"Un Cowboy à Paris" : Et si Lucky Luke tombait sur les Gilets Jaunes?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"Un Cowboy à Paris" : Et si Lucky Luke tombait sur les Gilets Jaunes?
©

Atlanti-Culture

Dans sa nouvelle aventure, grâce à l'imagination et au talent de Jul et Achdé, Lucky Luke se retrouve à Paris. Etonnant et amusant.

Dominique  Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse est chroniqueur pour Culture Tops

Voir la bio »

BANDE DESSINEE

Un Cowboy à Paris

Scénario : Jul  / Dessins : Achdé
Editions Lucky Comics
46 pages
10,95€

RECOMMANDATION

BON

THEME

Jul et Achdé ont eu la drôle d’idée de faire se rencontrer le célèbre cowboy Lucky Luke et le sculpteur Auguste Bartholdi. Ils en tirent l’histoire de ce dernier opus, "Un cowboy à Paris", et, autant l’écrire tout de suite, c’est plutôt une bonne surprise. En effet, je n’avais plus apprécié de Lucky Luke depuis fort longtemps ; au moins depuis la mort de Morris, son créateur, voire celle de Goscinny, qui l’avait rejoint au scénario à partir du 11ème album. Et mes quelques rares tentatives de lecture post-morrissiennes s’étaient soldées par des déceptions. Avec Un cowboy à Paris, cette malédiction personnelle semble enfin levée...

L’idée de départ repose sur un fait historique réel : Auguste Bartholdi s’est effectivement rendu aux Etats-Unis en 1871, pour une campagne de promotion de la future statue de la Liberté, ayant pour objectif de faire financer son socle par des donateurs américains.

 L’imagination des auteurs s’est emparée de ce fait réel pour le déformer savoureusement. La première moitié de la BD se passe dans l’ouest américain. On suit le périple de Bartholdi qui transporte comme une attraction le bras de la future statue, sous la protection de Lucky Luke. La seconde moitié transporte Lucky Luke et son inséparable cheval, Jolly Jumper, à Paris. Ce qui donnera aux auteurs l’occasion de mélanger l’anachronisme et la réalité historique.

POINTS FORTS

Un Cowboy à Paris renoue avec la recette qui a fait le succès de Lucky Luke : des gags qui s’enchaînent en rythme, le détournement des codes hollywoodiens du western (les indiens, le goudron et les plumes…) et les personnages récurrents (j’espère que la très courte apparition parisienne de Rantanplan ne vous échappera pas).

Enfin, on ne fait pas de bonnes aventures de Lucky Luke sans un méchant de pacotille, et celle-ci trouve avec le personnage d’Abraham Locker, directeur de pénitencier, un digne successeur aux Dalton et autre Billy the Kid.

Le graphisme d’Achdé est classique, mais solide, avec une très jolie planche pleine page vers la fin de l’histoire, et contribue à rendre agréable la lecture de l’album. Les dessins de la partie parisienne méritent même votre attention, pour dénicher quelques petits détails amusants.

On sent que les auteurs ont aussi été très attentifs à respecter un fond de réalité historique, comme si, en partant d’une anecdote réelle (le voyage de Bartholdi), ils s’engageaient à ce que leur humour ne bouscule pas trop la vraisemblance du récit.

POINTS FAIBLES

Comme toujours, pour ce genre très particulier de la reprise de séries mythiques, le reproche pourrait résider dans la comparaison avec l’original, d’autant plus quand vous prenez le parti pris de respecter scrupuleusement les codes de la série. Si on compare, par exemple, avec l’évolution du personnage de Spirou, trituré avec talent par toute une floppée d’auteurs, cet album fait un peu pâle figure. Lucky Luke a pourtant déjà connu ce genre de transgression, avec « l’homme qui tua Lucky Luke », que Nicolas Autier avait chroniqué sur ce site, à sa sortie. Nicolas nous avait donné une belle image de la richesse et de l’inventivité du scénario de cette histoire, qu’on ne retrouve pas ici.

Mais ce n’était pas non plus l’objectif. Il s’agissait surtout d’écrire une histoire que n’aurait pas reniée Morris et j’ai l’impression que cet objectif, pas si simple, a été parfaitement atteint.

EN DEUX MOTS

Ne boudez pas le plaisir de lire un bon Lucky Luke, entre deux continents! 

L’histoire de ce Bartholdi de BD, promenant le bras de sa statue dans l’ouest américain, se lit d’une traite, sans se prendre la tête. On passe un bon moment, certes un peu éphémère, mais ce n’est déjà pas si mal. 

Je retiens de l’enchaînement des gags quelques morceaux de bravoure, comme l’évasion d’un petit volatile, l’allusion à des écoles de peinture, le renouvellement du gag de l’ombre; et enfin, j’ai eu petit coup de cœur pour le détournement en mode western de la Normandie (Camembert, 402 habitants, notre pâte est molle, mais notre plomb est dur...). 

Outre Bartholdi, vous croiserez quelques autres personnages célèbres, comme Victor Hugo ou un Rimbaud-hommage à Billy-the-kid.

UN EXTRAIT

LES AUTEURS 

(d’après BD Gest)

Jul, de son vrai nom Julien Berjeaut, est né en 1974 en banlieue parisienne. Après Normale Sup’ et une agrégation, il enseigne l’histoire chinoise à l’université. Il s’éloigne rapidement de cette “première vie” pour devenir dessinateur de presse. En 2000, il rejoint l’équipe de Charlie Hebdo. Il dessine aussi aux Échos, à l’Huma, à Lire, à Philosophie Magazine ou à Fluide Glacial… La parution de sa première bande-dessinée en 2005 marque un tournant. Plongée dans l’univers de l’altermondialisme, Il faut tuer José Bové est un énorme succès de librairie. On le connaît aussi pour sa série d’animation sur Arte, Silex and the City.

Achdé (Hervé Darmenton) est né le 30 juillet 1961 à Lyon. A 9 ans, il pioche 6 francs et 25 centimes pour acheter sa première BD. Incroyable mais vrai : il s'agit de l'album Lucky Luke contre Phil Defer. Après avoir publié son premier dessin à 14 ans dans un fanzine, il décide de devenir auteur de BD ou rien. En 1988, il publie à compte d'auteur son premier album : Destins croisés. Après avoir bien rigolé en voyant à la télé les éleveurs bretons jeter des moutons sur les CRS, il a l'idée de CRS=détresse. Le premier album de la série paraît en 1993. Après un petit passage chez Spirou avec Fort Braillard, il se lance alors dansWoker (l'histoire de Tarzan sur une autre planète) à quatre mains avec Widenlocher, et dessine Doc Véto d'après les scénarii de Godard. Aujourd'hui, il réalise un rêve d'enfant en reprenant Lucky Luke.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !