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"Why?": le cygne nous devait un meilleur chant
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Peter Brook a fait beaucoup, beaucoup mieux que ce "Why?".

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann pour Culture-Tops

Jean Ruhlmann d’abord professeur d’histoire en collège, est actuellement enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Lille – Charles de Gaulle. Le théâtre est une passion qui remonte à sa découverte du Festival d’Avignon ; il s’intéresse également aux séries télévisées. Il est, avec Charles Edouard Aubry, co-animateur de la rubrique théâtre et membre du Comité Editorial de Culture-Tops.

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RECOMMANDATION

A la rigueur
Peut-on dire autre chose que beaucoup de bien du "testament" présumé d'une des plus grandes figures du théâtre contemporain? Grave question. A Culture-Tops, nous osons: Peter Brook a fait beaucoup, beaucoup mieux que ce "Why?".

THÈME

« Why ? » : telle est la question posée par Dieu lui-même à propos du théâtre nous dit Peter Brook. Pour tenter d'y répondre, la pièce met en scène deux comédiennes et un comédien qui vont s'exécuter en deux temps.
• La première partie du spectacle, parfois légère, pose les jalons et les grandes questions qui parcourent cet art depuis ses origines (de la loi des espacements de Jo-Hu-Kyu à la méthode Stanislavski), avec des moments comiques (démonstration sollicitant le public sur la variété des points de vue ; affres du comédien n'ayant qu'une réplique et pas de nom propre...), et des interrogations sur les rapports public-comédiens, la singularité du comédien, les fonctions du théâtre etc...
• La seconde partie est plus grave, qui nous propose une réponse au "Why ?" initial en prouvant la nécessité de cet art par la gravité des rapports qu'il entretient avec la politique - en l'occurrence la Révolution bolchévique et surtout son dévoiement – et par le truchement des tragiques démêlés du couple Meyerhold-Raijkh avec le pouvoir stalinien.

POINTS FORTS

La représentation permet d'admirer la palette de cette singulière comédienne qu'est Kathryn Hunter, dont la présence, le timbre et les qualités d'interprétation forcent l'admiration.
Les deux temps assez distincts de la pièce donnent à voir des facettes assez différentes du théâtre : à une première partie assez ludique et expérimentale succède une seconde partie tragique et plus engagée.

POINTS FAIBLES

Face à un monstre sacré du théâtre contemporain comme Peter Brook, plusieurs attitudes sont possibles : les "fans" absolus n'envisagent pas un instant qu'une proposition du Maître puisse être mise en question ; les "pseudo-initiés", de peur de "passer à côté" ou de "ne pas en être", vont se ranger aux côtés des premiers, de sorte qu'on les entend rire d'un air entendu et complice au moindre trait d'esprit du texte, fut-il d'une ironie assez plate, volontaire ou non ; les humbles et les modestes, écrasés par la réputation du metteur en scène, n'oseront pas trop exprimer un avis critique ; enfin, il y a ceux qui entendent « appeler un chat un chat », auxquels s'ajoutent ceux qui aiment qu'on le fasse...
De ce point de vue, la pièce qui nous est proposée présente de sérieuses faiblesses. Certes, le spectacle n'est pas médiocre et donne souvent à réfléchir. Mais n'est-on pas est en droit de demander plus à Peter Brook ?
D'abord son dispositif habituel est-il de rigueur ou à bout de souffle ? L'économie de moyens (porte-manteaux, chaises de bureau, pupitres) et l'uniformité vestimentaire (tenue noire) - caractéristiques de sa théorie de « l'espace vide » - sont-elles adaptées en toute circonstance ou deviennent-elles une sorte de pétition de principe et de signature, bref un gimmick assez artificiel ?
En second lieu se pose un problème de contenu et de mise en scène :
- la première partie vire parfois au précis illustré des grandes théories sur le théâtre : dans ce traité succinct, divers exercices d'application se mêlent à des sentences édifiantes du type « Ne pas s'oublier soi-même », ou encore «  Il y a trois vérités : ma vérité ; votre vérité et LA vérité. » ...
- mais le plus dérangeant accompagne l'évocation du destin tragique du théoricien du « théâtre total », broyé avec sa compagne la comédienne Zinaïda Raijkh. Tout effort de mise en scène semble alors s'effacer  devant les malheurs (bien réels) du couple, de sorte que les comédiens terminent le spectacle en récitant, texte en main et assis sur leur chaise, la chronique des aveux puis des rétractations de Meyerhold...
Cela pourrait passer s'il s'agissait d'une découverte, mais en l'occurrence, les mécanismes, les falsifications et les ravages des procès staliniens étant bien connus de tous, on se demande bien pourquoi ils seraient à ce point dépourvus de mise en scène...

EN DEUX MOTS ...

Un énième panorama des théories et des fonctions du théâtre ? Une nouvelle dénonciation des horreurs du système stalinien ? Bref, on peut se poser la question suivante : why « Why ? ».

UN EXTRAIT

« Le théâtre, c'est une arme très dangereuse. » (Vsevolod Meyerhold)

L'AUTEUR

On ne compte plus les réalisations de Peter Brook (1925 - ) au théâtre, au cinéma et à l'opéra. Ce pilier de la Royal Shakespeare Company, fondateur du Centre national des créations théâtrales, depuis la création des Bouffes du Nord a multiplié les productions à succès, tout en innovant par des ruptures avec les conventions théâtrales en vigueur, de Timon d'Athènes (1974) à The Prisoner (2018), en passant par La conférence des oiseaux (1979) et, bien sûr, Le Mahabharata (1985).
Il s'associe, pour l'écriture et la mise en scène de ce spectacle, à Marie-Hélène Estienne, son ancienne assistante devenue sa collaboratrice.  

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