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LECTURES D'ETE : Notre sélection des meilleurs livres des 10 derniers mois. AUJOURD'HUI : "Comment gouverner un peuple-roi ?" de Pierre-Henri Tavoillot
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Si vous n'avez qu'un seul essai politique du début d'année à lire, prenez le dernier ouvrage de Pierre Henri Tavoillot: un régal pour l'esprit et un cahier des charges top-niveau pour l'action

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey est chroniqueur pour Culture-Tops. 

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). 

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LIVRE
Comment gouverner un peuple-roi?
Traité nouveau d'art politique
De Pierre Henri Tavoillot 
Ed. Odile Jacob  
356 p 
22,9 €


RECOMMANDATION   

            EN PRIORITE 


THEME 
Winston Churchill disait, avec son humour si particulier, «La démocratie est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres ». Il n’est pas besoin d’aller chercher loin dans l’actualité pour se rendre compte que l’exercice du pouvoir dans un pays démocratique est soumis à des tensions grandissantes, centripètes plus que centrifuges, interpellé par les pouvoirs grandissants des opinions. Le Philosophe Pierre Henri Tavoillot voit, dans la montée des populismes, des mouvements  libertaires, communautaristes, dans l’abstention comme dans le plébiscite des autocrates, la manifestation d’une triple déception : celle de la représentation, de l’impuissance et du déficit de sens de l’action publique. C’est là le fond de son questionnement, et le parti pris de son livre.
 Sous les feux de la modernité, d’internet et des réseaux sociaux, quel est l’avenir du modèle de « démocratie libérale » ? Pour nourrir une réflexion qui prend appui à la fois sur la démocratie athénienne et sur les régimes démocratiques (ou qualifiés comme tels) du monde moderne, Pierre Henri Tavoillot ré-interroge le sens profond de la définition qu’en avait donné Abraham Lincoln, « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». 
Son ouvrage  porte à juste titre le qualificatif de « Traité nouveau d’art politique » car il ne se contente pas d’analyser, mais aussi de proposer aux gouvernants et leaders d’opinion, des pistes de réflexion et des réponses pour une gouvernance démocratique re-légitimée dans un monde multipolaire.

POINTS FORTS  
Pour commencer, cet essai à de très nombreux points forts qu’il sera difficile de citer tous. Disons, pour résumer : 

  • Un ouvrage bien écrit, facile à lire, et sans langue de bois. Très bien structuré, il permet de suivre sans difficulté la pensée de son auteur. 
  • Un ouvrage richement documenté, qui appuie chaque observation et analyse sur des exemples concrets (et des extraits d’articles, de discours, de livres…) tirés notamment de la scène politique internationale contemporaine.
  • En première partie de l’ouvrage, une « mise en ordre » des idées et des concepts qui permet de suivre facilement le raisonnement. A titre d’exemple, il propose de caractériser les régimes politiques selon leurs singularités sur une échelle de vertus supposées ou réelles, « démocraties radicales », « illibérales » et « théodémocraties », de Poutine à Chavez, d’Erdogan au Premier ministre indien (Narendra Modi, pour les intimes !) ou encore Lee Kuan Yew, Premier ministre singapourien, parangon de la pratique démocratique au bénéfice du « bonheur du peuple » - par ailleurs inspirateur de Den Xiaoping.
  • En seconde partie, Pierre Henri Tavoillot propose les règles d’un nouvel art politique, évalué au prisme des conditions de succès aux élections, des délibérations « comme moyen», de la décision « comme but » et de la nécessité de « rendre des comptes ». Le cheminement reste simple, les exemples nombreux et pertinents (en particulier sur les tendances libertaires – et peut être liberticides - du peer to peer proposé par les réseaux sociaux, du délitement de la décision embourbée dans les vertiges de la délibération et de la revendication des droits).

Enfin ne boudons pas le plaisir de citer la richesse des exemples historiques donnés (à savourer, le modèle démocratique de l’élection du doge de Venise), les éclairages sur l’étymologie du langage électoral, les hors textes et la rencontre avec la pensée de très nombreux philosophes, hommes et femmes politiques, Aristote « qui a tout inventé », Socrate, Platon, Spinoza, Saint Thomas d’Aquin, H.Arendt, Machiavel, Sieyès, Richelieu, Montesquieu, Lincoln, Lénine, Clémenceau, G.Schröder, T.Blair, V.Giscard d’Estaing, Michel Rocard, Kepel, Aron, Abul Ala Maududi, Luc Ferry, François Cornut-Gentille… un régal pour l’esprit autant qu’une incarnation pertinente des grandes idées politiques.


