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"Le Voyage de Marcel Grob" : vraiment, aujourd'hui, la BD sait tout faire
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Le sujet était trapu: les alsaciens enrôlés d'office dans l'armée allemande pendant la 2° guerre mondiale. Mais la réussite est là, dessin autant que texte.

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier pour Culture-Tops

Nicolas Autier est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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BD

Le Voyage de Marcel Grob
de Philippe Collin et Sébastien Goethals
Ed. Futuropolis
192 p.
24 €

RECOMMANDATION

EN PRIORITE

THEME

Marcel Grob naît en Alsace en 1926, à l’époque où cette région passe de la France à l’Allemagne, à peu près tous les 30 ans, en fonction de l’identité du vainqueur des guerres que ces deux pays ne peuvent s’empêcher de se mener au tournant des XIX° et XX° siècles.

En juin 1944, il a 17 ans. Il est considéré comme allemand par un III° Reich qui impose alors encore sa loi sur l’Europe de l’Ouest. Soumis à la conscription, il est, à l’instar de 100 000 Alsaciens et 30 000 Lorrains, appelé sous le drapeau à croix gammée et versé dans la Waffen SS.

En Octobre 2019, Marcel Grob a 83 ans. Il a survécu à la guerre, est revenu vivre dans sa région natale, a vécu, travaillé, s’est marié. Suspecté d’être un criminel de guerre, interrogé par un jeune juge d’instruction au nom d’un tribunal d’exception mandaté par les familles des victimes de la seconde guerre mondiale, il reprend le récit de sa vie pour espérer prouver son innocence.

POINTS FORTS

Il y a Koenig, Riedweg, Antoine, Stanislas et Marcel. Nés dans un pays au frontières mouvantes, ils voulaient « continue[r] à jouer au football », « rester à la ferme pour aider les vieux », « revenir chez [eux] en vie », mais aussi « botter le cul des bolchéviques » ou «  ne pas aller se battre pour les nazis ». Les deux premiers furent exécutés pour avoir tenté de déserter, le troisième fut tué lors des premiers  
 ou

Il y a les allers-retours entre le présent et le passé, magnifiquement soutenus par le traitement des arrière-plans. Ceux du temps présents sont aussi nets et précis que les avant-plans. Ceux du temps passé s’estompent dans une forme de lavis aquarelle, le trait net soulignant la brutalité des souvenirs d’avant-plans à jamais imprimés dans la mémoire du jeune Marcel. Les variations d’intensité des sépias utilisés pour colorer les planches renforcent cette mise en abîme du souvenir : plus soutenus pour le présent et les avant-plans, quasi effacés pour le passé et les arrière-plans.

POINTS FAIBLES

Le voyage de Marcel Grob est une invitation à aborder de façon plus exigeante une page sombre de notre histoire et à essayer de comprendre sans préjugés comment peut réagir un individu confronté à une violence qui le dépasse. Il donne ainsi envie de (re)lire de toute urgence le déroutant Des Hommes Ordinaires de Christopher R. Browning, éd. Les Belles Lettres, 2002.

Au vu de toutes ses qualités, on pourrait, peut-être, lui reprocher une fin qui refuse de prendre parti.

EN DEUX MOTS

Quinze jours après sa sortie en librairie, Le Voyage de Marcel Grob est en rupture de stock. Encore quinze jours plus tard, il est à nouveau disponible en librairie et caracole en tête des meilleures ventes. Comment expliquer un tel phénomène, extrêmement rare dans l’univers de la BD ? Peut-être par quelques-unes des questions qu’il soulève…

Que faire quand on a 17 ans en 1944 ; que l’on est né dans un territoire que s’arrachent depuis 50 ans les deux plus grandes puissances continentales ; que l’on rêve de football, de filles et de récoltes ; que l’on n’a jamais vu la mer ; que les moyens de s’informer et de comprendre le monde sont sans commune mesure avec ceux d’aujourd’hui ; que sa famille est menacée de représailles si l’on désobéit à la loi du plus fort ; que l’on vit depuis quatre ans dans un pays occupé ; que l’on a été témoin de la violence de l’occupant… ?

Que faire pour résister à la pression du groupe ; à la peur ; à la tentation de la violence ; à l’envie irrépressible de survivre en dépit de tout ; à l’abandon de valeurs que l’on pensait irrévocables ?

UNE ILLUSTRATION

LES AUTEURS

Né en 1975, Philippe Collin, effectue à Brest des études d'histoire contemporaine pendant lesquelles il se consacre largement à l’étude de l'épuration des collaborateurs à la Libération. D'abord chroniqueur dans différentes émissions de radio, il devient en 2005 animateur de l’émissionComme un ouragan puis de Panique au Mangin Palace de 2005 à juin 2010. Il anime ensuite différentes émissions dans le même esprit décalé, délirant, un rien irrévérencieux, notamment Si l’Amérique m’était contée, France Inter, 2013-2015 ou L’œil du Tigre, également sur France Inter, depuis 2015. Il travaille également pour plusieurs émissions de télévision, dont Le Grand Journal, sur Canal+. Le Voyage de Marcel Grob est sa première BD.

De la même génération, Sébastien Goethals devient rapidement un spécialiste du thriller, notamment grâce à la série Tower, éd. Vents d’Ouest, 2000-2002, sur un scénario de l’écrivain Ange. En 2004 et 2005, il collabore à la série Angeline écrit par la comédienne Adeline, éd. Soleil. Il se consacre également à l’animation, travaille sur des longs métrages et des séries avant de revenir à la BD avec notamment : Ceci est mon corps, éd. Grand Angle, 2009 ; Le Zodiaque, éd. Delcourt, 2012 ; Le Temps des Sauvages, éd. Futuropolis, 2016.

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