Atlantico Litterati
Patrick Besson : "J’ai toujours pris Salman Rushdie pour un triste con"
« D’où parlez-vous ?», s’insurge l’écrivain Patrick Besson à propos de ceux qui, dans « Le Monde » ou ailleurs dans le camp du bien, s’indignent de voir le Nobel 2019 attribué à Peter Handke.
Annick Geille
Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate sa vie entre Françoise Sagan et Bernard Frank, elle publia un essai sur les métamorphoses des hommes après le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).
Elle fonda et dirigea vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope et « F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".
Annick Geille remet depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à la littérature et à ceux qui la font : « Litterati ».
Patrick Besson
Patrick Besson est un écrivain et journaliste français.
Annick Geille : Dans « Solderie » (2004 Fayard), vous évoquiez l’écriture de Peter Handke, par exemple dans la « Femme Gauchère ». Pourriez-vous préciser ce qui, en tant qu’écrivain et grand lecteur, vous touche chez Peter Handke ?
Patrick Besson : Le style de Peter est reconnaissable à la première ligne de tous ses textes : profondeur de la pensée et rapidité du style. Il a un sérieux, une gravité qu’allège une ironie coupante comme un couteau de cuisine. C’est l’écrivain du désarroi, du doute, de l’interrogation- et en même temps chacune de ses phrases est lourde de sens.
Dans « Le Monde » et autres medias, certains font le procès du Nobel 2019 pour ses prises de position proserbes. Dans le « Guardian » par exemple, Salman Rushdie l’avait proposé pour le prix du « Crétin International »…Que vous évoquent ces mises à l’index ?
J’ai toujours pris Salman Rushdie pour un triste con sans talent, l’exemple même du faux grand écrivain. Quant à la nullissime Sylvie Matton et l’inénarrable Olivier Py, ils ont commis une tribune vomitive sur Peter dans Le Monde, journal de référence devenu journal de déshérence. L’engagement de Peter en faveur d’un peuple calomnié et martyrisé, les Serbes, me semble l’une des rares preuves de courage qu’a donnée, lors de ces dernières décennies, la confrérie lamentable des écrivains européens.
Certains évoquent même le « Nobel du déshonneur »…
L’honneur n’est pas une qualité artistique, c’est un paravent décoré de fleurs artificielles que brandissent volontiers les lâches, les pourris et les corrompus.
L’artiste doit-il être jugé sur son art ou à l’aune de ses engagements ?
On devrait arrêter de juger les artistes et penser plutôt à les défendre. Et être jugé par qui ? Par ailleurs, on ne s’engage pas, on est engagé par sa colère, son indignation, son chagrin. Il y avait dans les medias européens un tel parti pris antiserbe qu’il était impossible de ne pas réclamer davantage de justice pour les Serbes. Peter l’a fait avec toute la rudesse de son génie, et il en a payé au siècle dernier, le prix qui n’était pas le Nobel. Il est du reste, après Harold Pinter et Dario Fo, le troisième écrivain « proserbe » à être couronné par Stockholm. Ca me laisse un peu d’espoir.
Toute grande œuvre est le fruit d’une humilité profonde, disait Valery Larbaud dans ses chroniques sur le roman. Et selon vous, Patrick Besson, qu’est-ce qu’une grande œuvre ?
Votre ami Bernard Frank se moquait volontiers de ce concept nébuleux qu’on appelle « le grand écrivain ». La plupart d’entre eux sont enfermés, tels des pharaons embaumés, dans le sarcophage de leur célébrité mondiale. Quiconque a commencé un jour un roman sait trop à quel point il est déjà difficile d’être un écrivain.
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