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"Le fils" : Zeller dans la cour des grands
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Généralement encensé par la critique, même si jusqu'à présent il a alterné le bon, le très bon et le moins bon, cette fois, avec "Le Fils", Fred Zeller a vraiment écrit une grande pièce, criante d'une vie aussi sombre que réelle, et remarquablement montée et interprétée.

Véronique Smée

Véronique Smée

Véronique Smée est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THEATRE
LE FILS
De Florian Zeller
Mise en scène: Ladislas Chollat
Avec Yvan Attal, Anne Consigny, Elodie Navarre, Rod Paradot, Raphael Magnabosco et Jean Philippe Puymartin.
INFOS & RESERVATIONS 
Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Relâche du 1er au 15 avril  inclus.
Réservations : 01.53.23.99.19 et www.comediedeschampselysees.com
Comédie des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 PARIS
RECOMMANDATION : EN PRIORITE
THÈME
Nicolas, 17 ans, est en pleine dérive. Fils d’un couple divorcé, sa mère est dépassée par la situation et demande à son père, remarié depuis peu et père d’un  nouveau-né, d’intervenir. Celui-ci accepte de prendre Nicolas avec lui et va tout faire pour tenter de le sortir de la dépression qu’il traverse et le sauver.
Le Fils est le dernier volet de la trilogie familiale écrite par Florian Zeller, débutée avec La Mère en 2010 (jouée par Catherine Hiegel) et Le Père en 2012 (avec Robert Hirsh).
POINTS FORTS
-Le style et l’écriture de la pièce lui donnent une profondeur et une puissance hypnotisantes. Directe, factuelle et sans artifices, la mise en scène de cette chronique de la vie ordinaire sonne juste et installe progressivement une noirceur propre à la banalité, celle dont on ne se méfie pas et qui pourtant, entraîne les personnages dans des abysses.
- Florian Zeller révèle son immense talent à restituer le quotidien du jeune couple sans aspérités, le divorce mal vécu par la femme abandonnée, le fils adolescent paumé, la nouvelle vie du père remarié ... Par petites touches -une phrase anodine , un geste équivoque , une remarque amère -, ce huis clos devient de en plus étouffant et oppressant, révélant avec exactitude les atmosphères familiales les plus funestes.
-Yvan Attal incarne à merveille ce père qui veut trop bien faire et qui ne parvient pas à dépasser ses propres fragilités. Rod Paradot, César du meilleur espoir en 2016 pour son rôle dans « La tête haute » face à Catherine Deneuve, est bouleversant. Il sert le personnage du fils avec toute la subtilité et l’ambiguïté de ce rôle qui est sans doute le plus complexe de la pièce. La sobriété et l’élégance d’Anne Consigny en mère impuissante et abandonnée, et la fausse légèreté de la jeune épouse jouée par Elodie Navarre donnent aux personnages féminins une densité exceptionnelle.
POINTS FAIBLES
Si la pièce maintient une grande intensité jusqu’à la fin, elle gagnerait à être plus courte dans sa deuxième partie. Certaines scènes peuvent sembler superflues, dès lors que le spectateur devine leur issue.
EN DEUX MOTS
Florian Zeller nous entraîne dans la part sombre du destin, que l’on voit surgir et s’étendre jusqu’à ce qu’elle domine l’existence des personnages. Implacable, il montre que le couple Attal/Consigny est la vraie histoire d’amour de la pièce, à laquelle la seconde vie du père ne peut rien. C’est un mirage de bonheur promis, mais non dû.
Insidieusement, la pièce déroule sous nos yeux une vérité qui dérange : elle questionne la responsabilité du père comme celle du fils. Deux narcissismes s’affrontent. Celui du « bon père » qu’affiche en permanence Yvan Attal. Ayant lui-même souffert d’un père absent, il est obsédé par l’idée de lui ressembler et n’a de cesse de vouloir démontrer le contraire ; au point parfois de poursuivre ce seul but au détriment des conséquences sur son fils.
Ce fils qui a compris - instinctivement, inconsciemment ? - sur quel ressort prendre le pouvoir sur son père : celui de la culpabilité, dont il abusera. Accusant son père d’être parti, il en fait l’unique responsable de ses troubles psychiques et de sa dépression, dans une attitude victimaire dont il ne se départ jamais. L’empathie que l’on ressent pour cet adolescent en proie à de terribles souffrances et à l’auto-destruction fait place peu à peu à un sentiment plus mitigé… On est en face d’un véritable passif-agressif, qui, impuissant à se rebeller ouvertement contre son père, le fera d’autant plus par sa force d’inertie, ses silences culpabilisants et surtout, par les efforts promis qu’il ne fera pas. Habile à obtenir le soutien inconditionnel de parents totalement désemparés et impuissants, ce fils dictera leur tragique destin.
UN EXTRAIT
- Pierre (le père) :" En tout cas, si tu as des angoisses, il y d'autres façons de les canaliser. Pourquoi tu ne fais pas plus de sport? Tu devrais aller courir au moins. On pourrait y aller ensemble, si tu veux.(...)
Tu sais, quand tu te fais du mal, c'est comme si c'était à moi que tu en faisais.
- Nicolas (le fils), avec la froideur des reproches  : Et toi, quand tu as fait du mal à maman, c'est à moi que tu en as fait." 
L’AUTEUR
Florian Zeller publie à 22 ans son premier roman, Neiges artificielles, qui a reçu le prix de la fondation Hachette. En 2003 , il publie son deuxième roman, Les Amants du n'importe quoi, puis La Fascination du pire l’année suivante, qui remporte le Prix Interallié et La Jouissance, en 2012. 
C’est au théâtre qu’il connaît ses plus grands succès. Il crée L'Autre en 2004, puis Le Manège (2005), Si tu mourais ( 2006 avec Catherine Frot), et Elle t'attend (2008 avec Laetitia Casta). 
Sa trilogie familiale est jouée par de grands acteurs :  Catherine Hiegel (ancienne sociétaire de la Comédie Française) interprète La Mère en septembre 2010, rôle pour lequel elle reçoit le Molière de la meilleure comédienne. En 2012, Le Père est joué par Robert Hirsh, qui triomphe durant trois ans et obtient trois Molières en 2014. Il jouera également en 2016 Avant de s'envoler, au Théâtre de l’œuvre. En 2011, Pierre Arditi a créé au théâtre Montparnasse sa sixième pièce, La Vérité, puis Le Mensonge en 2015. Fabrice Luchini interprètera Une heure de tranquillité en 2013 et enfin, Daniel Auteuil crée L'Envers du décor en 2016.

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