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"Train de nuit pour Lisbonne" : quand nos fantômes mènent la danse
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Atlanti-Culture

Hélène Dufour pour Culture-Tops

Hélène Dufour pour Culture-Tops

Hélène Dufour est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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LIVRE

SERIE "PEPITES POCHE"

Train de nuit pour Lisbonne
de Pascal Mercier
Ed. 10/18, Domaine étranger
traduit de l’allemand par Nicole Casanova, 2008 (Verlag, 2004)

RECOMMANDATION

EXCELLENT

THEME

Gregorius, professeur émérite de langues anciennes à Berne en Suisse, en partant un matin au lycée, rencontre sur un pont une jeune femme portugaise sur le point de se suicider. Cette rencontre, qui n’aura pas de suite, l’amène pourtant à changer radicalement sa vie : il quitte tout, part à Lisbonne sur les traces d'un auteur portugais, Amadeu de Prado, médecin et homme d’exception. En se lançant à sa recherche, c’est lui-même qu’il va découvrir.

POINTS FORTS

« Quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre »….  Pascal Mercier a repris le thème du pont qui vous conduit sur une autre rive, rendu célèbre par Murnau. Le professeur de langues mortes Gregorius, à la suite d’une rencontre bouleversante sur un pont, donne un nouveau sens (ou donne vie) à son existence… Le voyage en train qui ouvre et boucle le livre, l’enquête sur un autre se double d’une quête sur lui-même. Celle-ci alterne avec des réflexions plus générales, extraites du livre d’Amadeu de Prado, sur les choix de la vie, le rapport à la mort, au temps, les mots ou les langues étrangères… ; avec la rencontre avec les proches de Prado, souvent en relation avec la Résistance portugaise à Salazar, et différentes figures féminines ; la promenade nocturne dans Lisbonne….  Le roman est nourri des questionnements du personnage principal, c’est dire qu’ils ne paraissent jamais abstraits, mais singulièrement proches, incarnés par un homme à la fois déterminé et fragile. Pourquoi les aiguillages de la vie vous amènent-ils à tel choix plutôt qu’un autre, pourquoi cette existence parmi tant d’autres possibles ?

POINTS FAIBLES

Des longueurs à la fin.

EN DEUX MOTS

Un roman que l’on a envie de lire vite (côté roman policier), mais qui invite aussi à réfléchir et à aller jusqu’au bout de nos rêves.

UN EXTRAIT

Les premières phrases du livre:

"Ce jour commença à la manière d'innombrables autres jours, pourtant, après lui, rien ne devait plus être comme avant dans la vie de Raimund Gregorius. Gregorius arriva de la terrasse de la Confédération à huit heures moins le quart et prit le pont de Kirchenfeld qui mène du centre de la ville au lycée. Ainsi faisait-il chaque matin de l'année scolaire, et immuablement à huit heures moins le quart. [...]
Le vent soufflait en rafales, chassait au-dessus de lui les nuages bas et retourna son parapluie. C'est alors qu'il aperçut la femme au milieu du pont. Accoudée au para­pet, elle lisait sous les torrents d'eau ce qui semblait être une lettre. Elle était obligée de la tenir à deux mains. Quand Gregorius s'approcha, elle froissa soudain le papier, le pétrit en une boule qu'elle jeta d'un geste violent dans le vide. Involontairement, Gregorius avait accéléré la marche et il n'était plus éloigné d'elle que de quelques pas. Il vit la fureur sur ce visage blême et mouillé de pluie. [...] À présent, la femme s'appuyait sur le parapet, les bras tendus, et ses talons glissaient hors des souliers. Elle va sauter. Gregorius abandonna le parapluie à un coup de vent qui l'emporta par-dessus le parapet, il jeta par terre sa serviette pleine de cahiers d'élèves et lança à voix haute une série de jurons qui n'appartenaient pas à son vocabulaire habituel. La serviette s'ouvrit et les cahiers glissèrent sur l'asphalte mouillé. La femme se retourna. Pendant quelques instants, elle contempla sans bouger les cahiers qui noircissaient dans l'eau. Puis elle tira un stylo feutre de la poche de son manteau, fit deux pas, se pencha vers Gregorius et lui écrivit une série de chiffres sur le front.
«Excusez-moi, dit-elle en français, le souffle court et avec un accent étranger, mais il ne faut pas que j'oublie ce numéro de téléphone et je n'ai pas de papier sur moi.»

L'AUTEUR

Professeur de philosophie des langues et de philosophie analytique à l’Université libre de Berlin, Pascal Mercier (de son vrai nom Peter Bieri, né en 1944 à Berne) est aussi romancier : il a écrit entre autres L’Accordeur de pianos, paru en français en 2010.

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