Johnson (Brick, Une Arnaque presque parfaite, Star Wars : Les Derniers Jedi ),

porté par une mise en scène élégante, à la fois classique et inventive, il bénéficie en plus  d’un casting cinq étoiles. Parmi ses stars, Jamie Lee Curtis, Don Johnson, Chris Evans, Tony Collette, Ana de Armas, avec, tout en haut de cette pyramide prestigieuse, Daniel Craig. Accent du Sud à couper au couteau, maniérisme tordant mais densité et économie de moyens impressionnantes, l’acteur, très loin de son personnage de James Bond compose un inspecteur d’une présence sidérante. Affirmons le sans ambages : A couteaux tirés est le thriller le plus jubilatoire de l’année. Atout supplémentaire : on peut le voir en famille. 

 Recommandation : En priorité.

– « SYMPATHIE POUR LE DIABLE » GUILLAUME DE FONTENAY – AVEC NIELS SCNHEIDER, ELLA RUMPF, VINCENT ROTTIERS…

Sarajevo, novembre 1992, sept mois après le début de ce qui sera le siège le plus long de l’histoire de la guerre moderne (quatre ans) et aussi, un des plus sanglants (plus de 12 000 personnes tuées et plus de 50 000 blessés dans la ville). Le journaliste québécois Paul Marchand nous plonge dans les entrailles de ce conflit fratricide qui se déroula sous le regard impassible de la communauté internationale. Tournant le dos à la neutralité que lui imposerait son statut, il va revendiquer son droit à la compassion pour la ville musulmane encerclée par les Serbes…

Tiré du livre éponyme que le reporter publia en 1997, Sympathie pour le diable est sans aucun doute le film le plus poignant et le plus puissant qui ait jamais été fait sur le siège de Sarajevo. Comme réalisé dans l’urgence il dit tout, ou presque, de l’effarant chaos dans lequel furent plongés les  populations assiégées. Cela avec une efficacité redoutable et sans jamais tirer sur la corde du voyeurisme macabre. Il montre aussi les risques, parfois insensés, que prennent les envoyés spéciaux sur les zones de conflits.

Maîtrisé de bout en bout (cadres, lumière, scénario et dialogues) par le cinéaste Guillaume de Fontenay, porté par des acteurs époustouflants de vérité et de justesse, dont, entre autres, dans le rôle du journaliste, Niels Schneider et dans celui de son photographe Vincent Rottiers, ce film haletant, qui laisse KO debout, avait raflé presque tous les prix au dernier Festival de Saint-Jean-de-Luz : Grand Prix, Prix du Public, Prix d’interprétation masculine, Prix du Public Jeune. Du jamais vu !

Recommandation : excellent.

– « PROXIMA » D’ALICE WINOCOUR – AVEC EVA GREEN, ZÉLIE BOULANT-LESMESLE, MATT DILLON…

Sarah, une astronaute française, s’apprête à partir dans l’espace pour un an. Pour ce vol qu’elle va effectuer en compagnie d’un russe et d’un américain, elle doit se préparer, physiquement et mentalement. Cela va impliquer qu’elle suive un entraînement aussi dur qu’intensif, loin de chez elle, à Star City en Russie (le centre d'entraînement des spationautes russes ), et surtout qu’elle apprenne à supporter moralement cette mission qui va la séparer de Stella, sa petite fille de 8 ans. Une petite fille qui, évidemment ne comprend pas pourquoi elle ne va plus voir sa maman pendant douze longs mois…

Depuis Gravity du mexicain Alfonso Cuarón en 2013, les films bâtis sur ou autour de la conquête spatiale ont été nombreux. Mais Proxima est le premier réalisé par « une » cinéaste, et sur une problématique encore jamais explorée : le combat intérieur d’une femme déchirée entre sa fascination irrépressible pour la conquête spatiale et son attachement  viscéral de mère à sa petite fille si fragile.

Pour son troisième long-métrage, Alice Winocour signe un film passionnant de bout en bout, qui tout en explorant une relation mère-fille émouvante et vraie, dévoile le difficile quotidien des candidats à l’espace. On sent, on voit qu’elle a préparé Proxima jusque dans les moindres détails, avec la rigueur des grands documentaristes et le sens du suspense des grands maîtres du thriller. Derrière la caméra, pour éviter toute bourde scientifique, elle a été accompagnée par Thomas Pesquet. Devant, elle a été soutenue par des interprètes hors pair, dont Matt Dillon, et surtout Eva Green, d’une sobriété impressionnante, magnifique en mère aimante.

Recommandation : excellent.

– «CHANSON DOUCE » DE LUCIE BORLETEAU – AVEC KARIN VIARD, LEÏLA BEKHTI, ANTOINE REINARTZ…

Mère de Mila, 5 ans et de Adam, 11 mois, Myriam, fatiguée de jouer les femmes au foyer, aimerait reprendre son travail d’avocate. Avec son mari, Paul, elle se met en quête d’une nounou. Leur choix se porte finalement sur Louise. Au début tout va bien : Louise se montre dévouée, consciencieuse, si parfaite qu’elle va assez vite occuper une place centrale dans la maison. C’est à partir de là que ses réactions vont devenir inquiétantes, mais pas au point que Myriam et Paul puissent soupçonner la tragédie à venir, le massacre de leurs deux enfants...

Trois ans après la parution de Chanson douce, qui avait valu à son auteure Leïla Slimani le Prix Goncourt en 2016, Lucie Borteleau choisit de porter l’ouvrage au cinéma. Avec ses co-scénaristes, l’acteur Jérémie Elkaïm et la réalisatrice Maiwenn, et contrairement à la romancière qui avait choisi le flash-back, la cinéaste a pris l’ordre chronologique pour raconter ce drame. Astucieuse idée, qui permet à la tension de progresser au fur et à mesure du film jusqu’à son si horrible dénouement. Autres points forts de cette adaptation : une mise en scène précise, des dialogues dépourvus de gras et surtout la présence de Karine Viard, prodigieuse dans son personnage de nounou toxique et meurtrière. La comédienne trouve là l’un des rôles les plus marquants de sa carrière. Elle et ses partenaires Leïla  Bekhti (Myriam) et Antoine Reinartz ( Paul), sont pour beaucoup dans la réussite de ce film.  

Recommandation : excellent.

– « LAST CHRISTMAS » DE PAUL FEIG – EMILIA CLARKE, HENRY GOLDING, MICHELLE YEOH…

D’origine yougoslave, Katarina s’est installée à Londres sous le nom de Kate. Elle voulait être chanteuse, mais un accident a brisé ses rêves. Depuis, salariée dans une boutique de Noël, elle enchaîne, avec autant de gentillesse que de drôlerie, bêtises, échecs et déceptions. Mais un jour elle rencontre Tom. Ce bel et mystérieux inconnu va lui redonner le goût de vivre…

Vous attendiez « la » comédie de Noël ? Même si elle sort le dernier jour de novembre, la voici. Co-écrite par la brillante et malicieuse Emma Thompson (qui s’y est réservée un petit rôle), cette comédie a beaucoup pour plaire : une intrigue à la fois marrante, tendre et romantique, une héroïne délicieuse (Emilia Clarke, la Daenerys de Game of Thrones), un héros à tomber (Henry Golding, un acteur d’origine malaisienne découvert dans Crazy Rich Asians), une mise en scène efficace et une B.O. porté par des tubes du regretté George Michael. Ce film est à l’eau de rose, et alors ? Il y a des amateurs. 

 Recommandation : bon.

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