Atlanti-Culture
"Les bonnes" : Toute la force et l'âpreté de Genet
THEATRE
Les bonnes
de Jean Genet
Par la compagnie Mystic Twins
Mise en scène: Mathilde Chabin-Guignard
Avec Delphine Audrey, Jude Marin et Frédérique Sorel
INFORMATIONS
Théâtre du Guichet Montparnasse
Les jeudis à 19 heures
Durée : 1h10
Réservations : 01 43 27 88 61
RECOMMANDATION
EXCELLENT
THEME
Au service de Madame, Claire et Solange, les bonnes, passent leurs journées à s’inventer une vie meilleure. Transgressant secrètement les règles imposées par leur statut de bonnes, elles imaginent et réalisent un scénario aux conséquences irréparables : tuer Madame.
Tour à tour maîtresses d’une fausse cérémonie, pantins de Madame, ce monstre adoré et détesté, puis captives de leur propre machination, les bonnes dévoilent le tragique de leur condition.
POINTS FORTS
1/ "Les Bonnes", écrit il y a plus de 70 ans, résonnent encore à notre époque comme un récit moderne. L’effacement des corps, abandonnés, androgynes et asexués, presque effacés, vidés de leur désir et de leur substance est la métaphore de la condition dont elles sont prisonnières.
2/ L’inversion des rôles entre Madame et Claire puis entre les deux bonnes entre elles est brillamment mise en scène et interprétée, notamment par Jude Martin qui se glisse dans ses différents personnages avec une élasticité de serpent. Passant de la domination provocante à la servitude rebelle puis assumée, son jeu donne une épaisseur et un étonnant réalisme à chaque femme.
3/ Les personnages, qui nous semblent au début de la pièce comme des emblèmes de leur condition, des « statuts » figés dans leur propre représentation, se rapprochent de nous au fur et à mesure que la pièce déroule son fil. Elles deviennent plus humaines, comme des sœurs ou des amies et nous permettent de nous identifier à leurs émotions, leurs douleurs et leurs troubles.
POINTS FAIBLES
Dans le théâtre de Genet, l’action est secondaire et n’est qu’un prétexte pour montrer l’homme nu. L’imaginaire prend le pas sur le quotidien. Ce n’est pas un théâtre de divertissement. Il n’est donc pas facile à décortiquer : l’essentiel comme les subtilités se cachent au cœur des personnages.
EN DEUX MOTS
Revisiter ses classiques est toujours périlleux. L’exercice consiste à s’approprier un texte que bien d’autres auparavant ont interprété avec leur propre vision. La compagnie Mystic Twins pose sur le texte de Genet, créé en 1947, son regard à la fois moderne et respectueux de son propos originel. Une réussite.
UN EXTRAIT
« L’assassinat est une chose… inénarrable !… Nous l’emporterons dans un bois et sous les sapins, au clair de lune, nous la découperons en morceaux. Nous chanterons ! Nous l’enterrerons sous les fleurs dans nos parterres que nous arroserons le soir avec un petit arrosoir ! »
L’AUTEUR
Jean Genet est un auteur atypique et controversé. Ecrivain, poète, dramaturge, il a mené une vie en dehors des sentiers battus de la société et de la République des lettres. En combat permanent pour exister, il a connu l’Assistance Publique, la prison, la Légion Etrangère, la désertion avant de commencer à écrire et trouver sa place. Mais il sera toujours du côté des opprimés, des minorités, ceux qui souffrent de ne pas être reconnus.
"Les Bonnes" fut mal accueillie à sa sortie en 1947 et ne connaîtra le succès que bien plus tard. On y retrouve pourtant les thèmes qui ont traversé son œuvre, le besoin de subversion, la lutte des classes, l’amour et le désir.
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