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"Artaud passion" : Un cri, une leçon de théâtre. Majestueux et noir
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Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

THEATRE

ARTAUD PASSION

De Patrice Trigano

Mise en scène : Agnès Bourgeois

Avec : Agnès Bourgeois, Jean Luc Debattice

INFORMATIONS

Studio Hébertot

78bis boulevard des Batignolles - 75017 - Paris

Réservations: 01 42 93 13 04 

www.studiohebertot.com

Les mardis et mercredis à 21 h 

 Jusqu'au 31 janvier

RECOMMANDATION : EXCELLENT
THEME
En mai 1946, Antonin Artaud, grand poète névrosé, le grandissime metteur en scène de l'avant guerre, adulé alors par ses pairs de l'intelligentsia germanopratine et du mouvement surréaliste, revient et revit à Paris, après 9 années de séjour en asile psychiatrique, sorte de cobaye martyr des nouvelles thérapies alors en cours d'expérimentation mais toujours fidèle aux valeurs subversives de la révolte, brillant, vindicatif bien qu'au bord de l'épuisement.
Il retrouve alors un de ses amis et ardent soutien, le Galeriste Pierre Loeb, marchand de Picasso et de Balthus.... et fait connaissance de sa fille Florence,16 ans ; elle fut sa fervente admiratrice, son émule et sa confidente... voire plus
ARTAUD PASSION porte doublement bien son titre. Outre une violente diatribe contre les forfaitures d'une société d'aliénés, elle restitue avec force références culturelles :                     
- Les souvenirs passionnés de la relation exacerbée et ambigüe entre le poète halluciné et sa muse aimante jusqu'à la mort d'Artaud, deux ans après son retour                                                                           
- La passion viscérale de l'auteur du "Théâtre et son double" et de "Van Gogh, le suicidé de la société" pour le noble art
POINTS FORTS
1/ Une leçon de théâtre
La démonstration sans faille de ce que doit être le théâtre selon Artaud et par Artaud. Il a voulu bouleverser les règles du théâtre, en mettant en scène ce qu'il appelle "le théâtre de la cruauté"
2/ L'interprétation
Le jeu des acteurs est éblouissant tant chez Jean Luc Debattice que chez Agnès Bourgeois, également metteur en scène:
- Jean Luc Debattice dans le rôle d'Artaud, une bête de scène, littéralement, personnifie en l'exacerbant la souffrance du poète et nous fait vibrer à l'unisson de ses crises de rage ou de ses accès de désespoir ; ses scènes d'auto destruction criant au monde ses quatre vérités sont sublimes
- Agnès Bourgeois, dans le rôle de Florence, amoureuse éternelle tentant d' apprivoiser le sauvage dépressif et visionnaire, est lumineuse. La narration de la vie chaotique d'Artaud par Florence faisant appel à deux années de souvenirs d'une adolescence subjuguée est  bouleversante.  
3/ Le morceau de bravoure
Le face à face JOUVET ARTAUD, la confrontation de deux génies qui ne vivent que par et pour le théâtre, l'un privilégiant le verbe, l'autre la mise en scène. Un fossé les sépare ... et pourtant !
4/ L'intensité dramatique
Du jamais vu sur scène à ma connaissance : les 48 séances de ce traitement radical des troubles neurologiques, administrés en quelques semaines dans un hôpital spécialisé de Rodez par deux apprentis sorciers de la psychiatrie nouvelle! Le patient en aura les vertèbres brisées (authentique mais non montré sur scène)
POINTS FAIBLES
Aucun ne me vient à l'esprit ; un regret toutefois : c'est trop court !  On en redemande dans le registre "majestueux et noir "  
EN DEUX MOTS 
ARTAUD PASSION est un cri, c'est le cri de la pensée révoltée, révolte de la vie, du mensonge qui dit la vérité  de ce "mentir vrai" dont partait Aragon ; c'est en vérité le "cri d'Artaud lui même qui, selon le mot de son vieux complice, André Breton, part des cavernes de l'être": A voir absolument pour se retourner les sangs et les sens...et par amour du théâtre, tout simplement
UN EXTRAIT
Artaud répliquant à Jouvet : "Avec le théâtre de la cruauté je veux débarrasser le théâtre des miasmes du langage et des relents ennuyeux de la psychologie. J'en ai assez de ce théâtre pseudo intellectuel qui ne s'adresse qu'à l'esprit. Le théâtre de la cruauté va désormais s'adresser aux nerfs et au cœur. Je veux un théâtre de sang par lequel chaque représentation transformera celui qui joue et celui qui voit jouer (....) ;  il faut révéler l'amour, le crime, la guerre et surtout la folie dans les aspects les plus sales, les plus honteux, les plus odieux."
Jouvet, interloqué, emphatique et supérieur: "Artaud, que me contez vous là ? Pensez vous faire mieux que Racine, Corneille ou Shakespeare ?"
Artaud, définitif et provocateur: "Je veux faire autrement. Je veux installer le public au milieu de la salle, et le spectacle autour. Je ne veux pas d'un théâtre qui imite la vie mais qui refait la vie, plonger la salle dans l'inconfort, lui donner le vertige, agresser le spectateur pour qu'il se bouche les oreilles. Un jet de vi-tri-ol, Monsieur Jouvet, de vitriol"                                                                              
(Sc.9. Les 2 rôles sont interprétés par un même acteur, le fabuleux Debattice)
L'AUTEUR
Patrice Trigano, après des études de philosophie et de droit, ouvre sa galerie d'art à Paris. Consacrant sa vie à l'art, il a déjà publié, subjugué par le personnage d'Antonin Artaud, "La canne de Saint Patrick" (Prix Drouot 2010), "Rendez vous à Zanzibar" (correspondance avec Fernando Arrabal) et en 2015 "L'oreille de Lacan". Il a soumis le texte de sa pièce "Artaud Passion", créée au Festival d'Avignon 2016, à Florence Loeb, si proche d'Artaud entre 1946 et 1948.

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