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"La femme aux cheveux roux" : à la hauteur de son Nobel
©Capture écran Twitter

Atlanti-culture

Orhan Pamuk n'est pas seulement un intellectuel turc capable de faire face au régime, c'est aussi un grand écrivain dont le dernier roman justifie, une nouvelle fois, le Prix Nobel qu'il a obtenu en 2006.

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE 
La femme aux cheveux roux
 d’Orhan Pamuk

Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy

Ed. Gallimard

298 pages

21 €

RECOMMANDATION

           EN PRIORITE

THEME

On retrouve le Pamuk qui incarne l’âme de la Turquie éternelle, celle d’Istanbul, des petits métiers et des destinées à la fois magiques et incertaines. Son héros, Cem, aurait voulu devenir écrivain, mais la vie en décidera autrement. Son destin sera marqué par la double tragédie d’Œdipe et celle de Rostam et Sohrab, comme si les Dieux avaient aussi pris le pouvoir sur la Turquie contemporaine.

Le récit, divisé en trois parties, explore les liens entre un père et son fils, devenu père à son tour. Il découvrira alors la difficulté de s’extraire de la figure paternelle.

POINTS FORTS

Orhan Pamuk est un conteur, certainement l’un des meilleurs que la littérature contemporaine nous offre. Il ajoute ici une dimension mythologique et onirique avec ces deux destinées, celle d’Œdipe, qui est bien connue, et celle de Rostam et Sohrab, une épopée persane du Xème siècle, qui l’est moins : Rostam est un roi qui a un fils, Sohrab, avec la princesse d’un royaume ennemi. Lorsque la guerre éclate, les deux guerriers, qui ne connaissent pas leur lien, se défient sur le champ de bataille. Rostam tue Sohrab et découvre qu’il est son fils.

Cem, le héros du livre, est fortement marqué par ces deux récits, ces deux destinées. Son père quitte assez vite le foyer et il n’a plus avec lui que des relations épisodiques. Il aura ensuite un fils, sans le savoir, jusqu’au jour où ils seront confrontés.

La passion d’Orhan Pamuk pour sa ville, Istanbul, éclate ici comme dans chacun de ses livres. Elle vit et s’agrandit au rythme de l’histoire, dont elle constitue un des protagonistes (Cem devient promoteur et contribue à son développement). Il laisse également libre-cours à sa passion pour les « petits métiers » – les vendeurs de limonade dans son avant-dernier roman « Cette chose étrange en moi » – et, ici, un maître puisatier qui deviendra le père de substitution de Cem. Il décrit en détails la façon dont sont exercés ces métiers, leur noblesse mais aussi leur dureté et le progrès qui les condamnent à disparaître.

Aussi puissant que ses précédents romans, « la femme aux cheveux roux » met en scène des personnages en quête d’identité. Pamuk alimente l’histoire avec un suspense qui nous tient en haleine. Les destins se rejoignent et s’imbriquent naturellement, l’histoire crée à son tour un mythe qui rejoint les grandes figures romanesques.

POINTS FAIBLES

Le roman est court et plus concentré que les précédents. On est presque déçu d’arriver si vite à la fin...

EN DEUX MOTS

On comprend souvent mieux une société grâce aux écrivains qui la mettent en scène sur un mode romanesque que par bien des articles ou des essais culturels, politiques ou historiques qui tentent d’en décrire la complexité.

Lire Pamuk permet de comprendre pourquoi la Turquie rêve d’Europe mais n’en fera probablement jamais partie.

UN EXTRAIT

 (page 291):

 « Je raconterai comment, cette même année, Maître Mahmut et le père de mon fils étaient venus sous les chapiteaux jaunes du Théâtre des légendes édifiantes, chacun à un jour d’intervalle, et comment tous les deux avaient été touchés par la tragédie de Rostam et Sohrab. Entre les larmes que j’avais versées ce soir-là sous le chapiteau et celles que j’avais versées trente ans plus tard devant la bouche du puits, il y avait la même intimité, les mêmes liens inexorables qu’entre les mythes et la vie ».

L’AUTEUR

Orhan Pamuk est l’écrivain turc le plus connu, le seul à avoir reçu le Prix Nobel de littérature, en 2006. Il est l’auteur d’une dizaine de romans, mais aussi de nouvelles, de récits et d’essais, vendus dans le monde entier à plus de onze millions d’exemplaires.

De culture musulmane, il est très engagé au service des droits de l’homme, de la liberté d’expression et du dialogue entre les peuples, ce qui lui valu d’être mis en examen pour « insultes à l’identité turque » et d’être menacé par les milieux nationalistes turcs.

Il demeure l’observateur d’une nation divisée et le conteur d’une Turquie tiraillée entre la tradition musulmane et le modèle occidental.

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