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Commerce en ligne : souffrez-vous vous aussi de l’angoisse du choix ?
©Reuters

Problèmes de riche

Depuis plusieurs années, le succès d'Amazon a poussé des détaillants tels que Walmart et Target à proposer encore plus de produits, notamment en ligne, et à les acheminer encore plus rapidement aux acheteurs. Néanmoins, les achats en ligne ont créé un sentiment d'angoisse chez les consommateurs noyés devant la variété infinie des choix.

Maria   Mercanti-Guérin

Maria Mercanti-Guérin

Maria Mercanti-Guérin est maître de conférences au conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et enseignant-chercheur en marketing. Elle travaille sur la créativité publicitaire, les réseaux sociaux et toutes les nouvelles formes de communication qui rapprochent les consommateurs et les marques.

 

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Atlantico : D'après une étude de référence menée par Sheena Iyengar, professeur d’affaires à l’Université de Columbia et auteur de « The Art of Choosing », l'excès de choix est source de paralysie et d'angoisse chez le consommateur. Quelles sont les causes de ce phénomène ?

Maria Mercanti-Guérin : Cette angoisse devant la consommation est assez paradoxale dans la mesure où les ventes en ligne sont très aidées par des algorithmes qui aident à faire des choix. Si l'on parle uniquement du web, il existe des algorithmes de recommandation qui se fondent sur vos choix précédents, votre navigation, des avis des consommateurs qui permettent de se faire une idée. Il y a une véritable adaptation aux mots-clés, les moteurs de recherche ont fait beaucoup de progrès en termes d'analyse sémantique etc. Il y a bien une multitude de choix, mais le consommateur est tellement accompagné qu'il devrait, en théorie, être difficilement paralysé par le choix.

En pratique, il peut y avoir des conflits de toutes ces techniques : dans un rayon de magasin, on est attiré par le packaging, le prix, et on ne choisit donc pas comme sur internet. Beaucoup d'études ont été menées sur les modèles multichoix, où l'on voit que dans des modèles multichoix on prend en compte le prix, la marque, la qualité du produit, le fait qu'il soit disponible ou pas. Il y a donc beaucoup de critères. Sur internet, il faut relire ces modèles multichoix à la lumière d'un autre acteur : la plateforme. Cette dernière n'est pas un rayon de supermarché : elle est là pour aider le consommateur par rapport taux mots-clés qu'il a tapés, se base sur les navigations précédentes. Derrière, elle met des produits en avant parce qu'elle a des accords très clairs avec certains producteurs, qu'on appelle partenaires. Là-dessus, ce qui peut perturber le consommateur, c'est qu'il a conscience d'être moins libre de ces choix que dans un magasin. On reproche à Facebook l'abus de filtres, qui font qu'on voit toujours les mêmes contenus qui défilent et qui enferment le navigateur dans ce que l'algorithme décide : c'est la même chose pour la consommation en ligne. Le consommateur a l'impression d'être face à de multiples produits qu'il ne voit pas, avec des recommandations qui sont parfois sujet à caution, des algorithmes qui l'enferment dans un type de produits. Dès lors qu'il commence à appréhender ces mécaniques-là, il est perturbé dans son choix de consommation.

Certaines entreprises telles que Casper (matelas), Glossier (maquillage) ou Away (valises) ont décidé de réduire le panel de biens et de proposer quelques options esthétiques et supposées très fonctionnelles, généralement à des prix moyens. Est-ce une stratégie marketing pertinente ?

Ces stratégies sont intéressantes dans la mesure où elles prennent le contre-pied de ce qu'a toujours fait le web. Le succès d'Amazon, par exemple, repose sur la "longue traîne" : 20% des produits représentent 80% du chiffre d'affaire et 80% des produits représentent 20% du chiffre d'affaire. Là où Amazon a fait fort, c'est que le groupe a profité du fait qu'il s'agit d'une place de marché et a proposé les produits du monde entier avec une palette de choix très étendue. Le web s'est construit là-dessus. Normalement, on revient ensuite en arrière en maîtrisant davantage les nombreux produits mis en ligne. Dans un souci de rentabilité, un distributeur comme Walmart a des coûts beaucoup plus élevés contrairement à une place de marché comme Amazon : il lui est donc capital de nettoyer son portefeuille-produit sachant que les marques elles-mêmes nettoient leur portefeuille-produit. Peu à peu, les entreprises ne font plus de longue traîne et se focalisent sur les produits qui rapportent et sur lesquels elles ont une assurance qualité forte, qui seront donc choisis comme des produits-star. On retrouve donc dans des entreprises cette stratégie de marketing. Finalement, le web est rattrapé par les bonnes règles d'une distribution raisonnable.

Afin de répondre à ces angoisses, les consommateurs (notamment les plus jeunes) n'hésitent pas à suivre des influenceurs de style sur les réseaux sociaux (Instagram en particulier) et délèguent donc leurs choix de consommation à un tiers. Y a-t-il un business viable dans l'aide à la consommation ?

En Chine, ces influenceurs s'appellent des Kol (Key Opinion Leader). Il s'agit d'influenceurs homme ou femme qui ouvrent leur propre boutique en ligne. Ils ne se contentent donc plus d'être influenceurs sur les réseaux sociaux : ils ont des partenariats avec des marques et ouvrent leur propre boutique afin de proposer dans leur environnement, dans leur écosystème, sans être dépendants des réseaux sociaux, leurs choix de consommation. Comme ils sont très suivis, ils parviennent à être de moins en moins dépendants des réseaux sociaux et des marques partenaires, et à être dans l'influence à travers des city-commerces. C'est une cadence qui ne se pratique pas en Europe aujourd'hui.

Là aussi, on sait bien que les influenceurs sur Instagram ont des publications sponsorisées : le consommateur est de moins en moins naïf à ce sujet-là. Sur certaines catégories de population, pour certains produits, l'influence fonctionne et rassure le consommateur puisqu'il met la confiance dans ces influenceurs. Par exemple, que plus les bloggeuses de mode dévoilent leur intimité, faisaient des photos d'intérieur, montraient leurs enfants, plus le consommateur avait confiance en elles puisqu'il considérait qu'elles faisaient presque partie de la famille et la confiance faisait qu'on passait à l'achat de ce qu'elles pouvaient conseiller. Certaines influenceuses commencent à dire qu'elles font sincèrement la promotion de leurs produits mais n'ont pas de partenariat avec la marque. En Chine c'est plus clair : les influenceurs ont tous leur propre site d'e-commerce. En réalité, la Chine est en avance sur beaucoup de sujets.

Ce qui va être intéressant de suivre, c'est par exemple la marque Rihanna. Il s'agit d'un nouveau mode d'influence puisque Rihanna, influenceuse-type, monte sa marque de maquillage "Fenty", mais ne le fait pas seule puisqu'elle se met sous une marque ombrelle (LVMH, groupe international qui génère de la confiance chez les consommateurs). Elle tire donc de la légitimité via LVMH et apporte la proximité, la modernité, la complicité avec les clients. C'est un nouveau mode d'influence qui va se développer à terme et qui rassure les consommateurs.

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