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"Né d’aucune femme" de Franck Bouysse : attachez vos ceintures! Très sombre mais très beau
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Atlanti-Culture

Agnès Delaunay pour Culture Tops

Agnès Delaunay pour Culture Tops

Agnès Delaunay est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE

Né d’aucune femme

De Franck Bouysse

Ed. La Manufacture de livres

336 pages

20,90 €

RECOMMANDATION

           EXCELLENT

THÈME

Rose, fille aînée d’une famille de paysans pauvres dans Les Landes, est vendue au moment de ses quatorze ans par son père à un riche propriétaire terrien, prisonnière malgré elle de déterminismes qui servent à la fois de prétexte à la domination et à la violation de sa dignité de jeune fille.

Dans ce roman, où plusieurs personnages endossent le rôle de narrateur au fil des chapitres, un prêtre, qui est alors au début de son sacerdoce, découvre un jour cette histoire effroyable, retranscrite sur des cahiers. Idéaliste et bien intentionné, le prêtre commence à douter de lui-même quand il devient témoin du génie du mal à l’œuvre et de l’effet de contagion qu’entraîne la douleur des hommes, prêts à commettre les pires ignominies pour combler leurs échecs et priver leurs semblables d’un destin libre.

Quelle liberté peut-il alors rester à Rose, livrée à des êtres décidés à lui faire du mal à tout prix ? C’est dans les interstices de son existence d’esclave que Rose, mue par une force intérieure supérieure au désespoir, parvient à vivre des moments de liberté qui résonnent comme de longs intervalles de grâce et de sublime. En passant du statut de jeune fille à celui de femme, Rose fait malgré sa condition d’asservissement l’expérience salutaire de l’amour, allant de la légèreté sensuelle à la maternité. 

POINTS FORTS

  • Avec un style poétique, Franck Bouysse fait surgir de nouveaux mondes à partir d’un rien, que ce soit dans la description d’un décor naturel, des émotions d’un personnage ou d’un simple geste. Il y a un hommage à la nature récurrent dans les romans de Bouysse et celui-ci n’échappe pas à la règle.
  • L’ambivalence du monde de Rose, le contraste entre sublime et horreur échelonnent magnifiquement le récit.
  • L’intrigue, singulière et non linéaire, est aussi finement élaborée.

POINTS FAIBLES

Je n’en vois pas

UN EXTRAIT

Ou plutôt cinq:

« Faut-il vieillir pour voir grandir le doute de n’avoir pas été à la hauteur de ma mission ?

Vieillir, est-ce la seule façon d’éprouver durablement la foi ? »

« J’ai appris que seules les questions importent, que les réponses ne sont que des certitudes mises à mal par le temps qui passe, que les questions sont du ressort de l’âme, et les réponses du ressort de la chair périssable. J’ai appris que chaque histoire est grande de son propre mystère, surtout lorsqu’elle dérive vers la douleur, et que l’on aura moins à souffrir auprès de Dieu, qu’il s’en porte garant. J’ai voulu repousser ma douleur pour mieux éprouver celle des autres. Il aura suffi de la souffrance d’une femme. »

« Il est bien plus charitable de pardonner l’homme balloté par le malheur que de courtiser celui qui par la naissance et la fortune en est préservé. La vertu sans mérite n’est rien d’autre qu’un déguisement de carnaval. »

« On ne tient pas rigueur à Dieu de ses manquements, seuls les échecs des hommes demeurent visibles. »

« J’en voulais à mon père, et aussi à ma mère. Je les maudissais de m’avoir fait naître, vu que tout ce qu’ils avaient à m’offrir, c’était d’être l’esclave de gens qui m’étaient rien et qui avaient tout l’air de vouloir m’en faire baver. »

EN DEUX MOTS

Un roman à la fois époustouflant et révoltant; en résumé, captivant. L’histoire interroge notre capacité d’agir quand la liberté semble prise en étau par la machine cruelle du destin, décidée par d’autres. Pour les âmes ultrasensibles, il faut parfois interrompre la lecture du récit et reprendre son souffle avant de poursuivre.

L’AUTEUR

Né le 5 septembre 1965 à Brive-la-Gaillarde, Franck Bouysse, passionné par la terre et l’élevage des bêtes, a enseigné la biologie et l’horticulture avant de se consacrer à l’écriture. En 2014, un an après avoir déniché une maison en Corrèze, à quelques kilomètres des lieux de son enfance, il a publié « Grossir le ciel », qui sera suivi de « Plateau » (2016) et de « Glaise » (2017).

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