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"Les musulmans ne sont pas des bébés phoques" - islam, islamisme, islamophobie: à lire d'urgence, en priorité
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Ne vous laissez pas tromper par son titre anecdotique: le livre d'André Versaille est probablement l'un des ouvrages les plus importants publiés ces dernières années sur le thème de notre société face à l'influence du fondamentalisme islamique

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey est chroniqueur pour Culture-Tops. 

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). 

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LIVRE

Les musulmans ne sont pas des bébés phoques

d'André Versaille
Editions de l'aube
257 pages

RECOMMANDATION 

EN PRIORITE

THÈME  
L'irruption du fondamentalisme islamique en Europe interroge sur les rapports entre islamisme et islam. Dans cet essai engagé, André Versaille dénonce l'absence de débat objectif sur le sujet, au nom d'une idéologie selon laquelle toute mise en cause de l'islamisme radical ne peut que renforcer le racisme antimusulman. Cet homme, qui se décrit comme issu de "la gauche de la gauche", s'adressant à ses pairs, fustige cette approche qui fait des musulmans de France, "à l'insu de leur plein gré", un prolétariat à protéger et à libérer à tout prix de l'oppression des classes dominantes. Ce prix à payer, dit Versailles, est celui du déni par les intellectuels "dits" de gauche, de la dimension politique et terroriste de l'intégrisme islamique. Composant le premier tiers de l'ouvrage, son analyse s'appuie sur la négation, au nom du principe de la "pureté révolutionnaire initiale" des atrocités des régimes  soviétiques, chinois ou cambodgiens. A l'époque, interdit de critiquer, "pour ne pas désespérer Billancourt", dira Sartre en 1955. Il parcourt et analyse ensuite tous les partis pris idéologiques qui accompagnent les débats sur l'islamisme radical, de son explication/justification par la colonisation, l'échec de l'intégration, les laissés pour compte de la croissance, la défense de toutes les cultures, la dénonciation des crimes du colonialisme et la nécessaire repentance de l'occident. 

L'originalité de l'ouvrage est qu'André Versaille démonte tous ces arguments, preuves et textes à l'appui. Il met en valeur l'influence du conformisme "politiquement correct" et de quelques leaders d'opinion comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) ou les Indigènes de la République, qui taclent tout questionnement sur l'islam radical en France et le qualifie de "dérive islamophobe".

Cet ouvrage enfin, prend parti pour qu'un débat non perverti de ces dictats idéologiques puisse se tenir en Europe avec les intellectuels musulmans modérés. 

POINTS FORTS 

1- Un exceptionnel exercice d'autocritique de l'influence des "intellectuels progressistes de gauche" (se sont ses propres termes) , "idiots utiles" disait Lénine, sur l'interprétation de la réalité des mouvements de libération anticolonialistes, marxistes et maoïstes. Si les arguments avancés n'apprendront rien à une frange de lecteurs bien informés, la démonstration est particulièrement détaillée, argumentée, illustrée d'exemples tirés de l'histoire du XXème siècle.

2- Par analogie, et en y voyant une continuité idéologique inspirée par une vision Bourdieusienne de la société (les "dominants" imposent leur vision de l'histoire aux "dominés"), Versaille souligne qu'au nom du droit à la différence, de la défense des cultures et des minorités, de la nécessité de protéger tous les français d'une dérive raciste "islamophobe", il n'est plus possible de remettre en cause, dans le débat public, le discours des intégristes religieux musulmans.

3- Cet essai est aussi un plaidoyer pour la défense des intellectuels et réformistes musulmans  modérés, qu'il compare aux philosophes des lumières dans leur combat pour libérer la connaissance des dogmes religieux. Boualem Sansal (écrivain, qui apporte son soutien à André Versaille dans le résumé du livre), Hélé Béji (écrivain et haut fonctionnaire), Tahar Ben Jelloun (écrivain), Abdennour Bidar (philosophe et haut fonctionnaire), Abdelali Mamoun (Iman de Drancy)… sont quelques uns de ces démocrates qu'il faut bien qualifier aujourd'hui de courageux.

4 - Des chapitres courts et cohérents qui fourmillent d'informations sur les interprétations de l'histoire qu'il dénonce (décolonisation, esclavage, soulèvement des peuples, génocides, identité…), de nombreuses notes bibliographiques et des renvois en bas de page qui contribuent à la solidité de l'argumentation et à la clarté du propos.

POINTS FAIBLES 

1- Un titre incontestablement énigmatique, loin de la gravité du sujet, qui peut détourner le lecteur de son incontestable intérêt. L'explication  est pourtant simple, délivrée par André Versaille lui-même : "Edwy Plenel [ à l'occasion de la sortie en 2016 de son livre "Pour les musulmans"] parle des musulmans comme d’une masse compacte composée de victimes indistinctes qu’il est urgent de protéger comme une espèce zoologique menacée. On a le sentiment d’entendre Brigitte Bardot parler des bébés phoques…"

2- Lecteurs déprimés, passez votre chemin. L'énoncé des manipulations dont nous sommes témoins et victimes est vraiment consternant.

EN DEUX MOTS  
Cet essai n'est évidemment pas une charge contre l'islam et les musulmans de France. Il est un cri d'alarme sur le déni, par une partie d'intellectuels puissamment influents dans les médias, des atteintes à la laïcité, aux droits de l'homme, à l'égalité homme femme, aux principes démocratiques fondamentaux, de l'islamisme radical en France.

Ce livre révèle ou rappelle ce que d'autres, comme Finkielkraut, Bruckner, avaient déjà dénoncé : le débat sur l'islam en France deviendrait "interdit" au nom du droit à la différence. 

Ecrit par un libre penseur épris de culture classique et de bons sens, cet essai a le mérite de proposer des vérités simples, des explications argumentées et de replacer le débat sur l'islamisme au cœur de notre histoire et des valeurs fondatrices de l'Europe moderne. 

On peut regretter, mais on ne s'en étonnera pas, qu'il ait peu été cité dans les médias, dans les semaines qui ont suivi sa parution. L'indépendance d'esprit n'a pas toujours bonne presse !

UN EXTRAIT 

Ou plutôt cinq:
- "Jamais en manque d'idées extravagantes, nous avons lancé cette trouvaille de curé, la mode de la repentance : en tant que descendants de coloniaux, nous nous sommes soudain trouvé une responsabilité collective dans leurs crimes. il ne s'agissait plus de les reconnaître et d'en enseigner l'histoire, mais de s'en accuser au présent. " P 34

-"Mais pourquoi nous qui, en occident, avons si âprement lutté contre le fanatisme chrétien, avons-nous rejoint les islamistes dans leur volonté d'empêcher le monde musulman de s'émanciper de la chape religieuse ?" P 169

- "A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis." citation de Martin Luther King, P 164

- "Et une fois de plus, nous choisissons de mettre en cause notre "culture blanche néocoloniale" que nous voulons à tout prix tenir pour responsable de la radicalité  dans laquelle s'est engouffrée  une frange de la jeunesse française de culture musulmane, sans savoir que nous nous rendons complices des religieux salafistes et des Indigènes de la République dans leur projet de destruction de la démocratie laïque.". P 235

- "Nous nous révoltons devant la plus petite réflexion sexiste exprimée par un beauf, et nous ignorons le machisme le plus agressif exercé par cette même fraction de jeunes dont la mentalité et la culture en ont fait des petites brutes qui s'estiment le droit d'user de violence envers des jeunes filles des cités lorsqu'elles ne s'habillent pas comme ils l'exigent." P 239

L'AUTEUR 
André Versaille est le nom "de plume" d'André Asaël. Editeur et écrivain Belge, il a écrit plusieurs livres qui témoignent notamment de son intérêt pour la philosophie des lumières, et pour Voltaire en particulier. Les musulmans ne sont pas des bébés phoques est d'abord paru en feuilleton dans un blog associé au journal Le Monde. Une démarche choisie pour susciter le débat démocratique et qu'il dédie "aux musulmans qui luttent contre la barbarie".

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