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Soubresauts, horreurs et beauté du monde à Saint-Jean de Luz
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7ème art

Grand choc de la compétition, réalisé par le « primo réalisateur » québécois Guillaume de Fontenay, Symphonie pour le Diable rafle la mise... Ainsi se termine la sixième édition du festival du film international de Saint-Jean de Luz, l'occasion d'en faire un bilan.

Dominique Poncet

Dominique Poncet

Dominique Poncet est est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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Clap de fin hier soir pour le sixième Festival du Film International de Saint-Jean-de-Luz qui, sans compter de nombreux films en avant-première, mettait en compétition dix longs métrages et huit courts, venus du monde entier, qui avaient tous comme particularité d’avoir été réalisés par des cinéastes dont c’était le premier ou le deuxième film.

Si, certaines années, le jury peine à départager les lauréats, celui de cette édition, placé sous la présidence bienveillante et avisée de la cinéaste Catherine Corsini (Un amour Impossible) a plébiscité d’une seule et même voix Symphonie pour le Diable du cinéaste québécois, Guillaume de  Fontenay. Il faut dire que ce film, adapté du livre éponyme du journaliste canadien Paul Marchand sur son expérience de correspondant de guerre pendant le siège de Sarajevo, aura été le choc de ce festival. En 1h42 d’une intensité folle, non seulement il décrit, sans aucun relâchement, les horreurs de ce siège mais il donne en plus à comprendre ses enjeux politiques, intimes et ethniques. C’est à la fois bouleversant, édifiant et bluffant de vérité. Tout a été reconstitué et pourtant, ce film en forme de chronique a la force d’un documentaire. Un documentaire qui aurait été  réalisé dans l’urgence par ce témoin privilégié que fut Paul Marchand, à l’époque, figure majeure du reportage de guerre. Un homme à la fois révolté et romantique, pressé et scrupuleux, taiseux et grande gueule, et, en l’occurrence, dans cette mission, désespéré du désintérêt des autorités internationales pour le conflit de Sarajevo.

Cadrages magnifiques, montage d’une précision chirurgicale, image à la fois sépia et granuleuse, ambiance sonore qui fait imaginer le hors-champ… Symphonie pour le Diable est en son genre un petit chef d’œuvre dont on sort d’autant moins indemne qu’il est porté, dans le rôle de son témoin récitant, par un Niels Schneider à la fois tendu, fiévreux et électrique, habité comme jamais, et dans celui de son photographe, par un Vincent Rottiers exceptionnel lui aussi de sincérité et de vivacité.

En une mise, Symphonie pour le diable a réussi rafler le Grand Prix, le Prix du Jury Jeunes, le Prix du Public et le Prix de l’interprétation masculine pour  Niels Schneider. Quatre trophées pour une seule œuvre… Dans l’histoire du Festival de Saint-Jean-de-Luz, cela ne s’était jamais vu !  Belle reconnaissance pour un film qui fut porté pendant quatorze ans par son réalisateur (sortie en salles le 27 novembre prochain).

Autre long métrage récompensé hier soir, La Nuit venue. Dû lui aussi à un « primo-réalisateur », le français Frédéric Farrucci, il s’agit d’un film noir sur une des mafias les plus discrètes et les plus impitoyables de Paris. Dans un Paris nocturne et interlope splendidement filmé, il raconte les déambulations  de Jin, un jeune immigré sans papiers que la mafia chinoise oblige à conduire, sous haute surveillance, un VTC équipé de fausses plaques d’immatriculation. Cela, en remboursement d’une dette. Une nuit, la route de Jin va croiser celle de Naomi, une call girl envoûtante. Un drame mettra fin, brutalement, à leur cavale… Porté par deux acteurs formidables d’intensité, de sensualité et d’abandon, Guang Huo (un néophyte !) et Camélia Jordana, (dont on n’a pas fini de célébrer les talents d’actrice) La Nuit venue a très justement obtenu le Prix de la Mise en Scène, et aussi celui, tout nouveau, de la Musique Originale, récompensant ainsi le musicien électro Rone, dont la partition, à la fois douce et obsédante ajoute encore à l’atmosphère envoûtante de ce très beau  film. (Sortie en salles début 2020).

Made in Bengladesh de Rubaiyat Hossain avait ouvert la compétition, mais malgré la force des films qui ont suivi, aucune autre actrice n’a pu faire oublier aux jurés la subtilité de l’interprétation de Rikita Shimu. La jeune comédienne joue, avec un entêtement tranquille, l’ouvrière maltraitée d’une fabrique de vêtements qui va réussir à faire trembler sa direction en montant un syndicat. (Sortie en salles le 4 décembre 2019).

Arrivé in extrémis dans la compétition, Noura rêve de Hinde Boujemaa, le drame d’une femme mariée dans une Tunisie macho et rétrograde, est reparti avec une mention spéciale pour sa comédienne principale, Hend Sabri.

Si Symphonie pour le diable n’avait pas suscité un tel raz de marée, d’autres films auraient mérité de figurer au palmarès. Notamment Jeunesse sauvage du français Frédéric Carpentier, pour son portrait, à la fois si solaire et si réaliste, de la jeunesse vaurienne des villes portuaires du Sud. (Sortie début 2020). Notamment aussi, Freedom de l’australien Rodd Rathjen, qui dénonce les trafics de migrants en Asie. Avec une économie de moyens exceptionnelle, un scénario imparable et un sens du cadre étonnant, ce film retrace l’histoire d’un jeune garçon de quatorze ans qui  s’étant enfui de son Cambodge natal dans l’espoir de mieux gagner sa vie, va se retrouver sur le bateau d’un esclavagiste. Ce film est d’autant plus édifiant qu’on estime à 200 OOO le nombre de personnes subissant ce genre d’existence de misère.

Pour la sixième année consécutive, le Festival du Film International de Saint-Jean-de-Luz placé sous la  sagace direction artistique de Patrick Fabre-Cat a réussi son pari : nous faire découvrir, en six jours, sur un même écran, grâce aux regards aiguisés de dix cinéastes d’horizons différents,  les soubresauts, les horreurs et les beautés du monde.

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