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La chirurgie esthétique entre-t-elle dans les frais de mandat ?
©CHANDAN KHANNA / AFP

Bonnes feuilles

Tout devait changer : allègement des normes, baisse des dépenses et des impôts... Mais dix-huit mois plus tard, la vérité est bien différente. Agnès Verdier-Molinié dresse dans cet ouvrage à travers de nombreux exemples souvent ubuesques, le tableau de l'ancien monde qui refuse de disparaître. Extrait de "En marche vers l'immobilisme" de Agnès Verdier-Molinié, paru aux éditions Albin Michel. Extrait 1/2

Agnès  Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est "Ce que doit faire le (prochain) président", paru aux éditions Albin Michel en janvier 2017.

 

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Assez crûment, la déontologue de l’Assemblée nationale, Agnès Roblot-Troizier, dans un rapport confidentiel, a pu affirmer que le nouveau dispositif ne lui permet pas « de contrôler que les dépenses des députés correspondent à des frais de mandat comme le prescrit la loi ». Elle précise que la liste des frais éligibles aux remboursements a été rédigée en suivant « des catégories formulées volontairement en termes généraux », un flou qui place les députés dans une situation d’insécurité juridique. C’est encore la déontologue qui a dû insister pour imposer une règle simple (et de bon sens) : « que les frais de mandat doivent avoir un lien direct avec l’exercice du mandat parlementaire ». Apparemment, nos députés auraient initialement oublié ce détail.

Depuis, ils s’inquiètent et posent beaucoup de questions à la déontologue : peuvent-ils acheter du mobilier et des œuvres d’art pour décorer leurs bureaux ? Cela pose problème pour savoir qui récupère ces pièces à la fin du mandat. Peuvent-ils acheter une voiture ? Oui, mais il vaut mieux privilégier la location. Peuvent-ils se faire rembourser les PV ? Non. Qu’inclut la catégorie « soins » ? Les soins de chirurgie esthétique sont-ils concernés ? Presque tout, tant que c’est en lien avec l’activité du parlementaire, un lien très lâche qui permet d’y inclure les soins ophtalmologiques, d’ostéopathie, de psychologie, des soins contre la grippe, des soins esthétiques en institut de beauté, les crèmes, le maquillage, mais aussi l’achat de sacs, de valises, les frais d’habillement (mais combien de costumes par an ? à quel prix ?), de coiffure. Aucun plafonnement de ces dépenses n’existe au sein de cette nouvelle avance. Ainsi, à défaut de payer l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de leurs indemnités, nos députés seront stylés jusqu’au bout des ongles.

La déontologue est donc inquiète (et pour cause !) car c’est à elle de contrôler toutes ces dépenses, mais rien n’a vraiment été fait pour qu’elle ait autorité sur des députés qui sont seulement tenus de lui « présenter » les pièces justificatives. Le tout sans délai ni format de présentation obligatoires. D’ailleurs, chaque mois, les députés ont le droit de dépenser 400 euros sans justificatifs. Bon courage à elle.

Et n’oublions pas la dotation matérielle annuelle des députés qui regroupe toutes les dépenses de courrier, téléphone, taxi, matériels informatiques : 18 950 euros par an pour un député de métropole dont le reliquat est automatiquement reporté sur l’année suivante alors que, précédemment, les sommes non dépensées étaient conservées par l’Assemblée.

Pas vu, pas pris

Ces problèmes de moralité des rémunérations de l’État viennent de loin. Dès 2012, le magazine Challenges avait publié la liste des 656 hauts fonctionnaires gagnant plus que le président de la République. La pratique est courante et assumée au Royaume-Uni où, dans le cadre de la politique d’open government, toutes ces données sont publiées alors que tout est confidentiel en France. Une note classifiée de seulement 5 pages qu’on nomme « REM 150 » recense ainsi les « rémunérations au-dessus de 150 000 euros par an ». Le ministre fait la sourde oreille quand on lui demande cette liste.

En France, le dernier pointage accessible datant de 2012 mettait en exergue que sur 656 fonctionnaires ayant des rémunérations dépassant celle du président de la République, 385 étaient cadres du Quai d’Orsay en poste à l’étranger (et donc en partie non imposables), 232 étaient cadres à Bercy dont 39 chefs de service économique à l’étranger et 193 en fonction sur le territoire. Enfin, les autres administrations, tous ministères confondus, représentaient seulement 39 autres cas.

Extrait de "En marche vers l'immobilisme" de Agnès Verdier-Molinié, paru aux éditions Albin Michel

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