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T-shirts a 1,99€ : ce qui se cache derrière les prix fracassants du textile dans les supermarchés pour la rentrée
©John MACDOUGALL / AFP

Super Discount

En cette rentrée, certains vêtements pour enfants affichent des prix très bas. Comment expliquer cette pratique et l'attitude des acteurs de l'industrie du textile ?

Elisabeth Laville

Elisabeth Laville

Diplômée d’HEC en 1988, Elisabeth Laville a passé quelques années au planning stratégique de deux agences de publicité avant de fonder le cabinet Utopies en 1993. Elle est depuis reconnue comme l’une des expertes européennes du développement durable. Elle a notamment écrit l'ouvrage "Vers une consommation heureuse" (Allary Editions). 

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Atlantico : A l'occasion de la rentrée, les parents peuvent trouver pour leurs enfants des t-shirts dans les grandes surfaces du textile à des prix défiants toute concurrence. Mais concrètement comment en sommes-nous arrivés à pouvoir proposer des t-shirts qui ne coûtent que deux euros?

Elisabeth Laville : Nous savons aujourd'hui que la logique de la fast fashion, le fait que tout le monde veuilles les prix les plus bas couplé aux différentiels de salaire par rapport aux pays producteurs ainsi que la production de masse et des pratiques environnementales désastreuses expliquent que vous pouvez avoir des t-shirts à des prix si bas. C'est la conjonction de tous ces facteurs qui explique que l'on ait ces prix qui paraissent dérisoires. Et sur ce prix là, in fine, la chaîne arrive encore à faire des bénéfices qui ne sont pas ridicules.
Au Bangladesh, les travailleurs du vêtement gagnent en moyenne 56 euros par mois. Disons deux euros par jour, soit potentiellement le prix d'un t-shirt en France. Je ne sais pas combien ils produisent de t-shirts par jour mais c'est tout à fait possible au final d'avoir ces prix-là.
C'est un système qui dysfonctionne complètement et à tous les niveaux y compris celui du consommateur. Marks&Spencer avait conduit une étude en Angleterre qui montre que 50% des vêtements achetés sont portés une seule fois par an. Au fond, les consommateurs achètent des vêtements dont ils n'ont pas besoin. Mais avoir la possibilité d'acheter des vêtements à si bas prix pousse à l'achat car cela ne représente rien pour nous.
Cette tendance a commencé avec la mondialisation et au moment où les grandes marques aujourd'hui emblématiques de la fast-fashion ont pris leur essor, fin des années 70, début des années 80.

Est-ce que cela répond aussi à un besoin dans le sens où certaines familles ne peuvent pas forcément se permettre autre chose ?

Déjà, répondre à un besoin nous savons que ce n'est pas vrai. Les gens achète la plupart du temps des choses dont ils n'ont pas besoin y compris chez les moins fortunés. Aujourd'hui avec l'économie collaborative, le commerce en ligne etc, il y a des alternatives. Si le souci des marques était vraiment d'habiller les moins fortunés ils auraient intégré ces nouveaux mode de consommation. Patagonia a une politique de récupération et d'incitation auprès des clients à conserver, réparer ou revendre des vêtements déjà portés. Ces cas sont déjà bien visibles dans les boutiques vintage.
L'autre argument des marques est de dire qui "les gens veulent des prix bas". Mais c'est hypocrite car ce besoin de t-shirts à bas prix, c'est ces marques qui le créent et l'entretiennent. Les neurosciences nous apprennent que les marques à travers leur marketing s'adressent à notre cerveau reptilien en créant des besoins qui sont au final artificiels.

Est-ce le signe d'une excellente stratégie commerciale ou juste que le système abusif, longtemps décrié, du textile n'a pas changé depuis les scandales révélés sur les détails de fabrication ?

83% des Français disent faire plus attention à la qualité des produits qu'ils achètent et 82% indiquent consommer moins mais mieux. 78% des consommateurs estiment considérer les promotions avec suspicion.
C'est bien la preuve que les mentalités évoluent et que le système fonctionne. Le public est de plus en plus sensible à cette problématique de la fast-fashion, des conditions de fabrication ou des coûts cachés (social environnemental) car les médias font leur travail d'information. Il suffit de regarder le travail de l'émission de CASH INVESTIGATION sur le commerce du coton pour se rendre compte des réalités et que le commerce du coton, c'est du travail caché en Ouzbékistan. Au fond, ce système là personne n'a envie d'y contribuer. Personne n'a envie de choisir entre un t-shirt pour enfant et un t-shirt fabriqué par des enfants. Ce système arrive au bout de sa logique et les gens sont en train d'adapter leur comportement. Il suffit de voir l'essor de l'économie collaborative dans nos sociétés.

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