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Fleurs de légion : le difficile cheminement d'un jeune soldat dans la légion étrangère
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Critique

Ce roman d'initiation de Stéphane Giocanti rend hommage à la Légion avec brio.

Alice Ruffi

Alice Ruffi

Alice Ruffi, issue d’une famille d’amateurs d’art, est une lectrice passionnée de tous ces auteurs « irréguliers » d’hier et d’aujourd’hui, dont l’écriture nous éclaire et nous transforme.

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Force est de constater que dans notre société la figure du soldat est tombée en désuétude, subissant le même sort que celle du prêtre. Jadis objet d’admiration et de respect pour son dévouement à la Nation, le soldat a perdu de son aura. Son caractère héroïque n’est plus magnifié. Ni son esprit du sacrifice, ni le port de l’uniforme, ne représentent de nos jours, des valeurs reconnues de tous. Dans son Soldat impossible publié en 2014, Robert Redeker mène une analyse approfondie de l’origine de cet effacement de notre existence et de notre imaginaire. La cause plus manifeste étant son basculement dans l’impensable comme la guerre elle-même que nos sociétés pacifistes ne peuvent concevoir qu’ailleurs, loin de nos frontières. Et l’on assiste à un phénomène de désacralisation des fêtes nationales dans le sillon des religieuses qui dénote une indifférence croissante vis à vis de la chose militaire.

Défiant ce désamour à l’encontre du soldat, Fleurs de Légion raconte le difficile cheminement d’un « engagé volontaire » dans son parcours d’intégration à une des armées d’élite parmi les plus réputées. Sa singularité rend sa quête « d’une conjonction entre l’idéal militaire et l’idéal amoureux », plus ardue. Originaire de Nijni-Novgorod, ville natale de Maxime Gorki, Nikita découvre son inclination pour les garçons dès l’école primaire, cultivant pendant des années un amour impossible. Après avoir brillamment obtenu un diplôme universitaire en littérature française, le jeune Russe aspire à enseigner le français. Mails il devient rapidement la cible de discriminations. Bien que le militantisme « LGBT » soit mis à dure épreuve dans son pays, il n’y adhère pas, le considérant étranger à sa culture. Exhorté par ses amis, Nikita intègre le corps des fusiliers-marins à Saint-Petersbourg afin de s’éloigner d’une famille qui le rejette et d’un milieu universitaire qui finira par l’exclure. Or il est brutalement renvoyé malgré une loi autorisant les personnes homosexuelles à faire partie de l’armée russe. La Légion étrangère se présente alors comme le seul lieu de liberté lui permettant de concilier son orientation sexuelle avec son patriotisme. La France, Patrie d’adoption, semble lui accorder enfin cette possibilité. Pourtant sa vocation de soldat ne s’accomplit pas sans contradictions, ni entraves. Dès son arrivée à la caserne, il est la cible de violences d’une partie des recrues. Mais surtout, il est écartelé par l’incompatibilité entre son amour de Dieu et la nécessité de tuer. Ce sera l’amour, qui débute plus tôt qu’il ne l’imagine, à rendre réalisables ses aspirations profondes.

Avec subtilité, déjouant tout cliché et ne cédant à aucune mode, Stéphane Giocanti rend hommage à la Légion étrangère avec une reconstitution saisissante du quotidien d’un centre de recrutement et de formation de futurs légionnaires, et aborde sans tabou le thème de l’homosexualité. Et par sa dimension hautement épique, Fleurs de Légion est un véritable roman d’initiation - ne nécessitant aucune préface pour l’attester - qui ravive une certaine « mystique du métier militaire » que célébrait Paul Bourget dans son introduction au Voyage du Centurion d’Ernest Psichari. Petit-fils d’Ernest Renan, tombé au champ d’honneur dès le mois d’août 1914, cet admirateur de Charles Péguy avait déjà loué dans L’Appel aux armes, son premier roman publié en 1912, la vertu qui réside dans le métier du soldat. Son acceptation du sacrifice lui donnant accès à une liberté plus haute tout en lui accordant une gloire éternelle. 

Rythmé par des flashbacks dignes d’un grand scénario, Fleurs de Légion nous invite à prendre part au pèlerinage à la fois géographique et intérieur de son héros, à travers la Russie, la France, l’Afrique mais également le Japon, dont l’auteur est un grand et fin connaisseur. 

Stéphane Giocanti, Fleurs de Légion, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2019, pp. 255, 20 euros

















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