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"L’Evangile selon Yong Sheng" de Dai Sijie : un grand roman
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Vous avez peut-être lu "Balzac et la Petite Tailleuse Chinoise", succès international d'édition. Cette fois, Dai Sijie passe au cran encore au-dessus. Ce livre est un petit chef-d'oeuvre.

Marie De Benoist pour Culture Tops

Marie De Benoist est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

 

 

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L’Evangile selon Yong Sheng
de Dai Sijie

Ed. Gallimard 

 442 p.

 RECOMMANDATION 
           EN PRIORITE

THEME 

Le roman s’ouvre à l’aube du XXème siècle, près de Putian, en Chine orientale, par une « symphonie flamboyante » jouée par des colombes, grâce aux sifflets attachés à leurs plumes caudales et fabriqués par le charpentier-menuisier Yong. Son fils, appelé Sheng, « le son », à qui on offre le jour de sa naissance un aguilaire, arbre aromatique au suc précieux et au pouvoir apaisant, connaîtra un destin hors du commun. Confié au pasteur Gu, un évangéliste américain, il découvre une statue du Christ en croix, vénérée en secret par sa fille Mary, sa chère institutrice. Marié de force par son père à quatorze ans, baptisé par le missionnaire, qui lui souffle sa vocation, il part étudier la théologie à Nankin. Alors que sa femme attend un enfant, un drame personnel le retient au dernier moment d’une sombre vengeance contre Mary. Ce sera le premier des nombreux malheurs qui vont s’abattre sur lui, devenu le pasteur Yong, à la tête d’un orphelinat. Il va, en effet, entrer dans l’Histoire malgré lui à partir de 1949, date de l’avènement du régime communiste. Interrogé, il est accusé à tort et supplicié par un certain Manchot, mais il vit ses souffrances comme le Christ. Devenu un ennemi du peuple, il subira d’autres tortures atroces dans un pressoir à huile destiné à « rééduquer » les contre-révolutionnaires, ainsi que des outrages infâmants, à cause de la trahison de sa fille, blessure suprême.

POINTS FORTS 

• Ce conteur hors pair tient le lecteur en haleine par des indices glissés ici et là sur les prochains rebondissements et lui offre une succession de scènes inoubliables.

• Un hymne enchanteur à la beauté de la Création, grâce à des descriptions poétiques où se mêlent toutes les sensations, symbolisées par le « concert polyphonique » des colombes ou les animaux représentés sur sa fresque de l’Arche de Noé ou encore l’aguilaire, cet arbre sacré aux pouvoirs magiques, qui, tel un phénix, renaît de ses cendres.

 • Dans cette relecture de la Bible, Yong Sheng, le pasteur chinois, s’identifie de plus en plus au Christ, en établissant des échos entre ce qu’il vit et de nombreux passages du texte sacré, culminant dans la « souffrance du serviteur de Dieu », lors de son propre chemin de croix.

• Des personnages hauts en couleur se croisent, se perdent, se retrouvent. Leur fonction est de changer le destin de Yong Sheng, en jouant un rôle bénéfique ou/et maléfique. L’amitié qu’il nouera avec son ancien tortionnaire Le Manchot illustre bien ce genre d’ambivalence.

• Autre prouesse de ce livre : le contexte historique de la Révolution culturelle, machine à broyer les êtres humains, n’est jamais pesant, parce que l’auteur garde un ton léger et un sens du burlesque au coeur même des situations les plus tragiques.

POINTS FAIBLES 

• La quatrième partie paraît quelque peu artificielle et inutilement compliquée par rapport aux trois autres, même si la fin du pasteur chinois reste bouleversante.

EN DEUX MOTS 

Ce récit, écrit en français par Dai Sijie, à la mémoire de son grand-père (1895-1973), l’un des premiers pasteurs chinois, frappe par son souffle romanesque et par la force évocatrice des personnages, qui traversent les tumultes de l’histoire de la Chine au XXème siècle. On suit la destinée extraordinaire de ce fils de charpentier, depuis la fraîcheur de ses étonnements d’enfant jusqu’au gouffre de ses souffrances, qu’il acceptera en martyr. Un très grand livre, dont on retiendra les symboles emblématiques, comme des fils tissés avec une poésie délicate et sensible.

UN EXTRAIT 

«  Si tu voulais être pasteur, je pourrais te faire entrer à la faculté de théologie de Nankin. --- Pourquoi je deviendrais pasteur ? – Tu es fils de charpentier, affirma le vieillard en posant une main fiévreuse sur la tête de son protégé. Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard, si celui qui sera le premier pasteur chinois de Putian est le fils d’un charpentier. » p.104

L’AUTEUR

Né en Chine en 1954, Dai Sijie est romancier et cinéaste. Il a publié plusieurs romans dont "Balzac et la Petite Tailleuse chinoise" (2000), qui a connu un immense succès et "Le Complexe de Di" (Prix Femina 2003).

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