POINTS FAIBLES  
D’aucun trouveront ce « traité » dénué de solutions concrètes pour restaurer confiance et légitimé dans un modèle de gouvernance des peuples, qui doit marier avec subtilité intérêts particuliers et collectifs, libertés individuelles et intérêt général. Pour autant, il ne vise pas à substituer l’autorité morale du philosophe à l’autorité des dirigeants élus, mais simplement à accompagner leur réflexion.

EN DEUX MOTS 
Quand un philosophe s’empare de la question de l’art politique- des formes, des buts et de la légitimité du gouvernement d’un peuple, on pourrait craindre un exercice ennuyeux ! C’est tout le contraire. Très accessible et nourri de très nombreux exemples tirés de l’actualité la plus récente, cet essai est à la portée de tous.  
Alors que l’on ne peut nier que s’allument partout des signaux qui témoignent de la fragilité du modèle démocratique, en particulier en Europe, le livre de Pierre Henri Tavoillot apporte très opportunément des éléments d’analyse et d’accompagnement de la réflexion des leaders d’opinion. Il éclaire (sans les juger) les fondements de mouvements comme Podémos, Nuit debout, Cinque Stelle, les gilets jaunes… pose de vraies bonnes questions comme celles de la finalité de l’action publique, du consentement à être gouverné – par qui, et pour quoi. 
Si les constats qu’il dresse et les idées qu’il expose ne sont pas destinés à imposer une vision de la pratique démocratique, ils constituent, dans le contexte des gilets jaunes et du Grand débat, une « matière à réflexion » d’une grande richesse, et à ce titre bigrement utile ! On rêverait que ce livre soit lu par tous les acteurs de la vie publique – non pour les convaincre, mais pour nourrir leur réflexion sur le sens et la finalité de leurs actions.

UN EXTRAIT
Ou plutôt six: 
« La démocratie est moins un trésor à défendre qu’un mode d’existence commune à inventer dans un monde engagé dans un perpétuel changement ». P 9

« Le crépuscule du devoir, comme l’écrit Gilles Lipovetsky, ne signifie pas la disparition de l’engagement mais suppose que celui-ci se déplace des grandes causes transcendantes aux petites causes personnelles et ponctuelles ». P 73 

A propos des passions démocratiques : ces passions « sont à la fois désintéressées (car elles se placent du point de vue de l’intérêt général) et tristes comme dite Spinoza (dans la mesure où elles sont contres…). Ce sont elles qui tendent à saturer le nouvel espace public des chaines d’information  en continu et des réseaux sociaux ». P 174

« L’échange démocratique tend aujourd’hui à être saturé par ces trois maux que sont l’indignationnisme, la transparentite, la communicationnite. » P 207

« Le contexte des débats démocratiques a changé. Il y a cinquante ans, il mettait en jeu un petit millier d’acteurs – les leaders d’opinion -, bien identifiés, dotés d’idéologies claires, dans un cadre national […]. Aujourd’hui, ce sont des millions de contributeurs dans un cadre mondialisé soumis à un changement permanent, qui, par sa complexité, défie non seulement l’anticipation mais aussi l’entendement ». P 214


« J’ai tenté, dans cet ouvrage, de dessiner le cahier général des charges de cet art politique nouveau. Il a, d’abord, cette particularité, plus encore que les précédents, de concerner le citoyen autant que le politique, puisque l’art de gouverner est, en démocratie, aussi, un art d’être gouverné ». P 326

L'AUTEUR
Pierre-Henri Tavoillot est philosophe. Il préside le collège de Philosophie de la Sorbonne. Il s’intéresse aux âges de la vie, à la transmission, à l’éducation, aux idées et philosophies politiques.
Outre "L’Abeille et le Philosophe" et « La guerre des générations aura-t-elle lieux ? », dont les chroniques sont sur le site Culture-Tops, et une dizaine d'autres ouvrages très accessibles, il est le co-auteur (avec son confrère Eric Deschavanne) du volumineux et respecté ouvrage "Philosophie des âges de la vie". Son dernier livre « Comment gouverner un peuple-roi » a déjà fait l’objet de nombreuses articles et interviews, dans la presse magazine et à la radio.

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